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La politique des étapes(2) : le déroulement
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 06 - 2015


Par Khaled El Manoubi (*)
La «place» du bey tombera —lorsque ce dernier se résigne à la collaboration—, comme Bourguiba l'avouera à Jacques Chancel, comme un fruit mûr dans l'escarcelle du dauphin de Monastir. Et, dans cet enfer provoqué, on supprimera deux concurrents: Farhat Hached dès 1952 pour mieux attiser le feu et, à l'arrivée, Ben Youssef qui se sera pris au jeu du jusqu'au-boutisme auquel la France, en stratégie et non en tactique, a tourné le dos un quart de siècle plus tôt. La France a donc besoin d'un certain temps pour la manœuvre: ce sont les fameuses «étapes» du discours de Thionville de Robert Schuman. Lorsque Bourguiba reçoit Jean Lacouture au lendemain de la remise de la note du 15 décembre 1951 et lui déclare: «Qui a pu forcer Robert Schuman à se démentir et à s'humilier ainsi? et, surtout: «Ils veulent l'épreuve de force, ils l'auront, les imbéciles!» (p. 18). Propos incendiaires —donc de nature délictuelle par ailleurs— mais qui ont le double mérite de déclencher, comme la France l'a depuis longtemps programmé, et l'incendie et la pyromanie de façade d'un Bourguiba assuré de l'impunité.
En Tunisie même, la France fera donc feu pour ainsi dire de tout bois. Et au plan diplomatique, elle bénéficiera d'une complicité millimétrique des Etats-Unis et, bien sûr, du champion de l'atlantisme, le Royaume-Uni. L'influence américaine sera alors décisive, notamment en matière de vote à l'ONU. En fait, il est essentiel de détailler les étapes conçues par la France non pas pour mener à l'indépendance de la Tunisie — c'était déjà accepté dès 1929 — mais pour installer Bourguiba dans les meilleures conditions possibles à la tête d'une Tunisie postcoloniale, certes, mais confiée à de «bonnes» mains. En réalité, c'est le peuple tunisien, dès le lendemain de la Première Guerre mondiale— élite et souverain inclus —qui a imposé— fait unique dans les colonies françaises à l'époque—à la France le renoncement à l'administration directe. Le plus lucide des hommes politiques tunisiens de l'indépendance-Bourguiba et ses rares acolytes dans le coup exceptés — à savoir Ahmed Tlili, a été loin d'être lucide en écrivant, dans sa fameuse lettre à Bourguiba du 25 janvier 1966: «le peuple tunisien (. . . ) est arrivé, parmi les premiers, à secouer la tutelle de l'une des plus grandes nations du monde» (p. 455). Chose vraie à l'origine, en 1929, mais fausse depuis, puisque, si la France désigne son successeur dès 1929, ce que Tlili ignorait, elle ne fait qu'ignorer le peuple tunisien. L'issue de la Seconde Guerre mondiale a définitivement mis à l'ordre du jour la décolonisation. La France en a déclenché le processus par la déclaration de Thionville faite par Robert Schuman le 9 avril 1950 — juste après l'adoubement de Bourguiba par Brus en mars 1950 à Tunis—, soit plus de quatre ans avant la défaite de Dien Bien Phu. En fait, l'intermède du ministère Chénik — d'avril 1950 à décembre 1951 — était la première étape, celle qui doit susciter tous les espoirs pour mieux les décevoir et préparer ainsi l'étape suivante, celle de l'enfer déjà évoqué. L'étape de l'enfer ne s'arrêtera que lorsque le bey aura politiquement plié, se faisant ainsi discréditer. Ce sera fait le 2 mars 1954 avec le ministère Mzali et les réformes catastrophiques Mzali- Voisard scellées par Lamine bey. La troisième étape consiste à obtenir la reddition des fellagas et à réduire par l'armée française les récalcitrants. Béji Caïd Essebsi, Habib Jr et Ahmed Tlili seront menacés par les armes par trois chefs fellagas différents en novembre 1954 (pp. 37,38). L'engagement de l'armée française contre les fellagas était d'autant plus effectif que la jonction était établie entre fellagas youssefistes et fellagas algériens. Il est probable que la conclusion des Conventions et le retour de Bourguiba en juin 1955 sanctionnent est la fin de cette troisième étape, la France ayant estimé que la résistance youssefiste a été réduite ou, au moins, a été mise sous contrôle. La quatrième étape consiste à priver le bey et sa dynastie de la protection française expressément mentionnée dans le Traité du Bardo. Cette quatrième étape elle-même devait se dérouler en quatre temps.
