Ridha Belhaj quitte son poste de président de l'instance politique de Nida Tounès, se sentant désavoué par les députés nidaïstes qui n'en font qu'à leur tête. Le groupe des 57 se proclamant les défenseurs des fondamentaux nidaïstes ne lui ferme pas la porte, à condition qu'il reconnaisse ses erreurs et ses errements C'était dans l'air et on n'attendait plus que l'heure de son annonce officielle : Ridha Belhaj, chef de l'instance politique de Nida Tounès, a fini par annoncer, hier, sa démission de la direction de l'instance en protestation contre ce qu'il appelle «les interventions externes dans les affaires du parti» et la position hostile du bloc parlementaire nidaïste à son égard, «ce qui fait qu'aujourd'hui, souligne-t-il, le parti est devenu le parti du bloc et que les membres de ce bloc n'en font qu'à leur tête et n'accordent plus aucune importance aux directives de leur parti». La fracture entre les députés nidaïstes renforcés ces derniers jours par trois dissidents de l'Union patriotique libre (UPL) et le président de l'instance politique étant consommée, ce dernier estime que sa présence à la tête de l'instance n'est plus d'aucune utilité. Cependant, il ne coupe pas le cordon avec le parti dont il a été l'un des fondateurs et il y reste entant que membre de la même instance. Et comme à son habitude d'homme d'Etat sachant manier les petites phrases qui disent en réalité tout (sauf qu'il faut être au parfum de ce qui se passe réellement au sein et autour de Nida Tounès pour saisir le fond de la pensée du désormais ancien président de l'instance politique du parti des Berges du Lac), Ridha Belhaj se contente de dénoncer les pressions externes qu'il subit depuis qu'il a quitté le palais de Carthage et rejoint le parti pour le remettre sur les rails. Il ne dit pas également pourquoi les députés nidaïstes refusent de reconnaître son autorité ou même ses conseils et agissent comme si c'étaient eux qui dirigent le parti, alors que plusieurs parmi ces députés indociles n'ont rejoint le parti qu'à l'occasion des législatives du 26 octobre 2014 en ayant l'assurance d'être candidats au palais du Bardo. Hafedh reprend le pouvoir En réalité, ce que Ridha Belhaj ne dit pas, c'est qu'il a perdu la bataille du leadership au sein du bloc parlementaire nidaïste au profit de Hafedh Caïd Essebsi qui a désormais le contrôle du bloc à travers le député Soufiane Toubal, élu dernièrement à la tête du bloc aux dépens de Mohamed Saïdane (36 voix pour Toubal et 12 pour Saïdane). Et quand on sait que Soufiane Toubal est soutenu par les barons de Nida Tounès (Nabil Karoui, Abderraouf Khammassi et Fayçal Hafiène), on comprend que Ridha Belhadj a saisi lui aussi que son sort pourrait être analogue à celui réservé à Mohsen Marzouk, lui aussi démissionnaire de son poste de conseiller auprès du président de la République et revenant au parti avec pour objectif sa refondation en vue de gagner les élections municipales et régionales. La suite, tout le monde la connaît même si plusieurs observateurs sont toujours convaincus que «Marzouk pourra revenir au parti au cas où Si El Béji jugerait que l'intérêt national et les intérêts de Nida Tounès l'exigent» et beaucoup de politologues n'hésitent pas à affirmer que les allées et venues au palais de Carthage de Mohsen Marzouk, lui aussi en butte à la colère et au mécontentement de certains députés d'Al Horra, ne sont pas étrangères à la possibilité «d'un éventuel retour du fils prodige au parti pour sauver la baraque qui risque de s'écrouler définitivement si les congressistes d'Ennahdha décident de désavouer leur chef et élisent de nouveaux responsables durant leur 10e congrès prévu fin mai, qui seront pressés d'exercer le pouvoir comme le leur permet leur présence au sein du parlement». Et la position du groupe des 57 Reste à savoir comment va réagir le président fondateur du parti, le président Béji Caïd Essebsi, qui voit ses tentatives de sauver le parti d'une énième implosion échouer encore une fois? Une autre question s'impose d'elle-même. Ridha Belhaj peut-il rejoindre le groupe des 57 personnalités nidaïstes (dont des députés ayant participé à l'élection de Soufiane Toubal) qui sont toujours attachés au retour aux fondamentaux du parti tel que créé par le président Béji Caïd Essebsi ? Leïla Chettaoui, députée nidaïste et membre du groupe des 57 (ils sont devenus maintenant 200), confie à La Presse: «La porte est ouverte à toute personne qui se remet en question. Ridha Belhadj s'est trouvé désavoué au sein de Nida Tounès à la suite de l'acceptation des trois députés démissionnaires de l'UPL alors qu'il a donné sa parole pour qu'ils ne le soient pas lors d'une réunion de la coordination des partis au pouvoir en présence de Hafedh Caïd Essebsi et de Faouzi Elloumi. Aujourd'hui, il est tenu de faire sa propre évaluation de tout son parcours politique à partir du moment où il a exercé en tant que ministre d'Etat auprès du gouvernement transitoire de Béji Caïd Essebsi. Au sein du groupe des 57 dont les membres fondateurs ne pensent pas un seul instant à la création d'un troisième parti à vocation nidaïste, il existe un principe fondamental: non à l'exclusion».