L'objectif est de doter l'économie du pays d'une nouvelle image-identité qui satisfait, en priorité la communauté nationale, et dans une seconde mesure les bailleurs de fonds et les partenaires commerciaux de la Tunisie. Le mot d'ordre, après 53 ans d'indépendance, est, désormais, de faire profiter les Tunisiens des richesses que leur économie crée. Pour mieux comprendre l'urgence d'une réflexion stratégique sur les moyens de consacrer cette mutation qualitative et immunisante, il n'est jamais inutile de rappeler les moments forts par lesquels est passée l'économie nationale. Naissance d'une économie Durant la décennie 1960-1969, l'économie du pays a subi les affres d'une politique dirigiste et collectiviste qui a touché particulièrement l'agriculture et l'industrie. Cette politique collectiviste a donné l'avantage à l'investissement dans les coopératives au détriment des secteurs public et privé. Le socialisme destourien, tel qu'il était défini par le 7ème congrès du Parti socialiste destourien de l'époque (Bizerte, 22 octobre 1964), prônait pourtant la coexistence des trois secteurs, coopératif, public et privé. Globalement, cette décennie a été marquée par la planification de tous les secteurs jusqu'à l'échéance 1970. C'est au cours de cette période qu'ont été programmés les grands projets d'infrastructure : construction de barrages, forage de puits profonds, réalisation de nouvelles routes et de nouvelles centrales électriques. Point d'orgue de cette politique, le mérite d'avoir jeté les bases d'un véritable équilibre régional : la création de zones économiques : SfaxGabès- Menzel Bourguiba pour l'industrie lourde, Tunis et Sousse pour l'industrie légère, Kasserine pour l'industrie papetière, les régions du nord ouest (Béja, Jendouba, Le Kef, et Siliana) pour la céréaliculture et l'extraction des produits miniers (substances utiles et fer), le Cap Bon, le Sahel et l'ile de Djerba pour le tourisme. Une des conséquences désastreuses du collectivisme : la déstructuration économique du nord-ouest, de l'axe médian et du sud ont été fortement déstructurés (exode rural, abandon de certaines activités...). Principale zone d'ombre : l'industrie développée, particulièrement l'industrie chimique, à été fort polluante. Les villes de Gafsa, Gabès, Sfax et Kasserine ont payé un lourd tribut. Le phophogypse, matière très polluante, rejeté par millions de tonnes à Taparura (nord de Sfax) et dans le golfe de Gabès ont fait des ravages. Des milliards de dinars sont dépensés actuellement pour dépolluer ces sites. Idem pour le mercure rejeté par la société de cellulose de Kasserine. Les événements d'Ouardanine, symbole de la révolte des petits exploitants agricoles et les inondations de 1969 gommeront tous les progrès accomplis en matière d'infrastructure et sonneront le glas du collectivisme, et partant, d'un cycle du développement de la Tunisie contemporaine. Une première correction de tendance libérale (1970-1980) La décennie 1970-1980, qui a été marquée par l'empreinte de l'ex-premier ministre, le défunt Hédi Nouira, s'est employée à éliminer les séquelles traces du collectivisme et à réhabiliter le secteur privé, devenu, une décennie durant, la priorité des priorités au détriment d'autres préoccupations : la culture, le social, l'éducation et le déséquilibre régional. Au plan macroéconomique, l'efficacité économique est privilégiée à l'efficacité sociale. La période des années 70, de tendance libérale, a connu un essor économique dû à l'émergence d'une industrie de substitution manufacturière, à l'augmentation du cours mondial du phosphate et de pétrole (la Tunisie étant exportateur à l'époque de ces deux matières premières) et à une pluviométrie favorable durant plusieurs années successives. Le défunt Nouira n'avait-il pas déclaré «la pluie a voté pour moi ?». Une fois ces conditions favorables disparues, les problèmes sociaux ont refait surface (grèves, détérioration du pouvoir d'achat en raison de la hausse de l'inflation (+8%). Ces problèmes sociaux connaîtront leur paroxysme en 1978, date de la grève générale (26 janvier 1978). Il faut reconnaître, toutefois, que d'importantes avancées sociales ont été enregistrées, au cours de cette décennie : la conclusion d'un pacte social et l'organisation des rapports entre patronat et syndicats par le biais de conventions collectives. La rébellion armée qu'a connue la région de Gafsa en 1980 mettra fin à cette décennie de tendance libérale. ...