Premier temps: ratification des Conventions du 3 juin 1955, par le bey puis par le Parlement français (septembre 1955). Deuxième temps: l'autonomie interne pouvant autoriser la souveraineté du peuple, arracher au bey l'élection d'une Constituante souveraine. Le bey mettra plus de trois mois pour s'exécuter (31 décembre 1955). Troisième temps: signer, 6 jours avant les élections de la Constituante, le protocole de l'indépendance du 20 mars 1956, protocole et non traité international si bien que le Traité du Bardo n'est pas encore abrogé. La confirmation par un traité nécessitant une ratification beylicale, autant dire que le voie juridique est impraticable. La France passera alors par le fait accompli. D'où le quatrième temps qui commence lorsque Bourguiba devient ministre des Affaires étrangères du bey (avril 1956, le ministère étant rétabli en mai). Les Etats-Unis et le Royaume-Uni consacreront alors — en apparence contre la France — la souveraineté tunisienne: le bey pourra alors être déposé. BCE confirme- explicitement — le quatrième temps et donc —implicitement — les trois autres temps de la quatrième étape. En effet, et suite à une démarche de Bourguiba d'avril 1956, n'a-t-il pas écrit: «L'article 4 de la convention générale proclame « le maintien, dans le domaine des affaires étrangères, de toutes les dispositions en vigueur en l'absence de modification ou d'un nouvel acte international». (p. 69). C'est que le protocole du 20 mars n'est pas un acte international — il en appelle lui-même un —, et que les Conventions de 1955 ne font que confirmer le Traité du Bardo. Examinons maintenant le concours actif anglo-américain lors du quatrième temps de la quatrième étape. Concours en apparence non conforme à la position française — la France prend soin de feindre de combattre le principe juridique de l'indépendance — mais concours qui lui permet d'assurer l'essentiel: lui faire gagner du temps lors de la deuxième étape et faire les choses au plus vite —par le fait accompli— lors du Quatrième temps. Au préalable, contentons-nous d'observer que le bombardement de Sakie Sidi Youssef en février 1958 par la quatrième République et la réaction disproportionnée de de Gaulle et de son amiral à Bizerte en 1961 sont les ultimes manœuvres de la France occupante destinées à accréditer l'idée selon laquelle Bourguiba est un adversaire de la France dans la quête de l'indépendance totale. Du reste, les bons offices anglo-américains suite à l'affaire de Sakiet (de Murphy et Beely) s'inscrivent clairement dans la ligne de la deuxième et de la quatrième étapes. Le bombardement de Sakiet Sidi Youssef est intervenu le 8 février 1958 soit «moins d'un mois» après que Bourguiba «refuse de recevoir le général Bachelet, conseiller militaire de Félix Gaillard, président du Conseil français, venu expliquer au gouvernement tunisien certaines nécessités militaires» (p. 325) en rapport avec le fameux «droit de poursuite». C'est donc une affaire impliquant Paris et Tunis et non les militaires français d'Algérie. Vingt ans plus tard, cela fait déjà 8 ans que le dauphin a installé Nouira, le vice-dauphin, comme président virtuel. Citant une déclaration publiée de Kadhafi, BCE explique que le coup de Gafsa fait suite à l'alignement total de Nouira sur la France au détriment de l'Algérie. Un autre général français, le chef d'Etat major français est de nouveau de la partie. En effet, Boumedienne, venu voir Nouira à Tunis, était «furieux» que ce dernier «refuse de condamner (. . . ) l'intervention des Jaguar français au Sahara (algérien) et aussi de décommander la visite du général français» (p. 337). Quant au coup de Gafsa, il a déterminé un surarmement tunisien de nature à permettre de tenir trois jours face à l'Algérie et la Libye, réarmement qui mené à la cessation de paiement de 1986.
Revenons maintenant au soutien anglo-américain lors de la phase cruciale, celle de la deuxième étape, et lors de la quatrième étape.
