La clochardisation, dont a été victime la capitale, est un processus qui dure depuis un peu plus de 40 ans et qui s'est amplifié et s'est accéléré depuis les dix dernières années. Sales, laides, encombrées, bruyantes, parfois dangereuses, les rues de Tunis ressemblent plus à celles d'un gros village qui s'est mal développé qu'à celles d'une ville qui se respecte, encore moins à celle d'une capitale millénaire d'un pays qui se veut toujours un modèle de progrès dans la région à laquelle il appartient et pourquoi pas dans le monde entier. Inutile d'entreprendre une étude poussée pour constater la clochardisation dont a été victime la capitale. Un processus qui dure depuis un peu plus de 40 ans et qui s'est amplifié et s'est accéléré depuis les dix dernières années. Il suffit d'un petit tour à l'hypercentre pour constater l'ampleur des dégâts. C'est comme si une volonté délibérée de nuire profondément à son image en tant qu'une des plus belles capitales méditerranéennes a agi et continue de le faire sans qu'aucune résistance ne lui soit opposée. Laissons de côté la Médina, classée patrimoine universel de l'Humanité qui continue de souffrir en silence de la gangrène qui est en train de la ronger, car elle mérite à elle seule toute une littérature. Laissons aussi de côté les entrées sud de la capitale qui ne peuvent que crier au scandale. Laissons enfin le quartier appelé Petite Sicile où il y a la plus grande concentration de bâtiments précaires et utilitaires genre dépôts, ateliers et autres, tous menaçant ruine et pour lequel un ambitieux programme est prévu. Une fois réalisé, ce programme très coûteux en fera le quartier le plus moderne et le plus chic de la capitale. Concentrons-nous sur cet échantillon révélateur car jouant le rôle de point de rencontre entre plusieurs stations de transport public et passage obligé vers plusieurs endroits névralgiques de la ville dont, d'un côté, la fameuse avenue Bourguiba qui, en plus, dessert la banlieue nord abritant le mondialement célèbre village de Sidi Bou Saïd et de l'autre les incontournables souks. Il s'agit ici du carré délimité par la place Barcelone, la place Mongi-Bali, la place Bab Al Jazira et la place Medaq Al Halfa qui relie la seconde à la place de la Victoire (Bab B'har). Espace à caractère nettement commercial, qui abrite entre autres le fameux Marché central, principal et plus gros point de ravitaillement de la ville en denrées alimentaires fraîches. Dénominateur commun, la saleté, l'encombrement, le délabrement des trottoirs et leur occupation par les étals anarchiques et autres obstacles, l'accès rendu difficile à certains bâtiments, le bruit, les odeurs nauséabondes, les eaux stagnantes dans les caniveaux, la pollution par une circulation automobile au compte- gouttes et bien d'autres nuisances. Laisser-aller et incivisme Horriblement laides, les trois places citées sont une illustration éloquente du laisser-aller, du manque d'entretien et de l'incivisme. Tout y est pour vous faire détester votre venue sur les lieux, dont la qualité de la présence humaine. Voilà plus de dix ans que les autorités n'arrêtent pas de claironner que la Place Barcelone va bientôt être totalement rénovée. En attendant, tout tombe dans la décrépitude et l'abandon. Un autre dossier qui mérite, lui aussi, toute une enquête. Considérée, il y a quelques années, comme l'une des plus belles artères de Tunis, la rue d'Angleterre, connue pour sa relation étroite avec le savoir (musée, librairies, bouquinistes, kiosque à journaux, vente de matériel pour la photo et le cinéma, sièges d'associations...) est devenue un gigantesque parking anarchique , en double et même triple file. Cela sans parler de celles qui viennent carrément occuper le trottoir et barrer le passage au piéton. A cette gabegie s'ajoutent les autres nuisances déjà citées et celles engendrées par un terrain non construit et mal protégé qui n'est autre que l'espace abritant une recette des Finances démolie. Le pourtour du Marché central, constitué par des portions des rues d'Espagne, du Danemark et de Charles de Gaulle, est lui aussi le siège de toutes les nuisances déjà citées. Avec en plus à certains endroits des caniveaux chargés d'eaux noires et puantes déversées par les marchands de salaisons. Inadmissible pour des halles aussi délicates en termes d'hygiène. Y accéder risque, aussi, de vous faire détester à certains endroits, et pour un bon moment, la nourriture. Envahies par les étals anarchiques, la rue d'Espagne, celle de De Gaulle et celle d'Al Jazira sont totalement défigurées et où la circulation piétonne est un vrai calvaire. Surtout à la rue d'Al Jazira où c'est la forêt vierge du commerce parallèle et autres petits métiers précaires qui asphyxient tout , enlaidissent tout. Un spectacle désolant qui résume à lui seul une bonne partie des tares de notre économie ainsi que celle de notre société rongée par la «rurbanité » galopante. Complètement hallucinant quand on voit aussi que ces étals barrent carrément l'accès aux trottoirs et accaparent même la chaussée. A tel point que les voitures ressemblent à des pirogues naviguant avec méfiance au milieu de la mangrove. Bref, un tableau sombre de ce qu'est devenu l'hypercentre de la Ville de Tunis qui souffre d'un nombre incalculable de problèmes épineux la rendant triste et mal accueillante et lui faisant ainsi perdre son aspect touristique et surtout son prestige de capitale.