Le taureau qui tire la charrue est puissant. Excité par le chant et la couleur rouge, il entre en transe festive, sans intention de mise à mort ! Les dessins au fusain sur papier sont bien témoins du personnage nocturne, fêtard, convivial et chaleureux; en contradiction avec le personnage diurne, responsable, efficace et entreprenant. L'exposition Images à outrance de Mourad Harbaoui, au Centre national d'art vivant de Tunis, qui se poursuit jusqu'au 30 de ce mois, est à voir car elle en fait voir de toutes les couleurs ! En effet, cet artiste peint en musique et en poésie. Il se défoule sur la toile qui vole en éclats par des gestes et des couleurs partant dans tous les sens pour donner, à la fin, un sens à son œuvre. Cette façon de peindre, dynamique, agitée, généreuse en matière, en couleurs et en formes, lui procure certainement une sensation de planer; sans avoir la tête en l'air, ni la grosse tête, mais avec de la tête et de l'esprit ! La multiplication de ses portraits, de face et de profil, suppose un côté narcissique refoulé, et ce, par un grand cœur et une responsabilité sociale totalement assumée. Ainsi, Mourad Harbaoui s'engage dans la «manif» d'un peuple qui veut et revendique la dignité et la liberté, pousse un cri d'alarme chargé de larmes, de douleur et de sang, dans l'affaire de Siliana . Les tirs de plombs aveuglants dans «rach I», «rach II» , «rach III» ont détaché les cervelles des corps en passoires qui ont failli renoncer à la terre mère. Etant originaire de la région, l'artiste imbibe lourdement cette œuvre d'émotions. C'est la chape de plomb ! Il décide d'outrepasser les trous noirs par un jeu «d'aération de l'esprit» et d'évacuation des idées noires par une toile belle et élégante dans son habit noir ! Il accentue son côté sociable, observateur, attaché aux us et coutumes, par la «foule» en mouvement, les «silhouettes» en chuchotement, «la sieste» sacrée en Méditerranée, et «la voilette» de nos grand-mères jetée aux oubliettes par un peuple amnésique à visages sans traits ! Le corps de la femme dénudée et dans diverses positions pourrait paraître vulgaire et à la limite pornographique, mais la picturalité suggestive de Mourad ne garde que l'érotique, le romantique et le fusionnel. Deux tapisseries éclatantes, qui sont des reproductions de deux toiles de l'artiste, tissées par la manufacture Robert Four, attirent bien la curiosité du visiteur. Mais il n'empêche que le choix reste traditionaliste, folkloriste, vantant la splendeur orientale dans un but commercial et nullement représentatif du style et du talent de Mourad Harbaoui dans ses abstractions expressionnistes ! Expressions de l'amour, de la fuite en avant, de la douleur, de la couleur de la vie, du mouvement, du dévouement, de la nature morte, de l'ambiance, de la convivialité, du corps et du visage, surtout le sien, toujours gai, amusé, amusant, intéressé, intéressant, masqué, coloré ou savonné, mais qui ne passe jamais inaperçu ! Déterminé, il balise, sillonne son terrain et réussit à y cultiver ses fruits. Le taureau qui tire la charrue est puissant. Excité par le chant et la couleur rouge, il entre en transe festive, sans intention de mise à mort ! Les dessins au fusain sur papier sont bien témoins du personnage nocturne, fêtard, convivial et chaleureux; en contradiction avec le personnage diurne, responsable, efficace et entreprenant. Mourad Harbaoui est libre comme l'art, sans artifices. Le feu aux tripes, il décolle comme une fusée, vole comme un oiseau, nage comme un poisson dans les eaux profondes vert espoir, bleu turquoise, traversées par des rayons jaune soleil et rouge flamme de la création !