Il est temps de passer à l'action sur le terrain et de traquer les terroristes là où ils se terrent. Les sécuritaires sont déterminés à gagner la guerre contre les semeurs de mort On attendait de grandes décisions à même d'éradiquer le terrorisme et de l'extirper, le Conseil supérieur de la sécurité nationale, réuni mercredi 25 novembre au Palais de Carthage sous la présidence du chef de l'Etat, a servi aux Tunisiens une série de mesures qui ont provoqué des réactions mitigées. Et ce sont les sécuritaires qui ont été les premiers à réagir pour exprimer leur déception et souligner que «les mesures annoncées n'ont pas été à la hauteur de leurs attentes et n'ont pas répondu aux normes qu'impose la situation actuelle du pays». «Aujourd'hui, notre pays est en état de guerre totale contre le terrorisme sous toutes ses formes, comme l'a martelé le président de la République dans son discours décrétant l'état d'urgence et le couvre-feu dans le grand district de Tunis. Malheureusement, les treize mesures annoncées par la présidence de la République ne nous donnent pas l'impression que l'approche choisie pour faire face fermement et énergiquement aux semeurs de mort pourra aboutir à l'éradication du terrorisme», répliquent en chœur les syndicalistes représentant les différentes unités sécuritaires (police, sécurité présidentielle et garde nationale). L'un des syndicalistes de la sécurité présidentielle s'est emporté sur le plateau d'une TV privée et n'a pas hésité à qualifier les décisions prises par le Conseil supérieur de la sécurité nationale «d'une véritable mascarade», estimant qu'elles n'auront «aucun effet sur la lutte contre le terrorisme». La question que l'on peut se poser maintenant est de savoir si les sécuritaires ont raison en s'opposant publiquement aux décisions prises. Les sécuritaires sont toujours une cible facile Pour l'analyste militaire Fayçal Cherif, qui a participé, au nom du ministère de l'Enseignement supérieur, à l'élaboration de la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme dont les grands axes ont été révélés dernièrement par Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, «dans une large mesure, les syndicalistes sécuritaires ont raison de considérer que les mesures n'ont pas satisfait leurs revendications, plus particulièrement en matière de protection des agents de sécurité lors de l'accomplissement de leurs missions ou quand ils rejoignent leurs domiciles. Il est inacceptable qu'une troupe d'élite comme celle de la sécurité du chef de l'Etat soit une cible aussi facile des terroristes et en prime sur le lieu où ses membres se rassemblaient pour gagner le palais présidentiel». Il ajoute : «Tout le monde sait que les forces de sécurité sont visées en priorité par les terroristes ainsi que leurs familles. Malheureusement, depuis les attentats du Bardo et de Sousse, aucune mesure de protection effective des sécuritaires n'a été mise au point et nos policiers continuent à se déplacer en solitaires, voire à faire de l'autostop pour gagner leurs domiciles ou leurs lieux de travail au risque de se retrouver sous la coupe de terroristes agissant en automobilistes ordinaires. Dans les pays avancés, il existe des normes strictes à respecter à tout prix. Il n'est pas admissible que ceux qui nous sécurisent soient lâchés dans la nature sans que personne ne pense à les sécuriser». Quant à la décision d'activer la mise en application de la loi organique sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent promulguée par le président de la République depuis début août dernier, le Pr Fayçal Cherif se demande : «Qu'attend le chef du gouvernement pour que le pôle juridique spécialisé dans les affaires du terrorisme commence à accomplir ses fonctions en se basant précisément sur la loi antiterroriste ? Et les revenants de Syrie dont le nombre s'élève à 500 jihadistes, selon les déclarations de Rafik Chelli, secrétaire d'Etat à la sûreté, ainsi que les 15 mille candidats au jihadisme empêchés de quitter le pays, qu'est-ce qu'on a fait pour les surveiller et les empêcher d'agir quand leur parviennent les ordres de frapper ?». Que faut-il faire pour que la guerre totale contre le terrorisme annoncée depuis juillet dernier devienne une réalité concrète? «Le temps n'est plus à l'organisation du fameux congrès national contre le terrorisme, comme le veulent plusieurs partis politiques. Ce congrès n'a plus de sens. Aujourd'hui, il faut passer à l'action sur le terrain comme l'a fait le gouvernement français en allant débusquer les terroristes dans les villes où ils se cachent pour programmer leurs lâches opérations. Nous devons suivre l'exemple de la France où personne ne parle de congrès ou de colloques de réflexion en vue de débattre de la stratégie à appliquer à l'encontre des terroristes», confie notre analyste. Des mesures palliatives «Les sécuritaires en ont ras-le-bol des opérations terroristes qui visent les forces de l'ordre et ils refusent les mesures palliatives annoncées mercredi par la présidence de la République. Il est clair qu'ils veulent venger leurs collègues décapités à l'avenue Mohamed-V, c'est la raison pour laquelle ils se sont mobilisés pour dire non à ces mesures de nature à calmer les esprits en attendant la prochaine opération terroriste», relève Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, militaires et sécuritaires. «En analysant les 13 décisions prises à l'issue du Conseil supérieur de la sécurité nationale, j'ai le sentiment qu'il n'existe pas de volonté effective d'éradiquer les terroristes», ajoute-t-elle. Elle considère que l'heure est à la prise de décisions plus courageuses et plus audacieuses. Elle propose trois solutions : «Frapper énergiquement tous les présumés terroristes, fermer les frontières avec la Libye jusqu'à nouvel ordre et non pour deux semaines comme annoncé et débusquer toutes les poches du terrorisme, et nos forces de sécurité savent où les semeurs de mort se cachent et recrutent les jeunes prêts à se faire exploser».