En résidence à Mad'art, la compagnie Imed Jemaa donne un rendez-vous mensuel aux amateurs de danse contemporaine. Avec ses jeunes disciples, Imed Jemaa nous a proposé quatre pièces qu'il a encadrées et chorégraphiées: «Corps à corps», «Femmes parmi d'autres», «Danse, Bluetooth et séquence vidéo» et enfin «Hang». Ses créations nous ont laissés consternés, au vu de la démarche et du discours. «Femmes parmi d'autres» et «Danse, Bluetooth et séquence vidéo» se veulent des pièces à thèmes, des œuvres qui dénoncent et revendiquent. La situation de la femme, le regard de l'autre, l'utilisation à outrance des outils de la téléphonie mobile, etc., tant de phénomènes sociaux qui sont devenus lourds pour des pièces interprétées par de jeunes amateurs dont le langage corporel et l'interprétation sont encore en devenir. Faire des pièces de danse contemporaine pour aborder des problèmes de société ou mettre en place un discours revendicatif est une proposition risquée, qui a du mal à prendre forme. Surtout pour des jeunes qui commencent à peine à pratiquer ce métier et qui se retrouvent, dressant devant nos yeux des pancartes et des banderoles qui réclament une place au soleil pour les danseurs. Il était vraiment déplacé de nous crier leur amour et leur passion pour la danse : on aurait préféré voir cela dans ce qu'ils font. La passion existe certes chez ces jeunes, mais à les voir investir un discours rébarbatif qui est davantage celui de leurs aînés, on ne peut avoir qu'un pincement au cœur. Il va sans dire que la question de la danse contemporaine sous nos cieux reste encore incomprise et que le malentendu persiste entre ceux qui la font et ceux qui la «consomment». Même si, au fil de tant d'années de travail de plus d'une personne et, surtout, tant d'efforts fournis par des artistes qui ont tenu bon pour que la danse existe chez nous, on est arrivé tant bien que mal à créer un public curieux et sensible à une forme artistique peu conventionnelle. Ce public a compris ce qu'est la danse contemporaine, une expression artistique qui se veut tournée vers l'émotionnel plutôt que vers le cérébral. Une forme qui trouve sa raison d'être dans les sensations qu'elle procure plutôt que dans le discours qui en découle. On croyait cette vision claire et définie, et qu'on pouvait donc partir à la rencontre de sensations «fortes», d'un choc émotionnel à chaque fois qu'on irait assister à un spectacle de danse. Et on se préparait à cette expérience, pas toujours évidente, qui consiste à se laisser emporter par les sens et à mettre en veilleuse notre cerveau, toujours occupé à vouloir trouver une signification et un discours...