Par Abdelhamid Gmati C'est la question que l'on se pose ces temps-ci en Tunisie et dans les pays qui ont été visés. Et chacun y va de son couplet selon ses capacités, son évaluation, sa détermination. Chez nous, le chef du gouvernement, Habib Essid, estime que «nous sommes dans une guerre féroce». De fait, le pays, qui a été visé par au moins trois attentats sanglants, est en guerre contre le terrorisme depuis quelques mois et les forces de sécurité ont été mobilisées aboutissant à des résultats certains. Le chef du gouvernement en a fait un certain recensement, jeudi dernier devant l'ARP : plus de 2.600 individus, appartenant à une organisation terroriste, ont été placés en garde à vue, 34 cellules armées, 57 réseaux de recrutement de jeunes pour la Syrie, ainsi que 21 cellules d'incitation sur Internet ont été démantelés. Soit. Et à la suite de l'attentat contre la garde présidentielle, de nouvelles mesures ont été prises dans l'urgence. Habib Essid a ainsi affirmé qu'il fallait multiplier les efforts et mobiliser les compétences afin de vaincre le terrorisme. Il a estimé que «les nouvelles mesures en matière de lutte contre le terrorisme visent à affermir cette stratégie, en particulier la loi antiterroriste qui sera appliquée avec fermeté». Est-ce suffisant ? Pour certains députés, ces mesures sont insuffisantes face à l'urgence de la situation. Et que préconisent-ils ? Tenir une conférence nationale sur le terrorisme. L'idée n'est pas nouvelle, le gouvernement s'y était mobilisé l'été dernier mais y avait renoncé par crainte d'un échec. De fait, que peut-on attendre d'une telle conférence ? Le risque d'échec est toujours probable, eu égard aux désaccords des partis concernant le traitement de ce fléau. Désaccords révélés, de nouveau, lors des interventions sur les plateaux des différentes chaînes de radio et de télé. Recherche-t-on le consensus et l'unité nationale ? Cela peut se faire sans discutailler à l'infini, en faisant des propositions concrètes et sérieuses et en appuyant le gouvernement dans son souci de mobiliser tous les Tunisiens. «On ne lutte pas contre le terrorisme avec des conférences», estime l'avocat Nizar Ayed. Il se trouve que les sécuritaires, eux-mêmes, concernés au premier plan dans cette lutte, jugent les mesures gouvernementales insuffisantes. Et, contrairement aux politiques qui ergotent sur les racines du mal, se complaisant dans les accusations stériles et malvenues, ils font des propositions. En premier lieu, renforcer l'appareil sécuritaire. Certes, le gouvernement a décidé le recrutement de 3.000 agents au ministère de l'Intérieur et 3.000 autres dans l'armée. Mais ce ne seront que de nouvelles recrues inexpérimentées et qui doivent être formées. C'est pourquoi il est préconisé, notamment par Anis Mogaâdi, président de la Ligue nationale de défense des droits des sécuritaires, la réintégration des anciennes compétences tunisiennes. «Nous avons des compétences patriotiques qui ont été démises de leurs fonctions. Admettons que ces cadres ont été mal exploités à l'ère Ben Ali. N'empêche que plusieurs personnalités politiques et médiatiques exercent actuellement en toute liberté leurs métiers alors qu'elles étaient des figures connues de l'ancien régime. L'Etat est appelé à réintégrer ces cadres sécuritaires qui sont en mesure d'aider considérablement et efficacement à l'éradication du terrorisme, de par leur compétence confirmée dans la lutte antiterroriste», affirme-t-il. De la même manière, la révision des nominations, effectuées depuis ces 5 dernières années sur la foi de l'allégeance et non de la compétence, aussi bien dans le corps sécuritaire que dans celui de la magistrature et de la fonction publique. C'est pourquoi le gouvernement s'y intéresse. Ainsi Rafik Chelli, secrétaire d'Etat chargé de la Sécurité au sein du ministère de l'Intérieur, a annoncé de nouvelles mesures concernant les agents qui n'ont pas leur place au sein de l'appareil sécuritaire. Une commission préventive au sein du ministère de l'Intérieur a été mise en place et a pour mission de mener des investigations sur toutes les nouvelles recrues depuis deux ans dans les rangs des forces de l'ordre. Il estime, en effet, que certains recrutements ayant eu lieu au cours des deux dernières années ont été faits sans les vérifications sécuritaires nécessaires. D'autres mesures sont estimées nécessaires et urgentes ? L'une d'entre elles concerne les jihadistes tunisiens partis illégalement rejoindre les terroristes, notamment en Syrie et Libye. Le ministère de l'Intérieur a annoncé, dans un communiqué daté de vendredi dernier, qu'il a été décidé d'assigner à résidence 92 individus, revenus des régions de tension et classés comme dangereux auprès des unités de sécurité. Sera-ce suffisant pour les empêcher de nuire ? Rafik Chelli a révélé que «tous les membres impliqués dans les derniers attentats terroristes ont été entraînés en Libye», ajoutant que «le ministère de l'Intérieur avait connaissance des sites des entraînements. La planification de tous les attentats terroristes ont eu lieu en Libye... On a démantelé plusieurs cellules de financement des familles des jeunes se trouvant dans des zones de conflit, chargées de repérage ou encore celles qui avaient l'intention de commettre des attentats terroristes aux quatre coins de la République tunisienne». Autre mesure préconisée : puisque nous sommes en guerre «globale», il est urgent d'adopter «une économie de guerre». Cela se traduirait par l'instauration d'une paix sociale, suspendant les grèves et autres manifestations, et de tout faire pour réaliser la croissance, le développement, la production et la productivité. Et en définitive, c'est en unissant les efforts et en se mettant au travail que l'on sauvera le pays.