ABIDJAN (Reuters) — Les partisans d'Alassane Ouattara ont jugé hier inévitable un rapide recours international à la force pour chasser de la présidence ivoirienne le chef de l'Etat sortant Laurent Gbagbo, qui refuse de céder le pouvoir après le second tour de l'élection présidentielle le 28 novembre. "Il y a une seule solution, c'est la force. Il faut une force de dissuasion massive", a déclaré le porte-parole du gouvernement Ouattara, Méité Sindou, à l'hôtel du Golf d'Abidjan où le nouveau président désigné par la commission électorale et reconnu par la communauté internationale est retranché, protégé par des Casques bleus des Nations unies. Trois chefs d'Etat membres de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), les présidents du Cap-Vert Pedro Pires, de la Sierra Leone Ernest Koroma et du Bénin Boni Yayi, qui avaient déjà tenté une médiation mardi dernier, seront de retour demain dans la capitale économique ivoirienne. Faute de convaincre Laurent Gbagbo de se retirer, la Cedeao n'a pas exclu un "recours légitime" à la force. "Après-demain, c'est le dernier round de médiation (...) Après ça, les forces de la Cedeao doivent venir", a affirmé Méité Sindou. "Gbagbo pense qu'après deux mois, trois mois, il peut survivre et rester au pouvoir (...) et trouver ainsi une légitimité (...) Il a raison, ce serait plus difficile" alors de le chasser, a ajouté le porte-parole d'Alassane Ouattara. Pour lui, une force de deux mille à trois mille hommes suffirait à chasser Laurent Gbagbo. "Une bonne logistique et une vraie détermination. A partir de là, il va partir", a-t-il dit. Depuis une fusillade entre partisans et adversaires de Gbagbo le 16 décembre, les accès à l'hôtel du Golf, au bord de la lagune Ebrié, sont bloqués par l'armée ivoirienne fidèle à Laurent Gbagbo. Seuls les hélicoptères de l'Onuci, la mission des Nations unies, et les camions de ravitaillement peuvent y accéder. Vendredi, Laurent Gbagbo a accusé les grandes puissances de mener "une tentative de coup d'Etat" en soutenant son rival et a redit qu'il n'était pas question pour lui de "céder". "Il s'agit d'une tentative de coup d'Etat, menée sous la bannière de la communauté internationale", a déclaré le président sortant lors de ses vœux à la nation diffusés à la Radio-Télévision ivoirienne (RTI). Interrogé sur la chaîne Euronews, il avait auparavant cherché à expliquer son refus de s'en aller: "Même si, tout de suite, je dis: 'je quitte le pouvoir', qui donne la garantie que ça, ça va amener la paix et ça ne va pas amener des violences plus grandes que celles qu'on redoute ?" Peu auparavant, un haut responsable de l'Onu avait prévenu le président sortant et ses partisans qu'ils risquaient d'avoir à rendre compte devant la justice de toute atteinte aux droits de l'Homme. Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay a écrit à Gbagbo et à d'autres responsables ivoiriens pour leur signifier qu'ils seraient tenus pour responsables de toute atrocité. "Les chefs d'Etat et autres acteurs ne sont plus assurés de pouvoir impunément commettre des violations atroces des droits de l'Homme" depuis que la communauté internationale s'est dotée, avec la Cour pénale internationale (CPI), d'un "instrument pour qu'ils rendent des comptes", a-t-elle dit, faisant état de la découverte d'au moins deux charniers. La veille, le siège new-yorkais des Nations unies avait diffusé un communiqué faisant état de la vive inquiétude de conseillers du secrétaire général Ban Ki-moon quant aux risques de violences ethniques en Côte d'Ivoire. Charles Blé Goudé, chef des «Jeunes Patriotes» proches de Laurent Gbagbo, a menacé de lancer dans la journée de samedi ses troupes, "à mains nues" le cas échéant, à l'assaut de l'hôtel du Golf mais Ban Ki-moon a prévenu que cela pourrait provoquer une "violence généralisée". Le dirigeant des Nations unies a rappelé que l'Onuci avait mandat pour "faire usage de tous les moyens nécessaires" pour protéger ses troupes et les occupants de l'hôtel.