Le dernier coup de filet de Ben Guerdane démontre à quel point les terroristes sont bien structurés et à quel point leurs cellules dormantes demeurent menaçantes Un éclair dans la grisaille : une unité de la police a réussi, récemment, un superbe coup de filet, comme on en voit rarement par les temps qui courent. Et cela sous forme de la découverte à Ben Guerdane...d'un trésor digne de celui d'Ali Baba, à savoir un immense local dont le tenancier n'est autre qu'un daechiste et où étaient entreposés armes, munitions et, tenez-vous bien, trois véhicules dont...une ambulance ! Renseignements pris, il s'est avéré, selon l'opération de filature, que le présumé accusé, le dénommé Hassen Rebii, alias Hassen Maïz, 35 ans, était recherché pour contrebande et complicité avec l'aile tunisienne de Daech dont il était l'un des plus grands ravitailleurs en armes et en logistique. Surnommé «l'émir des frontières», ce contrebandier chevronné, qui faisait la loi le long de nos frontières avec la Libye, était également recherché pour son implication dans l'attentat du musée du Bardo et dans le recrutement des jihadistes en partance pour la Syrie. Jusqu'ici rien de particulièrement surprenant, sauf que cette affaire autorise quelques remarques non négligeables. En effet, ledit terroriste a trouvé le moyen, au moment de la descente policière, de se faire tirer une balle dans la tête, privant ainsi les enquêteurs d'une mine de renseignements. Et cela s'appelle «frustration» en matière de lutte contre le terrorisme. Frustration d'autant plus grande que les jihadistes qui abdiquaient jusque-là sont désormais passés à l'indésirable tactique du suicide, celle-là même qui constitue la bête noire des enquêteurs parce qu'elle paralyse les recherches, fait perdre un temps précieux aux investigateurs et retarde la démystification de l'énigme. Et comme on n'a saisi aucun document exploitable sur les lieux de cette descente, on peut dire fatalement que Hassen Maïz s'est évaporé, emportant dans son sillage tant de secrets et d'informations qui auraient pu aboutir à des révélations à la fois sérieuses et sensationnelles sur les modes de fonctionnement du réseau daechiste. De ce fait, on ignore toujours ce que tramait ce dangereux terroriste, avec qui il collaborait, vers où s'étendent ses ramifications, combien d'individus avaient bénéficié de son rôle de passeur de grand calibre, où se terrent les cellules dormantes qu'il approvisionnait ni encore ses rapports avec l'histoire des voitures piégées qu'on dit acheminées de la Libye, en prévision d'imminents attentats à l'explosif à perpétrer en Tunisie. De surcroît, ce coup de filet de Ben Guerdane est venu démontrer à quel point les terroristes sont bien structurés et redoutablement armés. Sinon, par quoi expliquer cette première, à savoir l'existence d'une ambulance dans le dépôt investi ? Etait-elle là, en vue de la bourrer d'explosifs et de la lancer plus tard, incognito, contre un objectif bien déterminé ? Serait-ce là enfin le prélude à la mise à exécution du «plan C» terroriste qui consiste en l'attaque des édifices publics, des grandes surfaces, des complexes industriels, des chancelleries étrangères, des aéroports, des casernes et des prisons, outre les opérations de prise d'otages ? Pourvu que les événements nous contredisent.