«Non. Il n'y a aucune explication objective au comportement du marché boursier tunisien ces derniers jours qui a paru affecté par la crise», a affirmé Taoufik Baccar, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie dans une conférence de presse à propos de la crise financière internationale et de ses incidences sur le marché financier tunisien, et par ricochet sur l'économie du pays. Les raisons en sont une certaine frilosité causée par l'étendue de la crise à l'échelle internationale. Sommes-nous pour autant épargnés ? Oui, affirme le gouverneur de la BCT, la participation étrangère en dehors des actionnaires de référence ne dépasse pas le seuil des 3% de la capitalisation boursière. Une frange de ces investisseurs constituée de fonds s'étant déjà désengagée de sa participation au mois de septembre. Les cours boursiers, explique le gouverneur, n'ont pas évolué à des niveaux excessifs les exposant aux risques d'un krach. La prudence exagérée montrée par certains opérateurs à l'origine du recul de certaines valeurs ces derniers jours s'expliquent par des facteurs purement psychologiques.
Rappelons au passage que suite aux fêtes de l'aïd, certains particuliers qui possèdent des portefeuilles boursiers et qui ont été mis au courant du retrait de quelques investisseurs étrangers de leurs titres de la Bourse de Tunis, ont paniqué et ont préféré céder leurs actions. Des valeurs sûres et des sociétés solides ont dû subir le contrecoup de ce mouvement de panique ; nous pouvons citer notamment la Banque de l'Habitat, la Star et Tunisie leasing. Le Conseil du marché monétaire a appelé les intermédiaires en Bourse à être vigilants dans le traitement de leurs portefeuilles clients.
D'autre part, la crise n'a pas, à première vue, touché les placements des avoirs en devises effectués à l'étranger. S'agissant des résidents, ils sont principalement réalisés par la BCT qui a pris la précaution de réviser sa politique de placement en réduisant ses parts dans les banques internationales de 75% du total des réserves avant la crise à 39%, privilégiant l'investissement dans des titres souverains. Le but est d'arriver à la fin du mois d'octobre à réduire ce pourcentage à 30% tout en se gardant d'effectuer des placements dans des banques à risque. D'ailleurs, ils sont effectués dans des banques classées A et double A.
Quant aux avoirs en devises des non résidents, ils sont généralement déposés auprès des banques mères à l'étranger, ce qui réduit les risques.
La confiance règne
Ce qui est de bon augure pour nous, c'est que le marché bancaire tunisien a bien réagi à la crise. Ainsi, la perte de confiance vécue au niveau des institutions financières, engendrée par la crise à l'échelle internationale, n'a pas eu les mêmes répercussions sur la Tunisie. Les banques continuent à s'échanger des liquidités couramment. L'encours moyen de l'interbancaire s'élève à 610 millions de dinars dont 72% sont à termes. Précisons à ce propos que les banques tunisiennes restent très proches de l'économie réelle, ce qui leur donne une solidité que ne possèdent pas les institutions financières commercialisant des produits dérivés sophistiqués. Les banques tunisiennes résistent parce qu'elles fonctionnent en réseaux, c'est d'ailleurs le cas des banques françaises. Dans notre pays, l'approche prudente en matière de libéralisation financière a porté ses fruits. La convertibilité du dinar se fait en fonction des besoins de l'économie réelle.
D'un autre côté, le marché monétaire national en surliquidités a incité la Banque centrale à éponger les excédents de liquidité à hauteur aujourd'hui de 615 millions de dinars. 915 millions de dinars s'ajoutent aux excédents en tant que réserves obligatoires non rémunérées constituées auprès de la BCT par les banques, ce qui rassure quant à la capacité de la Banque centrale d'injecter des liquidités en cas de besoins pour soutenir le marché local.
Qu'en est-il des IDE et des exportations ?
Personne ne peut jurer de rien. Car, selon M. Taoufik Baccar, aucun pays ne peut prétendre être à l'abri des retombées de la crise, d'où l'importance d'accentuer les actions pour la conquête de nouveaux marchés et préserver nos parts au niveau des exportations. Des réformes ont été entreprises pour encourager la compétitivité et améliorer la qualité de nos produits à l'exportation.
Quant aux risques par rapport aux mégaprojets, il est encore trop tôt pour se prononcer, affirme le gouverneur de la Banque centrale. Les nouveaux, projets rappelons-le, proviennent essentiellement des pays du Golfe. Or, les principales Bourses dans ces pays ont été affectées par une chute des principales compagnies immobilières et le retrait de milliards de dollars d'investissements étrangers en raison de la crise. Des pertes évaluées à près de 200 milliards de dollars la semaine dernière. Ces pays sauront-ils honorer leurs promesses par rapport à la Tunisie ? La question mérite d'être posée.
Ce qui paraît sûr cependant, c'est qu'il faut réfléchir à une solution globale pour arriver à faire face à la crise. Il faut réfléchir ensemble pour désormais mettre en place des garde-fous, des mécanismes de protection. «Il existe une coordination indiscutable entre les Banques centrales pour trouver une solution à cette crise. Huit Banques centrales européennes ont travaillé de concert pour riposter aux premiers soubresauts de la crise dans leurs pays respectifs. C'est la première fois qu'une coopération de cette qualité se produit. «Du moins à ma connaissance», affirme le gouverneur de la BCT. Il vient d'ailleurs tout juste de revenir du Maroc où il était en réunion avec les gouverneurs des Banques centrales des pays maghrébins.
La crise financière internationale a dominé cette rencontre ainsi que ses répercussions sur les pays du Maghreb. D'ailleurs M. Baccar se rend ce week-end à New York où il rencontrera Dominique Strauss Kahn, le patron du FMI. Il sera question de discuter avec lui des conséquences de cette crise sur nos pays. Espérons que nous ne serons pas obligés de payer les pots cassés de la première puissance économique mondiale et le premier pays endetté au Monde.