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Qui savait vraiment la collusion franco-bourguibienne depuis avant 1934 ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 05 - 2013


Par Khaled El MANOUBI
Dans notre article intitulé «La France et nous» (La Presse du 11/12/2012) ainsi que dans d'autres articles publiés dans le même journal (notamment ceux du 14 et du 21 mars 2012) nous avons expliqué comment la France, horrifiée par l'hostilité de la classe dominante représentée par la Destour dirigé par Thaâlbi et le Bey Ennaceur et de la classe ouvrière représentée par la Cgtt de Mohamed Ali El Hammi, se résolut, la crise des années trente aidant, à charger Bourguiba de noyauter à son profit la première classe et l'homme de confiance de ce dernier –Nouira – de noyauter la seconde classe.
Dans une communication au 4e séminaire de l'histoire du mouvement national (5,6 et 7 juin 1987, actes publiés en 1989), l'historien Hassine Raouf Hamza signale que H. Doolittle, consul des USA à Tunis à partir de juin 1941, a des contacts avec Thaâlbi et décrit dans un rapport interne le Néo-Destour comme «un groupement minoritaire qui userait de pressions et de chantage pour contraindre la population à appuyer son action et à rejoindre ses rangs (et) qui serait mû par un fanatisme religieux» qui l'amènera, au cas où il prendrait les rênes du pouvoir, à édifier un «Etat théocratique». Ce qu'ignorait Doolitle en 1941 c'est que les hommes de main du Néo-Destour étaient couvés par la France. Dans le même colloque, le professeur Annie Rey-Goldzeiguer donne des indications relatives à la composition de ces milices : «les Monastiriens, les Métouis» (conduits par Lasfar Jrad) ainsi que la «Main noire». Suivez mon regard vers la «Main Rouge» : simple hasard de concordance de dénomination?
Les positions de Bourguiba en matière de voile et d'inhumation des naturalisés sont proprement intégristes. Si le voile ne gêne pas les autorités du protectorat, celles-ci donneront finalement raison à Bourguiba en excluant des carrés musulmans proprement dits les naturalisés français. D'une façon générale la France assure à Bourguiba de lui faire faire des méandres – où des étapes – propres à faire de lui son seul «interlocuteur».
La France d'Alger et de De Gaulle informera en 1943 les Américains de ses complicités avec le Néo-Destour et n'aura pas de peine à expliquer aux Américains qu'en la matière, ses intérêts propres rejoignent ceux de l'Occident et donc ceux des Etats-Unis. L'intercession de Doolittle auprès des Français et au profit de Bourguiba est ainsi une comédie à trois qu'on a présentée dans le mauvais ordre : ce sont les Français qui ont blanchi Bourguiba auprès des Américains et non pas ces derniers qui ont blanchi Bourguiba auprès des Français, n'en déplaise aux «Métouis» censés avoir caché Bourguiba aux Français. Autre comédie à répétition : chaque fois que la France enflamme le pays pour mieux mettre en selle le Néo-Destour, elle prend soin d'emprisonner Bourguiba (1938 et 1952) ou de l'envoyer à l'étranger — au Caire — pour s'y faire voir tout en simulant une fuite dans les années 40. Elle le fera du reste rapatrier elle-même malgré son franchissement illicite des frontières afin que son protégé puisse recevoir en mars 1950 à Tunis l'ambassadeur américain à Paris Brus venu sanctionner — moyennant l'éviction de Ben Slimane du Néo-Destour — l'adoubement et de Bourguiba comme dauphin de la France et de Nouira — le fossoyeur de la Cgtt de Gnaoui en 1938 — comme dauphin du dauphin.
