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La stratégie de Bourguiba et les défis des cinq premières années!! (2e partie)
Tribune : 24 juin 1956 : naissance de l'Armée nationale
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 06 - 2016


Par le Colonel ( r) Boubaker BENKRAIEM(*)
Dans la première partie de l'article, il a été fait rappel des conditions de la mise sur pied de l'Armée nationale et des difficultés rencontrées pour l'acquisition de l'armement et des équipements, des mesures prises pour assurer la défense et la protection des frontières par l'installation de postes frontaliers : de même, l'arrivée de milliers de réfugiés algériens fuyant la guerre ainsi que l'implantation d'un grand nombre de bases de l'armée de libération nationale algérienne en Tunisie ont été signalées.
La Tunisie, compte tenu de ses positions solidaires avec l'Algérie combattante, et consciente de l'avenir commun du Maghreb, s'attendait aux réactions violentes de l'armée française d'Algérie, du fait de l'aide qu'elle apportait à l'ALN. En effet, les incursions des troupes françaises ont été fort nombreuses et parfois d'une intensité et d'une sauvagerie inacceptables et je citerai, entre autres :
Le 22 octobre 1956, des troupes françaises ont franchi la frontière tunisienne, ont tenté de prendre le poste de surveillance de Ben Gardane et de s'emparer des documents et des dossiers qui s'y trouvaient.
Le même jour, l'armée française d'Algérie s'empara, en plein vol, de l'avion qui transportait du Maroc une délégation algérienne au sommet maghrébin de Tunis composé de Mohamed Boudiaf, Ahmed Ben Bella, Houcine Ait Ahmed, Mohamed Khider et Mustapha Lachref.
Le 24 octobre 1956, des soldats français voulant forcer des barrages dressés entre Aïn Draham et Jendouba par la population pour les empêcher de se déplacer sans autorisation, des accrochages se produisirent et entraînèrent des blessés,
Trois semaines plus tard, et sans demander l'autorisation au gouvernement tunisien, les autorités militaires françaises présentes en Tunisie installèrent des équipements radar sur les hauteurs de Bir Drassen (Cap Bon). Les populations ont protesté et il y eut deux morts et des blessés.
Dans le but d'éviter les frictions et de rapprocher les points de vue des deux gouvernements, la France, en vue de prouver ses bonnes intentions, décide de remettre au gouvernement tunisien la caserne de La Kasbah à Tunis, le 21 mars 1957
En mai 1957, fuyant les ratissages, les arrestations, les tortures, les assassinats et les massacres, des Algériens, hommes, femmes et enfants se sont réfugiés en Tunisie. Des unités de l'armée française les ont poursuivis dans les cheikhats des Ouled Mssallem et des Khemairia, dans la région d'Aïn Draham. L'armée tunisienne et la Garde nationale tentant de les protéger et leur porter secours se sont trouvées face à face avec elles, le 31 mai, et ce fut l'affrontement qui eut pour résultat la mort de neuf membres et la blessure de plusieurs autres du côté des forces de l'ordre tunisiennes. Khemaïes Hajri, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, qui se rendait examiner la situation des réfugiés en vue d'en rendre compte au HCR (Haut commissariat pour les réfugiés) et qui était, malencontreusement, de passage par là a été gravement blessé et décéda quelques jours plus tard. Il était accompagné de Beji Caïd Essebsi, directeur général de l'administration régionale.
Début juin 1957, un accrochage à El Hamma de Gabès eut lieu et coûta la vie à deux soldats français.
Ces deux incidents graves eurent pour conséquences l'arrangement proposé par le gouvernement de Bourgés Maunoury permettant l'évacuation de tout le territoire tunisien à l'exception de Bizerte, El Aouina, Gafsa, Sfax et Remada et l'application commença en juillet par Tozeur, Kairouan, Jendouba, Sbeitla et Le Kef.
Le 1er septembre 1957, une incursion eut lieu du côté de Hydra et s'attaqua à des forces de l'armée tunisienne et de la Garde nationale qui se portèrent à sa rencontre.
Le 5 septembre 1957, une incursion au cheikhat des Khemairas, région d'Aïn Draham, a fait deux morts parmi les Tunisiens.
Le 11 septembre 1957, une incursion eut lieu dans la région de Kasserine et quatre citoyens tunisiens furent enlevés ; quatre autres l'ont été à Redeyef.
Cependant, le commandement de l'armée française à Alger veut aller plus loin; il étend le droit de poursuite, en Tunisie, à une profondeur de 25 km et prépare une « reprise de contrôle temporaire du territoire tunisien ».
