Par M'hamed JAIBI Les réunions de Carthage se poursuivent et se consolident, donnant une meilleure visibilité au projet présidentiel d'un «gouvernement d'union nationale» cohérent et efficace qui soit appuyé par un large consensus national impliquant un grand éventail politique et les grandes centrales socioprofessionnelles. Neuf partis politiques sont parties prenantes de cette opération de sauvetage. Les quatre de l'actuelle coalition gouvernementale et cinq autres formations ayant accueilli favorablement l'initiative du président Caïd Essebsi : Al Moubadara, Al Jomhouri, le MPT, le Mouvement du peuple et Al Massar. Prendre le taureau par les cornes L'objectif étant d'élargir le consensus ayant abouti au gouvernement Habib Essid à un compromis concret traduisible en un programme immédiatement réalisable sur le terrain pour remettre le pays sur les rails, redonner à l'Etat son autorité et son prestige, relancer l'économie et le développement, accélérer la mise en place des infrastructures dans les régions et donner du travail aux jeunes. Au sein de l'actuel gouvernement, les tiraillements entre les tenants d'une libéralisation franche et les partisans d'une approche sociale protectionniste ont fini par aboutir à un compromis mou dénué d'efficacité dont Habib Essid a fait les frais. Ce compromis a permis de sauver les meubles, mais la crise s'est accentuée et l'endettement est devenu alarmant, exigeant que l'on prenne enfin le taureau par les cornes. L'urgence des «grandes réformes» Le retard pris dans la mise en forme des «grandes réformes» que souhaitent les pourvoyeurs de fonds et les institutions financières internationales, autant qu'une bonne partie des investisseurs locaux et étrangers, hypotèque la reprise économique,à un moment où l'Europe peine et où la mondialisation exacerbe la concurrence. L'Utica, de son côté, appelle le gouvernement à plus d'audace en matière de débureaucratisation on et de libéralisation du change, au même moment où la banque centrale suggère la prudence au vu de la situation financière et monétaire. L'Ugtt, par contre, s'oppose à toute privatisation et met en garde contre les «recommandations de la Banque mondiale et du FMI», attitude que calque le Front populaire. Des mesurettes et des calmants D'où un puzzle inconstructible et un indéchiffrable imbroglio dont l'actuel gouvernement n'a pu tirer que des mesurettes et des médications calmantes, au moment même où les revendications salariales grondaient et faisaient tache d'huile jusqu'à doubler la part des salaires au sein du budget de l'Etat, au détriment des investissements productifs et des travaux d'infrastructure. C'est dans cet environnement spécialement défavorable et inquiétant que le président de la République a annoncé son initiative de gouvernement d'union nationale. Et il a pris la précaution d'indiquer d'emblée que l'adhésion de l'Ugtt serait essentielle. Une «feuille» à tirer au propre En réponse à cette quête, Houcine Abassi s'est montré engagé et assidu dans les efforts visant à construire le futur gouvernement, mais il reconnaît, toutefois, que la méthodologie suivie lors des réunions groupant les parties prenantes à ce projet, reste éparse et nécessite plus de construction et à synchronisation. Afin que le contenu des débats puisse être concrètement traduit en lignes de force bien claires pouvant permettre de concevoir le futur gouvernement. Et son programme ! Le secrétaire général de l'Ugtt estime que la «feuille de route de Carthage» comporte «trop de détails» et invite à être tirée au propre, ce qui devrait exiger, à son sens, que la date butoir du 29 juin 2016 soit revue. En revanche, Abassi promet que la feuille de route de l'Ugtt sera prête d'ici dimanche ou lundi, avec toutes ses propositions. Attendons voir ! Car le projet présidentiel ne saurait se passer des enrichissements et critiques de toutes les parties associées au compromis de gouvernement qui se dessine. Celles de l'Ugtt comme celles de l'Utica ou encore les vues de tous les partis et personnalités acquis au projet présidentiel de sauvetage du pays.