Du reste, la même Annie Rey-Goldzeiguer, professeur d'histoire à Reims, signale deux faits contradictoires à moins d'admettre la collusion franco-bourguibienne :1) Après la sévère répression militaire d'avril (...) «les leaders ont été arrêtés et déportés pour rendre impossible les directives à distance» et, quatre pages plus loin, on lit ; 2) «septembre 1941, (...) du fond de sa prison, Habib Bourguiba réagit ; un émissaire rapporte à Badra (un) message» renfermant des informations précises concernant Abderrahmen Yassine à Berlin. Si la libération de Bourguiba en 1943 a été, occupation de la France oblige, le fait des germano-italiens, son retour en 1949 a été diligenté par l'ambassade française au Caire et son retour de 1955 a fait l'objet d'un feuilleton de reports signalé par Mohamed Sayah dans son ouvrage Le nouvel Etat (Dar El Amal, 1982 ) : la France repousse à chaque fois le retour afin que Bourguiba soit à même d'avaliser les Conventions, que ni Tahar Ben Ammar, ni Mongi Slim, ni Masmoudi — et encore moins le Bey — n'ont véritablement négociées comme le précise le Docteur Ben Salem dans son ouvrage de 1988. Il en sera de même en février 1956 où le nouveau vice-président du Conseil Bahi Ladgham, délégué à Paris en compagnie de Masmoudi pour négocier l'indépendance, n'a rien obtenu puisque une mise en scène précise a fait que Pineau téléphone à Bourguiba, invité à diner le 17 mars 1956 chez le Docteur Berraies à Paris, pour lui annoncer que, dira Bourguiba à son hôte, «la grande dame a marché». Quelle séduction !!
Si donc épreuve de force il y a, la France y a recouru en «ayant soin» de Bourguiba, et c'est alors au bénéfice de ce dernier, de ses inconditionnels, donc de la France, et au détriment de tous les autres acteurs tunisiens.
Il n'y a donc point de politique des étapes censée être celle de Bourguiba qui vaille. Du reste, Bourguiba n'a fait que surfer comme d'autres sur une formule résidentielle : «la politique des étapes postulant aux termes mêmes du discours (du Résident) 13 juin 1950», note M'hamed Chénik dans sa lettre du 9 janvier 1952 à Robert Schuman. Et le rapport de la commission des ‘'Quarante'' convoquée l'été 1952 par Lamine Bey énonce : le 17 août 1950, s'est constitué le ministère Chénik avec «mission de négocier au nom de Son Altesse le Bey les modifications institutionnelles qui, par étapes successives, doivent conduire la Tunisie vers l'autonomie interne», bien avant la scission yousséfiste.
Les Etats-Unis qui n'ont jamais reconnu le protectorat français sur le Maroc, ont imposé à la France lors de la visite de Roosevelt de 1943 au Maroc, l'adoubement de Mohammed Ben Youssef comme roi du Maroc indépendant mais ont consenti à la même France le temps nécessaire notamment à la comédie de la déportation du Sultan . Durant cette période, même ménagement de la France en Tunisie : la France et les Etats-Unis ont feint, comme l'explique le Dr Ben Salem (in L'antichambre de l'indépendance, Cérès Production, Tunis, 1988 ), de ne pas s'entendre sur la CED (Communauté européenne de défense) pour justifier la mollesse – provisoire – du soutien américain au Bey et au Sultan. Ben Salem, ministre de la Santé, rencontre son homologue français Ribères à Paris en 1951 qui lui déclare être «d'accord» avec lui «mais pour plus tard» (p.49 ), et ce, moyennant l'exploitation par la France de la crédulité des fils et des filles du Bey. La «sincérité» gaullienne a même été appelée à la rescousse par crainte que le Bey ne finisse par s'apercevoir qu'il est berné, lui qui a cru voir en Bourguiba un allié contre la France. En effet, le 28 mars 1953 Lamine reçoit De Gaulle en tête à tête pendant deux heures pour se voir dire : «J'espère que ces nuages disparaîtront bientôt, il ne faut pas désespérer de la France» (p.120). La sincérité de De Gaulle a été tellement poignante que le Bey a offert, le 19 juin 54, au résident Voizard d'intercéder en sa faveur auprès de De Gaulle pour qu'il soit maintenu à son poste s'il améliore le sort de la Tunisie !