Le 1er et 2 octobre 1957, les troupes françaises soumettent le village de Sakiet Sidi Youssef à des tirs d'artillerie lourde et violent l'espace aérien usant d'armes automatiques, tuant une jeune fille et blessant une dizaine de civils pour la plupart des enfants.
En vue de détendre l'atmosphère, le gouvernement de Bourges Maunory autorise le transfert des casernes d'El Hamma de Gabès, des locaux restant de la caserne Forgemol à Tunis et l'armée française se retire, début décembre, de la caserne de Médenine, de Tataouine, de Ben Gardane et de Zarzis.
Cependant, les différents gouvernements français, soucieux de relancer les négociations avec le gouvernement tunisien, ont vu leurs efforts bloqués par l'attitude du commandement militaire français d'Algérie. Celui-ci procéda, le 2 janvier 1958, avec une colonne de vingt blindés, au franchissement de la frontière, du côté de Sendes, dans la région de Redeyef, encercla la localité de Foum El Khanga, procéda à des perquisitions, puis se retira emportant effets et argent trouvés dans le village, enleva dix hommes et en tua trois autres.
Le 11 janvier 1958, un accrochage très sérieux eut lieu au Djebel El Oust, en Algérie, non loin de Sakiet, entre un élément de l'ALN et un groupe de militaires français. Les résultats ont été terribles : quatorze soldats français tués et quatre faits prisonniers.
Conscient de la gravité de la situation, le président Bourguiba soutient que l'engagement s'est produit loin de notre territoire alors que le général Salan met en cause l'entière responsabilité de la Tunisie qui héberge et aide les combattants algériens et leur permet d'utiliser son territoire comme bases de départ.
Le président du conseil, Felix Gaillard, voulant montrer son énergie et son mécontentement dépêcha, par avion spécial, le général Buchalet et son chef de cabinet, porteurs d'un message au président Bourguiba relatif à cet accrochage. Il voulait aussi demander au gouvernement tunisien de mettre fin à l'aide fournie aux combattants algériens, d'une part, et, d'autre part, de faire restituer les soldats français faits prisonniers par l'ALN. L'envoi de pareille délégation ayant été considéré, par la Tunisie, comme un ultimatum, Bourguiba refusa de la recevoir. Celle-ci rentra à Paris bredouille. Cette situation envenima davantage les relations entre les deux pays. La presse conservatrice parle d'affront diplomatique et de «nouvelle version des coups d'éventail».
Non satisfaite de ce revers, la France maintient sa pression, arrête sa coopération financière, suspend les négociations en cours et rappelle son ambassadeur, George Gorse. Comme souvent un malheur n'arrive jamais seul, c'est encore sur la frontière algéro-tunisienne, au jebel Tarf, à l'ouest de Tebessa, que vers la mi-janvier 1958 eut lieu l'un des plus importants accrochages entre des éléments de l'ALN et des unités de l'armée française fortement appuyées par l'aviation et des hélicoptères. Le bilan était lourd et catastrophique : des dizaines de soldats français tués, et une grande quantité d'armes légères et collectives récupérée. Cet accrochage eut pour résultat la multiplication de la violation du territoire tunisien par l'aviation française. D'ailleurs, un avion T6 a été touché le 30 janvier 1958 par la D.C.A. (défense contre-avions) tunisienne et a été obligé de se poser en rase campagne en Algérie, non loin des frontières. De même, un autre avion T6 a été l'objet de tirs tunisiens dans la région de Sakiet le 7 février 1958. Le 8 février vers 09h00, un autre avion, gravement atteint par des tirs provenant de Sakiet, a subi d'importants dégâts qui l'obligèrent à se poser en détresse à Tébessa. C'est alors que le général Salan, commandant en chef en Algérie, donna l'ordre d'attaquer Sakiet Sidi Youssef. Et l'irréparable eut lieu ce même jour vers 11h00 : plusieurs escadrilles d'avions français d'Algérie ont bombardé, durant une bonne heure, le paisible village de Sakiet Sidi Youssef. Les résultats étaient de 130 morts et 400 blessés, tous des civils sans armes ainsi que d'énormes dégâts matériels.
Les conséquences politico-stratégiques du raid sur Sakiet Sidi Youssef étaient fort importantes :
a- D'abord, il y a eu, du côté tunisien, une mobilisation du front intérieur, une mobilisation de l'opinion française ainsi qu'une mobilisation internationale.
b- Ensuite, sur le plan international, la guerre d'Algérie n'est plus, comme la France l'a toujours soutenu, une affaire intérieure française.
c- Enfin, le C.C.E algérien (le Comité de coordination et d'exécution) qui deviendra, le 9 septembre 1958, le gouvernement provisoire de la République algérienne, exprime sa solidarité totale avec le peuple tunisien et ses dispositions pour mettre ses forces militaires aux côtés des forces tunisiennes afin de sauver l'indépendance tunisienne.
