Les valeurs de la République sont encore fragiles sous nos cieux. Les caprices des hommes l'emportent. L'administration va à vau-l'eau. Les partis ressemblent davantage à des coteries mouvantes. Les alliances et contre-alliances se succèdent dans un jeu pervers, où l'argent et les desseins obscurs et non avoués sont de mise On ne le répétera jamais assez. Le système de la partitocratie est particulièrement dangereux en Tunisie. C'est une menace pérenne, un attentat permanent contre la stabilité des institutions. La crise profonde que traverse Nida Tounès en est témoin. La présidence de la République y est impliquée, le gouvernement aussi. Le bloc parlementaire de Nida Tounès a failli se scinder en deux, voire plus. On a dû recourir à un modus vivendi de la dernière heure pour y parer. Cependant, les déclarations des protagonistes de cette passe d'armes virulente attestent que le feu rougeoie encore sous les cendres. Ce n'est au bout du compte que partie remise. Reconnaissons-le, les valeurs de la République sont encore fragiles sous nos cieux. Les caprices des hommes l'emportent. L'administration est à vau-l'eau. Les partis ressemblent davantage à des coteries mouvantes. Les alliances et contre-alliances se succèdent dans un jeu pervers où l'argent et les desseins obscurs et non avoués sont de mise. L'alliance partisane gouvernementale Nida Tounès, Ennahdha, UPL et Afek semble circonstancielle. Depuis bientôt dix mois qu'ils sont au pouvoir, les quatre partis n'arrivent toujours pas à structurer périodiquement leurs concertations. Ces dernières semaines,le mouvement Ennahdha s'est courroucé des nominations gouvernementales des gouverneurs et des délégués. Il s'est insurgé contre les mesures prises contre certains imams extrémistes et va-t-en-guerre dans les mosquées. Et il l'a fait savoir haut et fort. De son côté, le bloc parlementaire de l'UPL a retiré, la semaine écoulée, son soutien au gouvernement, dont il fait partie ! Il a tout bonnement réclamé sa part du gâteau dans les nominations des gouverneurs et des délégués. Mohsen Hassen, président dudit bloc parlementaire, l'a réitéré à maintes reprises dans les médias. Bref, ce n'est guère la haute voltige. Habib Essid, chef du gouvernement, en est réduit à un perpétuel exercice d'équilibriste, voire de contorsionniste. Et les institutions trinquent. Suffit-il qu'il y ait quelque accord in extremis que le travail de sape reprenne. Les humeurs dament le pion aux choix politiques et aux projets de société. Côté économique et social, c'est l'unanimisme plat sous la houlette de la pensée unique monétariste. A peine la centrale syndicale, l'Ugtt, tempère-t-elle le suivisme politicien en la matière via ses revendications sociales. L'alliance entre Nida Tounès et Ennahdha est problématique. On dirait une rencontre fortuite dans une vaste salle des pas perdus. Chacun a ses horizons, sa destination. Chacun d'entre eux n'en finit pas de fourbir ses couteaux en tenant l'autre à l'œil. Ennahdha veut avoir une caution de parti civil, vis-à-vis de l'étranger surtout, sans se départir de son caractère confessionnel appuyé et de sa vocation de confrérie religieuse, vis-à-vis de ses bases. Nida Tounès semble vouloir imposer sa vision à petit feu, comme un plat qu'on mijote au brasero. Ici et là, le non-dit est de rigueur. Mais les deux partis ne ressortent guère indemnes de ce double jeu pervers. Les couleurs n'étant pas annoncées, ils doivent faire avec des dirigeants respectifs et des bases qui revendiquent tout haut ce que leur establishment pense tout bas. D'où les tensions permanentes non seulement entre les deux partis mais surtout à l'intérieur de chacun d'entre eux. C'est de bonne guère, diraient certains. Oui, mais il y a les institutions en jeu. Les différends ne sont guère de simples causeries de salons. Intra-muros et extra-muros, les leviers de l'autorité, du pouvoir, de l'administration sont pris d'assaut dans cette guerre de positions non déclarée. De sorte qu'on a affaire, au bout du compte, à un système fondé sur des équilibres catastrophiques. C'est-à-dire à une fragilisation permanente des institutions de l'Etat. Celles-ci sont l'objet d'une passe d'armes et d'escarmouches sourdes et permanentes. Cela explique d'ailleurs amplement la sclérose de l'administration centrale, les grands projets en suspens, l'immobilisme contraignant. Encore une fois, comme du temps de la défunte Troïka, la crise politique grève péniblement la crise économique et sociale. Le pays vit en pointillé, au gré des humeurs des roitelets de la politique politicienne. La crise des partis plombe les institutions. Le nanisme est de rigueur, partout ou presque. Et les nains adorent les débris.