La commission politique et de sécurité de l'ONU adopte le 26 octobre 1953 une résolution sous forme d'une recommandation à l'Assemblée générale en faveur de l'indépendance tunisienne mais décline deux mesures à effet immédiat, à savoir l'ouverture de négociations entre les parties et la levée de la loi martiale (p. 31). L'adoption par l'Assemblée de la résolution de principe ainsi proposée par la commission nécessite la majorité des deux tiers. Les Afro-asiatiques ont, au préalable, testé ladite Assemblée par la soumission d'une résolution appelant à l'indépendance du Maroc le 19 octobre 1953. Comparativement à la Tunisie, il ne manquait au Maroc que la mobilisation populaire, laquelle n'a été déclenchée sous forme d'émeutes que par la nouvelle de l'assassinat de Farhat Hached le 5 décembre 1952. Pour le reste, tout était réglé, sauf la compatibilité du calendrier marocain avec les étapes relatives à la Tunisie: l'indépendance du Maroc aurait été fatale pour la deuxième étape. C'est que le président Roosevelt — et ses successeurs — ont imposé à la France le maintien de la dynastie alaouite en dépit de la déportation de Mohamed Ben Youssef en août 1953. Au surplus, les Etats-Unis n'ont jamais reconnu le protectorat français au Maroc. La conduite des affaires tunisiennes et marocaines ne peut être dissociée pour la France comme l'atteste la création du portefeuille de ces mêmes affaires à Paris. C'est seulement par 32 voix contre 22, avec 5 abstentions, que la résolution a été reçue — collée. Les parrains de la résolution tunisienne ont alors dû renoncer à la présenter à l'Assemblé générale (p. 32). Plus tard, en 1956, «la France propose de conclure immédiatement un traité d'alliance relativement à la politique extérieure et de défense» et «Roger Seydoux assiège Bahi Ladghan pour trouver la brèche» (p. 69). En riposte «Bourguiba invite les consuls le 26 avril à renouveler leurs accréditations auprès du gouvernement tunisien» (p. 70). Et le premier à répondre a été «le consul des Etats-Unis qui déclare l'intention de son gouvernement de créer une ambassade à Tunis» (p. 70). De la sorte, la France sera en réalité toute heureuse de conclure l'accord du 15 juin 1956 prévoyant l'échange d'ambassadeurs: les Américains ont réalisé l'essentiel du fait accompli. Du reste, BCE perlera lui-même du fait accompli mais en l'attribuant à Bourguiba (p. 73). Dans la foulée, et en matière de défense, «le Quai d'Orsay (lui-même, KEM) passe outre l'objection de Roger Seydoux qui recommandait de lier l'accord sur le principe de créer l'armée tunisienne à une stratégie d'ensemble convenue de commun accord entre la France et la Tunisie et posant les bases de la défense commune»: un simple «échange de lettres du 21 juin 1956 «assure le «soutien français à la constitution de l'armée tunisienne» (p72), cette armée dont Bourguiba disposera à l'exclusion du bey grâce à d'anciens officiers de l'armée française. Encore une fois, tout acte international exigeant une ratification beylicale était à éviter. Mais l'apparence servie est celle d'une autorité tunisienne en imposant à l'armée française elle-même. Ainsi, le 27 mai 1957, le gouverneur de Souk El Araba «avait fait arrêter en pleine ville le commandant et quelques sous-officiers et les avait détenus toute la journée au siège du gouvernorat». (p. 79). A la même période, les nouveaux gardes nationaux de Houmt-Souk auraient arrêté un petit détachement blindé français et le firent quitter l'île de Djerba, histoire d'impressionner les habitants de cette île qui a vu naître Salah Ben Youssef. Pour conclure, ne manquons pas d'inscrire un double motif à l'actif de Béji Caïd Essebsi. En effet, l'étape de la transition passée, d'abord BCE est le premier président en démocratie; ensuite, et surtout, il est devenu en intelligence avec le Rached Ghanouchi. Le destin d'un homme, de tout homme, comporte une part de mystère. BCE n'a-t-il pas été blessé au genou par l'armée française du côté de Ain Draham en mai 1957 dans une fusillade qui avait «fait une dizaine de morts du côté tunisien» ainsi que la blessure mortelle de Khémais Hajeri ? Une fois rétabli, BCE verra Bourguiba lui dire: «Tu as perdu une belle occasion de mériter une oraison funèbre par Si Bahi!» (p. 81). Mais BCE le proclame: «Sur ordre de son grand père» sa mère «fut transportée au mausolée du patron de la ville afin d'y accoucher sous sa bénédiction» (p. 12). Une bonne étoile due à Sidi Bou Saïd El Béji davantage qu'à Bourguiba? Une chose est sûre: non seulement on aura évité d'avoir affaire à Saida si Caid Essebsi avait été une fille mais, en plus, le fils de Habiba ne s'appellera pas Habib mais bien El Béji! De fil en aiguille, ne peut-on pas joindre Carthage à partir de Sidi Bou Saïd en passant par Sidi Bouzid?
(*) Ancien doyen et professeur émérite d'économie politique


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