Le bombardement de Sakiet a rendu d'énormes services non seulement à l'Algérie combattante, puisqu'il a permis l'internationalisation de ‘'l'affaire algérienne'', mais encore au raffermissement des relations entre nos deux pays dont le passé, le présent et l'avenir sont communs.
La Tunisie, profitant, avec beaucoup de subtilité, de cette agression caractérisée, prit les mesures suivantes :
1°- Une plainte fut déposée auprès du Conseil de sécurité de l'ONU.
2°- Une mesure d'interdiction à l'armée française, stationnée en Tunisie, de quitter ses casernements fut prise.
3°- Des barrages furent dressés devant toutes les casernes françaises, par les jeunes destouriens, appartenant au Parti au pouvoir; ceux-ci étaient munis de gourdins, de bâtons et se relayaient jour et nuit. La population voisine était chargée de leur alimentation et souvent les femmes venaient, tout près d'eux, pousser des youyou pour les encourager; par ailleurs, ces jeunes étaient appuyés, d'assez près, par des éléments de l'armée placés non loin de là.
4°- la Tunisie demanda officiellement l'évacuation de toutes les troupes françaises stationnées sur son territoire.
5°- une campagne de presse, savamment orchestrée, maintenait la pression sur les troupes françaises, d'une part, et, d'autre part, gonflait à bloc notre moral.
Cependant, des renseignements dignes de foi nous parvenaient de l'extrême sud tunisien confirmant que les instructions du gouvernement tunisien quant à l'interdiction de mouvement des troupes françaises n'était pas appliquée par le colonel Mollot, commandant la zone saharienne et ses patrouilles arrivaient même jusqu'à Bir Amir, à mi-chemin entre Remada et Tataouine. Ce comportement a été la cause de la bataille de Remada qui eut lieu le 25 mai 1958 et au cours de laquelle le capitaine Zaier, commandant la compagnie de Tataouine, attaqua, de nuit, en utilisant des mortiers, le casernement de Remada, lui occasionnant d'importants dégâts. D'autre part, d'anciens résistants dont Mosbah Jarbou3 qui ont, sans coordination avec l'armée, attaqué, en plein jour, la caserne ont été, sauvagement, tués par les troupes françaises, lors de leur décrochage, ainsi que le directeur de l'école primaire, son épouse et ses enfants.
Le 1er juin 1958, le général de Gaulle a été investi par l'Assemblée nationale comme président du Conseil des ministres. L'une de ses premières actions a été d'assainir la situation en Tunisie et au Maroc. Par un accord signé le 17 juin 1958, le général de Gaulle accepta que toutes les troupes françaises soient évacuées au plus tard le 1°octobre 1958, exception faite pour Bizerte. Les unités sahariennes tunisiennes ont pris alors la relève et s'investirent totalement, malgré leurs faibles moyens, dans ce Sahara majestueux.
Compte tenu de tous ces événements et pour y faire face, l'armée nationale a mis sur pied d'autres unités, entre 1957 et 1960 : le 4e bataillon d'infanterie à Gafsa commandé par le capitaine Salah Hachani, le 5e bataillon à Bizerte commandé par le commandant Mohamed Kortas, les 6e et 7e bataillons à Tunis, le 8e bataillon au Kef commandé par le commandant Kaddour Ben Othman, les 9e et 10e Bataillons ( commandés par les commandants Mohamed Limam et Ahmed Elabed) mis à la disposition de l'ONU au Congo ainsi que les bataillons des transmissions (commandant Béchir Bouaïch), du génie (commandant Béchir Hamza), et du transport (commandant Sadok Ben Mansour). Ses effectifs qui étaient de 1.700 hommes en juin 1956 ont été portés à 10.000 hommes en 1958 et à 30.000 hommes en 1960.