Le 15 octobre 1953, le Résident déclare que «Bourguiba ne représentait pas grand-chose et que Hédi Nouira dirigeait les terroristes» (p.136), lui Nouira, qui a fait publier dans «Mission» sa démission de la politique. Mais à l'étape convenue, l'attaché militaire de la Résidence déclare, le 27 juillet 1955, que la France soutient à fond Bourguiba et le Néo-Destour malgré leur perte de prestige auprès de la population. Mais le 9 août 1954 – déjà ! – le journal Paris Match a publié l'information suivante : «Qu'adviendra t-il si l'Assemblée tunisienne décidait de supprimer la monarchie et d'instaurer la république ?» Mendès France a répondu: «Nous n'avons pas à intervenir dans cette question de politique interne. Le Bey l'aura d'ailleurs voulu puisqu'il a tout abandonné entre les mains du Destour». Mendès France voulait dire : nous avons tout manipulé pour imposer notre dauphin au Bey et au peuple, tous deux par ailleurs acquis à la monarchie constitutionnelle, et ce, dans un simulacre républicain décidé de longue date.
Notons, au passage, que, démocratiquement parlant, la monarchie constitutionnelle est supérieure à la république.
Dans notre communication faite le 14 juin 2012 au colloque organisé par l'Association de recherches et d'études de l'Union du Maghreb arabe et intitulée «Point de Maghreb sans peuples et point de peuple sans démocratie», nous avons indiqué que la seule motivation de Bourguiba en signant le 12 janvier 1974 l'union de fusionnement avec Kadhafi était de pouvoir jeter le bébé Masmoudi avec l'eau du bain fait de République arabe islamique.
Or le Dr Ben Salem, dans son ouvrage de 1988, indique que Masmoudi a été clairement un monarchiste.
En effet, et à partir de 1952, Ben Salem, gendre du Bey et ministre, et Masmoudi, délégué du Néo-Destour en France, étaient en contact téléphonique suivi lorsque le premier est à Tunis et faisaient ensemble des contacts de haut niveau impliquant le Président Pinay, les ministres français, le préfet Rix cité comme successeur possible de De Hautecloque. Les Français tenaient évidemment Bourguiba, retenu chez eux, au courant de ces agissements de transfuge par rapport à Bourguiba et qui sont ceux de Masmoudi. Bourguiba, soucieux de laisser à son dauphin et à celui de la France Nouira un paysage politiquement nettoyé, s'est empressé, dès 1958, d'adopter Tahar Belkhodja afin de doubler Masmoudi à Mahdia comme prélude à l'éviction d'un homme considéré comme non sûr.
Si l'on excepte Wassila, Béchir Zarg Layoun, Nouira et Ben Salah – le sucesseur tout préparé de Hached éliminé par la France, le verrouilleur de la Constituante de 1956, l'artisan de la politique repoussoir à l'encontre du socialisme et destinée à vacciner les sujets de Nouira contre la gauche – tout le personnel politique tunisien – excepté Ben Ali qui a été nécessairement mis au courant par les Américains avant 1987 des secrets de l'affaire «intérieure» tunisienne – ignorait cette immense transaction. Rappelons que Bourguiba a été contraint par les Américains d'adouber Ben Ali et que Wassila, Nouira, Ben Salah et Bourguiba fils ont été également contraints de faire allégeance, en novembre et décembre 1987, à Ben Ali à travers les colonnes du journal La Presse. S'agissant des historiens, le seul à notre connaissance qui a découvert le pot aux roses et qui l'a dit, certes en termes très voilés, a été le professeur éminent de la section d'histoire à la Faculté du 9 Avril, Béchir Tlili.
Dans un hommage posthume consacré à Béchir Tlili, le chercheur Mohamed Larbi Snoussi n'a-t-il pas écrit que «Béchir Tlili considérait qu'il n'y avait pas un mouvement national proprement tunisien ?» (actes du colloque mentionné p.16).
Dès le début des années soixante-dix Tlili, de la section d'Histoire, a été doublé par Moncef Chennoufi nommé à la tête de l'Ipsi — où Bourguiba est venu lui-même à la rescousse par ses fameuses conférences — et à la coordination d'un programme national de recherche sur le mouvement national. Et sur le plan scientifique et méthodologique, la tâche consistant à contrer Tlili dans les colloques a été confiée à El Baki Hermassi. Finalement, Tlili a quitté ce monde en décembre 1986 — Wassila était déjà répudiée pour être mieux protégée à l'approche du 7 novembre — dans un accident de la circulation.


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