Selon la définition du dictionnaire, la mièvrerie désigne « une affection du langage, de l'expression en général, se traduisant par un accès de puérilité ». Cette définition précise que la mièvrerie s'applique généralement aux enfants, « mais peut aussi s'appliquer aux adultes dans leur volonté infantile de séduire ». Lors d'une visite à une école primaire à la Cité Ettadhamen, accompagné par le ministre de l'Education à l'occasion de la rentrée scolaire, le chef du gouvernement Ahmed Hachani est passé complètement à côté de l'événement. C'était sa première visite de terrain. Il était attendu et il a lamentablement raté sa sortie. Son manque d'éloquence faisait peine à voir et son discours décousu le rendait mièvre. Trois locutions habillaient ce discours : « Tunisie », « Aaaah » et « le Président n'a pas son pareil ». La Tunisie est le nom de notre pays. C'est une entité matérielle mais c'est avant tout une représentation qui unit ceux qui vivent à l'intérieur de ses contours géographiques. Répéter le mot Tunisie tout au long de sa visite pourrait traduire un patriotisme mal exprimé à cause d'une surcharge émotionnelle. L'interjection ah marque un sentiment vif comme le plaisir, la douleur, l'admiration l'impatience ou autres. Elle est aussi une onomatopée qui marque l'hésitation, le manque de confiance, l'absence de suite dans les idées... Quant à la locution « le Président n'a pas son pareil » c'est tout simplement une flagornerie de basse facture qui en dit long sur la personnalité du nouveau locataire de la Kasbah ainsi que sur les rapports de force installés entre lui et le président de la République.
Toutefois, en matière de servilité, de servitude, de platitude et de flatteries, le nouveau chef de gouvernement n'est pas un cas unique. Il n'est même pas le premier sur la liste et gageons qu'il ne sera pas le dernier. Sa prédécesseure Najla Bouden était passée maitre dans l'art de la courbette. Durant deux longues années, elle a gardé la même attitude soumise devant le président de la République. Le dos courbé, les bras croisés et les pieds joints, elle donnait la piètre image d'une femme soumise. Son comportement a nuit à l'image de la femme tunisienne et au combat mené depuis des décennies pour légalité et la parité dans les sphères de direction et l'accès des femmes aux postes de responsabilités politiques. Elle a été désignée, elle est restée deux ans à son poste puis elle est partie sans s'adresser une seule fois aux Tunisiens à travers les médias tunisiens ou à travers les représentants du peuple au sein du parlement. Durant toute cette période, les Tunisiens ont entendu Mme Bouden à deux reprises seulement. Il a fallu que cela se passe à travers deux vidéos publiées par la présidence de la République. La première fois était sous forme de réplique au président de la République pour lui dire « machallah ». La seconde à l'occasion de son départ pour informer le président de la République, sur le perron de la Kasbah, qu'elle était devenue copine avec son successeur. Avouons que ces deux malheureuses locutions ont coûté très cher à la communauté nationale. C'est presque de la dilapidation de biens publics dans ces temps de disette et de lutte contre la corruption.
Mais la palme de flagornerie reste toujours détenue par l'inégalable Abir Moussi. Les Tunisiens se rappellent encore de la vidéo, la montrant au temps de la dictature, chanter à se casser la voix « Allah est unique et Ben Ali n'a pas son pareil ». C'est une pièce d'anthologie qui sera jalousement gardée parmi le patrimoine politique de ce pays. Ce que font maintenant ses fans avec elle est une tentative pour copier le maitre sans jamais l'égaler.