Pour Radhi Meddeb, PDG de COMETE ENGINEERING, on ne peut pas parler du phénomène des grandes surfaces sans le situer dans son contexte historique. En réalité, Monoprix, première esquisse des supers marchés et de la grande distribution en Tunisie, est né à Rouen en France au début des années 30 dans les remous de la Grande Dépression. Trois ans après avoir ouvert son premier magasin en France, une succursale est ouverte à Tunis suivie de 5 autres entre 1933 et 1955. L'objectif du fondateur de Monoprix, était de donner du pouvoir d'achat aux consommateurs épuisés au sortir de la crise 29 en pesant sur les marges des industriels, ce qui fût fait. Après Monoprix, il a fallu attendre l'indépendance pour voir apparaître en Tunisie d'autres enseignes, notamment celle publique de Magasin Général. Grâce à la grande distribution, nous avons pu observer une amélioration notable de la qualité des produits, et une maîtrise des coûts au bénéfice du consommateur. En Tunisie, Monoprix a été rejoint en 1963 par le magasin général, entreprise publique implantée sur tout le pays grâce à une quarantaine de points de vente. Sur la même période, Monoprix n'a pas pu dépasser les 12 points de vente en l'espace de 35 ans. Ces deux enseignes ont été rejointes par Touta et en 2000 par Carrefour, premier hypermarché en Tunisie, avant que Géant ne débarque en 2007. M. Meddeb considère que la part de marché de la distribution organisée en Tunisie ne dépasse pas les 20% sur l'ensemble du territoire national pour les produits d'épicerie et qu'à ce titre, elle ne peut représenter un danger pour la petite distribution car elle reste limitée. Selon lui, le développement de la distribution organisée (Hypermarchés, supermarchés, superettes ) est fortement corrélé avec le niveau de développement économique d'un pays. Dans les pays à revenus intermédiaires, la part de marché de la distribution organisée atteint 40 à 50%. Ce taux peut aller jusqu'à 70% dans les pays développés. Dans une économie déterminée, la distribution organisée est intéressante à plus d'un titre : elle est garante d'une meilleure traçabilité des produits et contribue à ce titre à préserver la santé des consommateurs en assurant notamment la continuité de la chaîne du froid, dont la rupture fréquente dans les circuits de distribution traditionnelle ou non organisée peut favoriser l'apparition de germes ce qui est dangereux pour la santé publique. La propreté, la diversité des choix offerts aux consommateurs ainsi que la qualité et la présentation des produits sont les atouts majeurs des grandes surfaces et autant de facteurs qui militent en faveur de leur présence dans notre pays, à l'instar de ce qui s'est passé ailleurs. La grande distribution, estime M. Meddeb, a la capacité de tirer les produits industriels vers le haut, en pesant sur leurs prix et en les obligeant à une amélioration permanente de la qualité. Elle est ainsi à l'origine d'un phénomène d'écrémage concernant aussi bien les produits de consommation courante que ceux industriels. En Tunisie, on ne peut pas réellement parler du danger de ces nouveaux modes de distribution puisque comme précisé plus haut, ils représentent tout juste le 1/5ème du marché laissant aux commerces indépendants et à l'épicerie 80% du marché. Pour M. Meddeb, cette répartition des parts de marché met l'industriel à l'abri d'une relation imposée par les grandes surfaces et qui traduirait un rapport de forces au désavantage de l'industriel. La petite distribution de quartier a des mérites de proximité et d'adaptation que la grande distribution ne peut avoir. Elle a donc tout à fait sa place dans le paysage économique, dans le respect des normes d'hygiène et du pouvoir d'achat du consommateur. Le législateur tunisien en est conscient. Il est intervenu pour réglementer les relations entre industriels producteurs et grandes surfaces, encourager la modernisation des commerces de proximité, favoriser leurs regroupements et leur accès à des centrales d'achat de manière à favoriser leur compétitivité, renforcer la formation des commerçants, ce qui aura pour conséquences d'améliorer tous les circuits de distribution de produits de consommation courante, qu'ils soient petits ou grands.