Non diagnostiqués et non pris en charge à temps, les troubles de l'apprentissage peuvent se transformer en des troubles plus complexes et plus difficiles à gérer. Parmi les chérubins qui ont rejoint, il y a quelques semaines, les bancs de l'école pour la première fois, figureraient, sans doute, quelques-uns qui éprouvent beaucoup de mal à suivre les cours et à réussir les exercices de lecture et d'écriture. Certains iraient même jusqu'à remplacer un phonème par un autre, sans s'en rendre compte qu'il s'agit là, d'une erreur. Incompris, leur problème risque d'être banalisé tant par leurs propres parents que par les instituteurs. Pourtant, il est de taille et risque même de se répercuter sur leur parcours scolaire, estudiantin et même sur leur vie. Les troubles du langage et ceux de l'apprentissage restent encore indéchiffrés par bon nombre de parents et d'instits. Pourtant, ils sont décelables dès les premiers mois de naissance. Selon Mme Fadwa Merjaâ, orthophoniste, un enfant âgé de quelques mois et dont le développement est considéré comme normal devrait avoir dans son package lexical au moins dix mots. A l'âge de deux ans, il devrait commencer par associer deux mots. A trois ans, l'enfant devrait prononcer des phrases dont le contenu serait compréhensible par un tiers non familier à raison de 70%. «Ce n'est pas le cas des enfants qui présentent des troubles du langage et ceux de l'apprentissage. Encore faut-il préciser, souligne l'orthophoniste, qu'on a tendance à confondre troubles ou retard du langage et retard de la parole. Dans le premier cas, l'enfant émet des mots et des phrases dont la composition est incorrecte. L'on découvre, alors, des phrases sans sujets ou sans verbes. Ce n'est pas le cas du retard de la parole ou de la prononciation du premier mot». Retard du langage : le comportement parental peut en être la cause Les troubles du langage peuvent résulter de plusieurs causes dont des causes physiologiques (notamment la surdité provoquée par des otites répétitives) ou encore affectives, voire relationnelles. Un bébé négligé durant les six premiers mois de son existence risque fort d'endurer du retard du langage et/ou de l'apprentissage. Un enfant hypergâté, qui inverse les mots et substitue les phonèmes sans pour autant être corrigé par ses parents, mais, bien au contraire, applaudi, risque d'endurer ce genre de troubles. D'un autre côté, le recours exagéré et prolongé des parents au discours puéril comme signe d'affection est susceptible d'avoir des conséquences fâcheuses sur le développement intellectuel de l'enfant. «Autre cause qui déclencherait le retard du langage : le bilinguisme des parents. L'enfant mettrait plus de temps à chercher le mot adéquat dans deux contextes linguistiques différents», ajoute Mme Merjaâ qui attire l'attention sur les causes liées, plutôt, à un handicap notamment l'autisme et la trisomie 21. Les «dys», à repérer Non diagnostiqué et pris en charge, le retard du langage peut évoluer vers un retard de l'apprentissage. Ce dernier se manifeste sous plusieurs formes dites normales ou remédiables et autres, spécifiques car durables et handicapantes. L'orthophoniste en cite la dyslexie (ou le retard d'apprentissage ou d'acquisition de la lecture) ; la dyscalculie (ou le retard au niveau de l'apprentissage du calcul et de tout ce qui est lié au monde numérique) ; la dysorthographie (ou le retard d'apprentissage de l'orthographe) ; la dysgraphie (le retard d'apprentissage de l'écriture, des dessins, etc.) ; la dysphasie (ou le retard d'apprentissage du langage oral) et la dyspraxie (ou les troubles au niveau des mouvements qui nécessitent précision, comme le fait de nouer les lacets ou de boutonner une chemise, etc). L'estime de soi ébranlée N'ayant pas réussi à maîtriser le langage oral dès les premières années de son existence, l'enfant se trouve, une fois inscrit à l'école, dans une situation inconfortable et embarrassante. Il aurait beaucoup moins de chances que ses camarades à apprendre à lire, à écrire et à calculer. Ainsi, le retard au niveau de l'acquisition du langage prend plus d'ampleur. Faute d'un diagnostic précoce, d'une prise en charge adéquate et d'un bon accompagnement parental et enseignant, l'enfant aurait de faibles chances de pouvoir passer le cap. «Son problème qui est essentiellement dû à un retard au niveau de l'acquisition du langage se développerait pour être, de surcroît, un problème psychologique. Il n'y a pas plus vexant, pour un enfant, que les moqueries dont il est l'objet dans une salle de classe. Cela altère l'estime de soi», renchérit la spécialiste en orthophonie. Un travail de spécialistes, de parents et d'enseignants Aussi complexes semblent-ils, ces troubles peuvent être atténués grâce à une prise en charge multidisciplinaire. Mme Merjaa insiste sur ce point : «la prise en charge des enfants présentant un retard du langage et des troubles d'apprentissage devrait absolument être menée par une équipe multidisciplinaire, impliquant un orthophoniste, un pédopsychiatre, un ergothérapeute et un psychomoteur. Pour une prise en charge optimale, cette équipe doit collaborer étroitement — et efficacement — avec le milieu familial et scolaire de l'enfant. La guidance parentale constitue un pilier essentiel à la prise en charge. D'autant plus qu'un cadre enseignant informé et coopératif serait d'un grand appui et contribuerait à la bonne rééducation de l'enfant». Encore faut-il souligner qu'à défaut d'une bonne prise en charge, les troubles de l'apprentissage risquent d'évoluer et de se transformer en troubles du déficit de l'hyperactivité et de l'attention (Tdha) qui sont plus complexes et plus difficiles à gérer. Pour faire face au retard du langage et aux troubles de l'apprentissage, une vulgarisation de l'information s'impose tant pour le public que pour les parents et les enseignants. Ces derniers devraient bénéficier de formations sur ces troubles afin de mieux les intercepter et les traiter à temps. «De son côté, renchérit l'orthophoniste, la médecine scolaire est vivement appelée à jouer son rôle dans la prise en charge des enfants présentant des troubles de l'apprentissage. En France, la médecine scolaire procède systématiquement à un test d'orthophonie. Le résultat est pris en considération lors du passage de niveau». Et d'ajouter qu'il est temps de créer des écoles spécifiques à ces enfants surtout qu'ils ne sont pas aptes à suivre les cours dans les écoles conventionnelles. «Certains frôlent la dépression tellement ils sont incompris et pris pour des cancres. D'autres, à force d'être maltraités et insultés, sont hantés par des idées suicidaires», fait remarquer Mme Merjaâ.