Au sein de Nida Tounès, un seul mot d'ordre : il faut récupérer les députés égarés et séduire les députés mécontents des partis amis Au sein du palais du Bardo, à chaque jour sa surprise et à chaque initiative ses effets. Au moment où tout le monde est convaincu que les nahdhaouis ont décidé de faire la paix définitivement avec les rcdistes à travers les destouriens «propres et honorables», que les deux cheikhs Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi sautent le pas et font montre d'une cohésion parfaite sur «la réconciliation nationale globale» devant tourner la page du passé et remettre le pays au travail et faire redémarrer la machine économique, voilà que les députés nidaïstes (fidèles à Ridha Belhaj et Hafedh Caïd Essebsi) remuent ciel et terre au siège de l'Assemblée des représentants du peuple pour que leur parti récupère son statut de première formation parlementaire après l'avoir perdu au profit d'Ennahdha quand Mohsen Marzouk a pris la décision de courir pour son propre compte en créant son parti «Machrou Tounès» dont il attend toujours l'autorisation officielle. L'objectif est on ne peut plus clair : il faut récupérer, d'une part, les démissionnaires mécontents parmi les députés qui ont rejoint Mohsen Marzouk et qui ont découvert, en s'y frottant de très près, que «l'expert du transitionnisme» (c'est ce que Marzouk dit de lui-même) est «un petit dictateur en herbe et un ambitieux hors mesure» et convaincre, d'autre part, les députés qui ne veulent plus porter la casquette de l'Union patriotique libre (UPL) et subir le sort réservé par Slim Riahi à leur secrétaire général, Maher Ben Dhia, ministre actuel de la Jeunesse et des Sports, traité de «lâche». Ces mêmes députés n'ont pas apprécié également que Slim Riahi révèle qu'il a mis à leur disposition des voitures particulières et menace de les récupérer à tout moment, rappelant un certain Bahri Jelassi qui parlait à l'époque de l'Assemblée nationale constituante de «ses constituants au Bardo» et les a attaqués en justice, estimant qu'ils l'ont escroqué et dépensé l'argent qu'il leur a avancé pour créer des structures régionales du parti «Al Wafa wal islah» pour leur propre compte (l'affaire est toujours en cours). Et quand on s'appelle Ali Lakhoua (éminent homme d'affaires à Bizerte et appartenant à une famille qui n'a pas attendu Bourguiba ou Ben Ali pour se constituer une belle fortune) ou Youssef Jouini (un ancien responsable syndicaliste qui n'avait pas sa langue dans la poche quand Ismaïl Sahbani dirigeait, lors de la première décennie Ben Ali, l'Ugtt à la baguette), on refuse de subir les affronts de Slim Riahi et on claque la porte de l'UPL en se dirigeant le plus normalement du monde vers Nida Tounès, la maison où tout le monde peut avoir sa place. Youssef Jouini le dit lui-même : «Agir en tant que député indépendant au sein du Parlement ne me permet pas de produire le rendement que je veux. Et puis, les programmes et les orientations de Nida Tounès et de l'UPL sont pratiquement les mêmes. Donc, ma place logique est parmi le bloc parlementaire nidaïste et j'appelle mes amis mécontents à adhérer au bloc nidaïste. Et pourquoi le cacher, notre objectif est que Nida Tounès récupère sa majorité au sein du Parlement». Son appel n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd puisque mardi 3 mai, Ali Belakhoua, Noureddine Ben Achour et Ridha Zghondi lui ont emboîté le pas et ont déposé auprès du bureau de l'ARP leur démission du bloc parlementaire de l'UPL auprès de celui de Nida Tounès en attendant que Fatma M'seddi et les députés d'Al Horra se trouvant à l'étroit au sein de «Machrou Tounès» en fassent de même. Beaucoup d'observateurs s'attendent à ce que plus de 13 députés retournent à la maison nidaïste. Et cette fois, les choses sont sérieuses. Ainsi, le président Béji Caïd Essebsi aurait-il exigé, récemment, de Ridha Belhaj et de Hafedh Caïd Essebsi d'enterrer la hache de guerre et de se concentrer sur l'essentiel, à savoir récupérer les députés démissionnaires en prévision de la tenue du congrès du parti prévu en juillet prochain. Et c'est Raouf Khammassi, l'homme de confiance de Béji Caïd Essebsi, qui se charge de remettre les pendules à l'heure en déclarant : «Il est temps que la réconciliation au sein du parti soit globale, que tous les démissionnaires et ceux qui ont gelé leurs activités au sein du parti (Zohra Driss, Moncef Sellami, Wafa Makhlouf, Khemaïes Ksila et Sameh Damak) reviennent au parti. Les responsables régionaux seront également concernés par la réconciliation qui ne peut réussir qu'à condition d'être globale». En attendant la réunion de l'instance politique Mais en attendant que l'opération récupération des démissionnaires aboutisse, que l'opération séduction des mécontents appartenant aux partis amis ait aussi ses effets et que les destouriens comprennent qu'ils n'ont rien à tirer de Slim Riahi, il faut bien que le projet de réconciliation interne soit avalisé par l'instance politique du parti et que les frictions apparues le week-end dernier entre le bureau et le bloc parlementaire soient enterrées elles aussi car il n'est pas acceptable que les députés nidaïstes se rebiffent contre le bureau exécutif de leur parti et se comportent comme les véritables patrons du parti, laissant entendre qu'ils bénéficient d'une légitimité électorale populaire plus que certains de leurs chefs aux Berges du Lac. Malheureusement, certains de ces mêmes députés poursuivent leurs manœuvres en faisant fi des tentatives de réconciliation entreprises par Raouf Khammassi et Sofiène Toubal. Ainsi, Hassen Laamari, député nidaïste, a-t-il déclaré, hier, sur les ondes d'une radio privée que «de nouvelles journées parlementaires nidaïstes auront lieu ce week-end à Sousse et que Habib Essid, le chef du gouvernement, en a été informé». L'on se demande sur quel pied dansent les nidaïstes et qui croire parmi ces leaders dont les déclarations soufflent quotidiennement le chaud et le froid?