Notre pays, en seulement quatre ans d'indépendance, et grâce à l'immense stature et prestige du président Bourguiba, a acquis une notoriété internationale. Fervent défenseur de l'amitié et de l'entente entre les peuples, et grâce à sa diplomatie active et positive qui tend à rapprocher les pays et renforcer leur solidarité, et à ne jamais intervenir dans les affaires d'autrui, sa politique était tellement appréciée que l'Organisation des Nations Unies n'a pas hésité à nous demander de participer à la mission de maintien de la paix qu'elle a décidée, à la demande du gouvernement congolais, dans ce pays. Et c'est ainsi que la Tunisie, malgré ses faibles moyens et ses préoccupations à la frontière tuniso-algérienne, participa à cette mission par l'envoi d'un contingent de trois mille hommes commandés par le Colonel Lasmar Bouzaiane et qui fut, à la demande de M. Mongi Slim, le représentant de la Tunisie aux Nations unies et candidat à la présidence de la 16°Assemblée Générale de l'ONU, et qui la présidera en septembre 1960, le premier à fouler le sol congolais le 15 juillet 1960. La brigade tunisienne a été chargée de la province du Kassai où, dès son arrivée, elle a été, aussitôt, déployée sur le terrain. Les villes tenues par nos unités étaient les suivantes : Luluabourg (capitale de la province)-Port Franqui, Mweka, Lac Makamba, Tshikapa, Bakwanga, Gandajika, Luputa et Mwene Ditu. La mission reçue par la brigade tunisienne était «d'assurer le maintien de la sécurité et de l'ordre public dans la province du Kassai tout en neutralisant l'ANC (Armée nationale congolaise) et en la désarmant ». Cette dernière mission a été accomplie en très peu de temps. Le commandement des forces de l'ONU a été surpris par la rapidité avec laquelle nous avions accompli la mission qui nous a été confiée : pacifier très rapidement cette province, de loin plus vaste que notre pays. C'est pourquoi le commandant en chef des forces de l'ONU au Congo, le général suédois Carl Von Horn, en reconnaissance à l'excellent travail effectué par nos hommes, attribua, au colonel Lasmar, commandant de la brigade tunisienne, le surnom prestigieux de « Prince du Kassai »; d'ailleurs, il parle longuement, et en de termes flatteurs, du contingent tunisien dans son livre « Soldat de la Paix ». C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles, devant les problèmes de sécurité qui commençaient à émerger à Léopoldville, capitale du Congo, il décida, en octobre 1960, de permuter la brigade tunisienne avec la brigade ghanéenne. Il voulait en même temps éloigner la brigade ghanéenne de Léopoldville pour l'empêcher de s'immiscer davantage dans les affaires congolo-congolaises, le Ghana ayant, dès le départ, pris fait et cause pour le Premier ministre, Patrice Lumumba, qui a été démis de ses fonctions, arrété et emprisonné; s'étant enfui avec certaines complicités, il a été arrêté et remis à son pire ennemi, le président du Katanga, Moise Tshombe qui l'éxécuta aussitôt.
De ce fait, le commandement militaire de l'Onuc de la place de Léopoldville est passé sous l'autorité effective de la brigade tunisienne à compter du 11 Novembre 1960 à 12 heures. C'est encore le Ghana qui a été la cause du premier incident sérieux que nous avons eu avec l'armée congolaise. En effet, des soldats congolais ayant voulu arrêter pour l'expulser, l'Ambassadeur du Ghana, déclaré persona non grata, les soldats tunisiens qui étaient chargés de garder sa résidence les ont en empêchés, ce qui provoqua le déclenchement d'une longue fusillade sur nos troupes qui, usant du droit de légitime défense, ont riposté énergiquement. C'est l'incident le plus grave et le plus sérieux auquel les forces de l'Onuc, en général, et les troupes tunisiennes en particulier ont eu à faire face au cours des six mois de présence dans ce pays. Il eut pour résultat la mort du colonel Kokolo, le responsable militaire de Léopoldville et la blessure d'autres soldats congolais ainsi qu'un mort et sept blessés dans nos rangs dont le lieutenant Mahmoud Gannouni qui reçut de sérieuses blessures. C'est dans cette ambiance de méfiance, d'incertitude et de crainte des uns par rapport aux autres qu'en janvier 1961 notre camarade de promotion, le lieutenant Khelifa Dimassi, officier de transmissions, voulant dépanner l'une de nos unités implantée à l'Université de Luvanium, située à 25 Km de la capitale dont le poste radio était en panne, s'est rendu sans chauffeur ni escorte, pour la dépanner. En quittant la ville, de Léo, on est, immédiatement, en pleine brousse et notre camarade tomba dans une embuscade qui serait montée par des soldats de l'ANC, voulant, probablement, venger le colonel Kokolo. Et ainsi, le Lieutenant Dimassi a été porté disparu et nos recherches n'ont donné aucun résultat ; le commandement de l'ANC, répondant aux énergiques injonctions de l'ONU et de la brigade tunisienne, nia, totalement, l'implication de ses hommes dans cette affaire.
Cette première mission des Casques Bleus durera jusqu'en août 1961 quand le gouvernement tunisien, suite à la guerre de Bizerte, demanda le rapatriement de ses troupes pour faire face à cette nouvelle situation. La brigade a été, en totalité, repatrié le 1° août 1961. ( à suivre)
*(Ancien sous-chef d'état major de l'armée de terre, commandant le quartier de Sakiet d'avril 1958 à mars 1961, commandant de compagnie avec les Casques Bleus (avril-août 1961)


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