Youssef Chahed a beau être soutenu par neuf partis politiques et trois organisations professionnelles, signataires du Pacte de Carthage ayant enfanté le gouvernement d'union nationale; il se trouve, malheureusement, seul face aux crises. Ses soutiens ont d'autres priorités Dans les moments de transition, quand la situation impose un gouvernement d'union nationale représentant la majorité la plus large possible des partis politiques de l'opposition ou ayant gagné les élections ainsi que les organisations professionnelles les plus influentes, il est de tradition que le gouvernement en question bénéficie du soutien effectif et de terrain des composantes qui l'ont enfanté. Qu'en est-il en Tunisie où le gouvernement Youssef Chahed est le produit d'une coalition de neuf partis politiques, dont en premier lieu les deux formations politiques les plus présentes sur la scène politique nationale, à savoir Nida Tounès et Ennahdha, classés respectivement premier et deuxième lors des élections législatives du 26 octobre 2014 ? Le gouvernement actuel est également le produit des trois organisations professionnelles les plus représentatives opérant dans le domaine syndical : l'Ugtt, l'organisation des travailleurs, l'Utica, celle des opérateurs et chefs d'entreprise, et enfin l'Utap, qui renferme dans ses rangs tous les agriculteurs du pays (l'adhésion à l'Utap est obligatoire pour tout citoyen désirant exercer une activité agricole). Autrement dit, qu'est-ce que Ennahdha, Nida Tounès, l'Ugtt, l'Utica ou l'Utap, à titre d'exemples, ont-ils fait depuis la formation du gouvernement Youssef Chahed et son entrée en fonction pour matérialiser leur soutien sur le terrain du même gouvernement et se ranger de son côté lors de son dernier combat pour sauver la société Petrofac de la fermeture définitive à Kerkennah ? Une autre question : comment ces partis et organisations se sont-ils comportés quand les sit-inneurs empêchaient les responsables de l'Etat d'entrer dans l'île et y faisaient la loi et comment vont-ils agir face à l'ultimatum lancé, vendredi dernier, par l'Union régionale du travail à Sidi Bouzid, donnant à Youssef Chahed jusqu'au 5 octobre prochain (voir La Presse du dimanche 25 septembre) pour qu'il mette en œuvre un programme immédiat de développement intégral de la région? En cas de non-satisfaction de leurs revendications (dont le licenciement en urgence du gouverneur de la région), les syndicalistes menacent de former «un comité de gestion de la crise et se réservent le droit de décider du sort du gouvernorat». Ces deux questions s'imposent et exigent des réponses urgentes et si on les pose aujourd'hui, c'est bien parce que, malheureusement, on a constaté que le gouvernement Chahed s'est trouvé seul à affronter la crise Petrofac et y trouver la solution qu'il faut en présence des partis et des organisations de la coalition qui se comportaient en spectateurs passifs, voire en agitateurs actifs poussant les contestataires à durcir leurs positions dans le but de réaliser leurs revendications même les plus fantaisistes. Quand on cède la rue aux agitateurs Et les observateurs de se demander : «Où étaient les représentants d'Ennahdha, de Nida Tounès, et aussi de l'Ugtt quand la rue, sous l'emprise des agitateurs et que l'usine Petrofac, était encerclée par les sit-inneurs dont une grande partie percevaient leurs salaires auprès de la même société des mois durant ? Où étaient les meetings populaires, les cercles de discussions avec les habitants de l'île et les rencontres de sensibilisation que les partis politiques devaient organiser pour que les citoyens de la région soient informés des réalités de la situation. La réponse est toute simple : la région et ses habitants ont été livrés à eux-mêmes et pas un seul parti, qu'il soit de l'opposition ou au pouvoir, n'a osé envoyer l'un de ses responsables sur le terrain dans le but d'écouter les Kerkenniens, de s'informer de ce qui s'y passe réellement et de dire ce que son parti propose afin de résoudre la crise avec le minimum de dégâts». Et les mêmes observateurs ajoutent : «Il ne faut pas demander à nos partis de donner ce qu'ils ne peuvent donner. Quand Nida Tounès ne parvient pas à assagir ses députés incontrôlés et incontrônables et échoue à choisir un responsable qui parle en son nom, il n'a rien à dire aux Kerkenniens. Idem pour Ennahdha qui n'arrive pas encore à régler les différends et les désaccords nés de son dernier congrès et il est normal que les dirigeants nahdhaouis consacrent le maximum de leurs énergies pour empêcher le nouveau secrétaire général de leur parti Ziad Laâdhari de présider un meeting ou une rencontre avec les citoyens de l'île pour leur exposer les positions d'Ennahdha ou ses propositions de solution si jamais le parti en dispose. Quant au Front populaire, même ses adhérents ou sympathisants n'en attendent plus rien et ses grands barons ont préféré faire la fête à Mongi Rahoui, le rebelle qui ose rencontrer Youssef Chahed plutôt que d'impliquer ses députés de la région dans l'effort d'imaginer une issue honorable à la crise. Et l'Ugtt ? Elle s'est contentée du rôle du spectateur passif en criant quotidiennement que ses syndiqués n'ont rien à avoir avec les agitateurs et qu'ils attendent que la solution soit trouvée par le gouvernement, oubliant que dans les pays ancrés dans les traditions démocratiques, les travailleurs ont le devoir impérieux de protéger leurs entreprises et de faire front contre ceux qui cherchent à les détruire, mais qui peut de nos jours rappeler à nos syndicalistes ce qu'ils doivent faire». Et ces foyers de tension dormantes ? Aujourd'hui que Youssef Chahed est parvenu à éteindre «par le dialogue et rien que le dialogue» le foyer de tension Petrofac, l'on se demande si nos partis et nos organisations syndicales, patronales ou ouvrières ont, enfin, compris qu'ils ont un rôle à jouer afin d'anticiper sur les foyers de tension dormantes qui menacent d'éclater à tout moment. Il est malheureux de constater que l'Ugtt n'a pas réagi jusqu'ici, à travers son bureau exécutif, au communiqué-menace publié vendredi dernier par l'Union régionale de Sidi Bouzid comme si les syndicalistes bouzidiens avaient reçu l'aval de la place Mohamed-Ali. Pire encore, et au moment où l'on se félicite du retour des ouvriers de Petrofac à leur usine, voilà le parti de l'Union populaire républicaine dirigé par Lotfi Mraïhi qui jette encore l'huile sur le feu et publie un communiqué dans lequel il assure: «L'UPR continuera à considérer l'activité de Pétrofac comme illicite et en violation des intérêts et de la souveraine nationale».