La création de l'Instance indépendante pour les élections (Isie) semble être la pierre angulaire sur laquelle reposera la réussite de la deuxième phase de la transition démocratique. Aux côtés des partis politiques, qu'ils soient représentés à la Constituante ou n'ayant pas remporté de sièges, la société civile, via ses différentes organisations et associations se mobilise pour présenter ses propres projets de la prochaine Isie ou pour exprimer leurs critiques ou apporter leurs rectifications quant au projet soumis par le gouvernement au bureau de l'ANC et dont des copies divergentes ont été publiées par la presse nationale. «Notre objectif est d'avancer des propositions qui visent l'amélioration du contenu du projet du gouvernement dans le sens de faire de la prochaine Isie une instance constitutionnelle permanente qui obéit aux standards internationaux en matière d'indépendance à l'égard des partis politiques, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition, de transparence, de professionnalisme et de compétence de ses membres et d'expérience en matière de gestion et d'organisation des échéances électorales», n'a cessé de marteler, hier, Mohamed Kamel Gharbi, président de la coalition Awfia, en présentant les «propositions de la société civile pour garantir l'indépendance et la transparence de l'Instance supérieure indépendante pour les élections». Un fascicule comportant quelque 45 pages, œuvre de six associations qui se sont liguées pour passer au peigne fin le projet gouvernemental de l'Isie et pour apporter leurs suggestions à propos des articles qu'ils appellent à améliorer en leur substituant leur propre formulation tout en préservant les articles qu'ils considèrent avoir répondu aux attentes du peuple. Dépasser les points de discorde L'ensemble des propositions avancées par les six organisations initiatrices de la rencontre de presse «ne constitue point un projet parallèle à celui de la Constituante. Ces propositions seront soumises à l'ANC pour examen et une éventuelle adoption dans le but de dépasser les points de discorde et de parvenir à des solutions qui consacrent réellement l'indépendance de la prochaine Isie, plus particulièrement à l'échelle de l'élection, par l'ANC, de tous ses membres, y compris son président, et de la création — comme le stipule le projet gouvernemental — d'une commission administrative chargée du suivi et de la coordination entre les administrations publiques et l'Isie, et ce, lors des élections ou des référendums». Et comme on s'y attendait, ce sont l'article 5 relatif à la constitution du Conseil de l'Instance et à l'élection de ses 9 membres (un président et 8 membres) et l'article 21, prévoyant la mise en place, au niveau de la présidence, d'une commission administrative de suivi et de coordination qui ont dominé le débat engagé entre les journalistes et les auteurs des propositions soumises par les associations représentant la société civile. Ces derniers ne vont pas par quatre chemins et avancent, volet choix des membres et du président de l'Instance, que ceux-ci doivent être élus parmi les candidats qui se présenteront librement et dont les candidatures obéiront à une grille de sélection sur la base de critères définis à l'avance. Aussi, les membres de la future Instance des élections seront-ils élus et non choisis par l'ANC. Quant à l'article 21, il est proposé d'annuler la création du Comité administratif de suivi et de coordination qui sera placé sous les ordres de la présidence du gouvernement. Les représentants de la société civile considèrent que les relations entre l'Isie et le gouvernement ne doivent pas passer par une structure intermédiaire «dont personne ne connaît la composition ou les attributions et qui pourrait entraver l'action de l'Isie». Pour éviter que l'Isie se retrouve à la merci de ce comité administratif, ils pensent que le dernier paragraphe de l'article 21 est à reformuler comme suit : «Les services relevant de la présidence du gouvernement œuvrent à l'occasion des élections ou des référendums à faciliter la coopération de toutes les administrations publiques avec l'Instance supérieure indépendante pour les élections». Les organisations de la société civile se sont-elles désistées du rôle qui leur incombe pour la création d'une instance pour des élections réellement indépendantes en se contentant de critiquer ou de rectifier le projet gouvernemental ? A ce reproche exprimé par l'un des journalistes, estimant que la société civile a lancé la balle dans le camp de l'Assemblée constituante préférant jouer le rôle du contrôleur des travaux finis, les organisateurs répliquent en soulignant: «Non, la société civile n'a pas abandonné la mission dont elle est investie. Nous avons avancé des propositions réalistes et pratiques. Nous avons appelé à la création de mécanismes qui assureront la transparence pour ce qui est des élections du président et des membres de l'Isie. Le texte gouvernemental a connu plusieurs changements (4 au total) grâce précisément à la pression exercée par nos associations. Nous n'avons pas quitté le terrain au profit du gouvernement qui fait tout pour que les représentants de la société civile se lassent et abandonnent la partie. Nous continuerons à dénoncer les points négatifs et à faire part de nos suggestions. Toutefois, il faut qu'on se rende à l'évidence puisque dans tous les cas, et en définitive, la création de l'Instance des élections sera l'œuvre de la Constituante».