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M.Abdessatar Klai, ingénieur conseil, résident en France : L'exclusion, contraire aux principes de la Déclaration universelle des droits de l'Homme Transition Démocratique - 3 questions à :
Comment évaluez-vous la décision de l'Instance d'opter pour le mode de scrutin de liste à la proportionnelle avec les plus forts restes ? Concernant le mode de scrutin, l'article 32 du décret-loi qui a été adopté par la majorité des membres de l'Instance, stipule que le vote se fera sur les listes en un seul tour et la répartition des sièges se fera au niveau des circonscriptions sur la base de la proportionnelle des listes en tenant compte de la représentation du plus grand nombre de voix restantes attribuées à ces listes. D'emblée, il faut savoir que le choix d'un système électoral n'est jamais neutre. La répartition au plus fort reste implique que dans chaque circonscription, les sièges non pourvus soient attribués à chaque liste selon l'ordre décroissant des suffrages inemployés après la première répartition. Cette méthode avantage les petites formations notamment celles qui n'ont pas réussi à obtenir le quotient électoral mais qui s'en sont approchées et disposent de forts restes. Je dirai donc que ce mode de scrutin est une aubaine pour les petits partis. En effet plus les petits partis (nous avons plus de 50 partis en Tunisie) sont présents, plus la formation de coalition est difficile et plus les programmes des partis politiques sont dénaturés et non respectés dans les tractations entre partis à la recherche de majorité. Les petits partis prennent plus de poids et sont capables de faire avancer des intérêts privés quand les scores sont serrés. La démocratie et la volonté populaire sont remplacées par la particratie et la volonté boutiquière des partis Quelle est votre réaction vis-à-vis de la mesure portant sur l'inéligibilité des personnes ayant assumé des responsabilités au sein du RCD durant les 23 dernières années ? A l'idolâtrie aux deux anciens régimes tunisiens qui ont gouverné notre pays depuis l'indépendance, succède, de nos jours, et au détriment fâcheux d'une unité nationale fragile et en mauvais état, une intolérance féroce. Cette démarche d'exclusion est de mauvais augure pour l'avenir de la Tunisie. Ce comité composé de personnes simplement désignées et non élues dépourvues de toute légitimité politique s'érige en « tribunal » et décide qui peut être candidat ou non. Seule une condamnation par une justice indépendante du pouvoir politique des anciens membres du RCD pourrait inclure une sanction telle que l'inéligibilité. Attenter à un droit civique tel que celui de présenter sa candidature à une élection est une dérive anti-démocratique dont les instigateurs devront porter la responsabilité. Cette décision n'aiderait pas à l'édification de la Tunisie moderne, libre, démocratique et plurielle prônée par la révolution citoyenne du 14 janvier. Cette loi viole deux articles de la Déclaration universelle des droits de l'Homme à savoir les articles 1 et 21. L'article 1er dispose que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et droits ». L'article 21 précise « Toute personne en tant que membre de la société a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays directement soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis ». Les droits de l'Homme sont indivisibles et sont les fondements de la démocratie. Il faut tirer les leçons de l'histoire. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté, cette célèbre citation de Saint-Just revient en pleine actualité aujourd'hui et à cette étape cruciale de notre révolution. Je rappelle que pendant la Révolution française au nom de la liberté, de la République, on a massacré et guillotiné des milliers de personnes. C'est une période noire de l'Histoire de la France que nous devons éviter en Tunisie. Qu'on laisse la liberté à tous les citoyens honnêtes propres et non condamnés par la justice d'être candidats, car en voulant agir de la sorte, les démocrates rentrent dans un jeu dangereux et passent eux-mêmes pour des ennemis de la liberté. C'est justement le problème de cette phrase de Saint-Just, on ne peut défendre la liberté en la refusant à certains. Quel regard portez-vous sur la parité hommes/ femmes dans les listes de candidatures à la prochaine Constituante ? Les Tunisiennes ont joué «un rôle-clé dans la révolution». Nous saluons la décision de l'instance qui a opté pour un scrutin respectant la parité hommes-femmes. Cet article prévoit l'obligation de faire figurer un nombre égal d'hommes et de femmes sur les listes et de les faire alterner pour que les femmes soient en position éligible. Cette décision démontre que la Tunisie entend assurer la pleine participation des femmes à la vie politique et à son développement. La France de 1979 a attendu juin 2000 pour voter une loi de parité. La Tunisie ne doit pas suivre ce mauvais exemple et anticiper de plus en plus l'implication citoyenne de ses femmes qui représentent plus de la moitié de sa population. La parité constitue donc un mouvement de fond favorable aux femmes en tant qu'individus, mais aussi une source profonde de modification de la place des femmes dans la société. Cette représentation égalitaire des femmes dans les institutions va de pair avec la démocratie. Pour l'avenir, les partis politiques ont un rôle vital et essentiel à jouer en intégrant cette dimension civilisationelle à leur projet respectif et en pratiquant la parité à l'ensemble des élections futures. La femme tunisienne est un cas exceptionnel dans le monde Arabe. Son émancipation a toujours été en avance par rapport à celle des autres femmes dans les autres pays arabes. Le seul point d'ombre est la vraie place que la femme tunisienne occupe dans le champ politique et décisionnel. Voyez aujourd'hui la composition de ce gouvernement de transition et vous aurez la réponse. Espérons que l'ensemble des prochains exécutifs élus où les décisions sont prises seront paritaires. Il est de la responsabilité de la femme tunisienne d'engager ce nouveau combat pour l'égalité des droits et des devoirs étendue à l'ensemble des femmes de notre pays. La dimension internationale du combat conduit sans doute la Tunisie à "montrer l'exemple" aux autres femmes arabes opprimées et discriminées. La femme est l'avenir de l'homme, écrivait Aragon.