Se succèdent les affaires de corruption ou même de débauche et prolifèrent sur les réseaux sociaux et sur les médias. Les présumés coupables accusent le coup comme ils peuvent. La justice assiste en spectatrice à un show qui commence à exaspérer même les plus férus de scandales Il est des événements se produisant généralement en concomitance avec d'autres, une concomitance qu'on ne sait pas programmée d'avance ou de pur hasard et ces événements suscitent des questions quant à leurs auteurs, aux objectifs qu'ils visent et surtout quant à leur timing. Avec la rentrée politique 2016-2017 qui ne constitue pas, à vrai dire, une rentrée selon les anciens paramètres, dans la mesure où nos politiciens n'ont pas connu de vacances durant les mois de juillet et d'août derniers (consultations en vue de la formation du gouvernement Youssef Chahed, préparatifs du prochain congrès de l'Ugtt, etc.), ont surgi ces derniers jours deux affaires qu'on pourrait définir comme les deux affaires de la saison. Et leur dimension est certaine quoi qu'en disent ceux qui cherchent à en minimiser les conséquences ou à les considérer comme des faits qui se produisent régulièrement dans les pays démocratiques et n'ont généralement aucun impact sur la vie politique dans ces mêmes pays. Il s'agit, en effet, des affaires Sofiène Toubal et Sabrine Goubantini, tous deux députés au Parlement élus sur les listes de Nida Tounès. Soufiène Toubal est accusé d'avoir reçu un pot-de-vin de 10.000 dinars de la part d'un général de police à la retraite en contrepartie de son intervention pour que sa fille soit recrutée en tant que magistrate. L'avocat du général affirme détenir des preuves avérées qui confirment la compromission du député nidaïste. Ce dernier crie au complot ourdi par certains nidaïstes «que je connais bien. Ils sont manipulés par certains responsables nidaïstes n'acceptant pas qu'il y ait au sein du parti des voix libres qui s'opposent aux dépassements et disent non aux dérives». Quant à Sabrine Goubantini, on l'accuse tout simplement d'adultère dans la piscine d'un hôtel à Djerba. Heureusement, les caméras de surveillance de l'hôtel ont montré qu'il n'en est rien. Sauf qu'avant que la députée ne soit innocentée, l'affaire a pris des proportions très graves qui affecteront et la vie privée de la députée et son rendement au sein du Parlement et son propre parti. La démocratie a aussi ses coûts Et se pose la question inévitable : a-t-on le droit d'étaler sur les médias et les réseaux sociaux la vie privée de nos politiciens ? Les journalistes d'investigation sont-ils autorisés à guetter nos politiciens et à révéler leurs secrets ou leurs incartades éventuelles, comme le font les paparazzi avec Britney Spears, Pamela Anderson ou Nabila ? Les avis sont partagés. Les politiciens, les premiers ciblés, avancent l'argumentation traditionnelle : «Ces révélations souvent fausses ou montées cherchent en réalité à ternir l'image des personnes visées, à les faire taire et à faire perdre toute crédibilité aux partis auxquels elles appartiennent. Généralement, ces affaires font boule de neige sur les journaux et on s'aperçoit, à la fin, que ce sont de fausses rumeurs. Malheureusement, il en reste un impact qui affecte sérieusement la réputation de la personne en question et la position de son parti. Et quand ces affaires éclatent dans une période préélectorale (les municipales prévues pour début 2017), on comprend les objectifs réels des faiseurs de ces affaires». Quant aux observateurs et aux citoyens, suivant ce qui se passe au sein du paysage politique et aussi civil, ils opposent un autre son de cloche: «La démocratie a ses coûts et l'un de ces coûts est qu'un homme ou une femme politique n'ont pas de vie privée. Tout ce qu'ils font et tout ce qu'ils disent même dans des cercles privés intéressent leurs électeurs et aussi les citoyens qui n'ont jamais voté. Ainsi, en décidant de faire de la politique, ils doivent savoir qu'ils ont accepté leur mise sous les feux de la rampe quotidiennement et qu'ils doivent assumer les conséquences de leurs actes. Dans les pays démocratiques, les hommes politiques et les acteurs de la société civile donnent leur démission le jour même ou éclate une affaire de corruption, de fraude ou de mœurs les concernant et laissent à la justice la mission de les en laver au cas où ils sont accusés injustement ou celle de leur infliger la sanction qu'ils méritent. Il se trouve que beaucoup de politiciens ou d'hommes d'affaires reviennent à la vie politique après avoir purgé leurs peines. L'exemple le plus frappant nous vient du Japon ou plusieurs Premiers ministres ont fait de la prison puis ils ont retrouvé leurs postes». Malheureusement, en Tunisie, les pratiques politiques ne semblent pas en phase avec les règles de la démocratie et de la transparence. Ces mêmes règles — faut-il le signifier à notre nouvelle élite — autorisent à ceux qui ont fauté de payer pour leurs erreurs et de reprendre leur vie politique. Et quand on voit les réactions de nos politiciens accusés de corruption, on découvre qu'il existe encore des années lumières entre la vie démocratique en Europe ou aux USA et celle que nous vivons quotidiennement. Ainsi, Sofiène Toubal, accusé d'avoir touché 10 mille dinars en tant que pot-de-vin se contente de crier «à un coup monté par des nidaïstes qui n'acceptent pas que je perce au sein du parti», menace de saisir la justice et part accomplir le pèlerinage parmi la délégation officielle aux frais de l'Etat. Quant à Hatem Euchi, ancien ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières et ex-secrétaire général de l'Union patriotique libre (UPL), accusé par un député membre de son propre parti d'avoir trempé louchement dans l'affaire Slim Chiboub, il n'a trouvé mieux que de démissionner de son poste à la tête de l'UPL et non pour ester justice (demandant qu'elle lui rende son honneur), mais bien «en signe de refus de la démarche suivie par Slim Riahi, président de l'ULP, lors des négociations avec Youssef Chahed en vue de la formation du gouvernement d'Union nationale.