Nous avons donné la parole à deux hommes d'expérience relevant de l'armée et des forces de l'ordre. Ils développent pour nous une analyse très critique de la situation sécuritaire et de la stratégie adoptée jusque-là. Chokri Hamada, porte-parole du syndicat des forces e l'ordre :«Des responsables nommés au cœur même du cabinet du ministre de l'Intérieur sont connus pour leur loyauté à un parti politique» Comme nous n'avons pas cessé de le répéter, il y a des personnes nommées à la tête de certaines directions du ministère de l'Intérieur qui sont connues pour leur allégeance partisane et non pour leur compétence. Or, une institution sécuritaire, pour être républicaine et efficace, doit être régie par des personnes hautement compétentes, non politisées, neutres qui placent les intérêts de la nation au-dessus de tout. Maintenant quand on parle de l'installation d'un appareil sécuritaire parallèle, il faut donner des preuves tangibles, ce n'est pas ce que nous avons dit. N'empêche qu'il faut savoir que l'administration actuelle qui est à la tête des directions importantes a été nommée par Ali Laârayedh, quand il était ministre de l'Intérieur. Lui est parti, mais le plateau administratif est resté le même. Seul le ministre a changé. Nous tenons à dire que des responsables qui sont nommés au cœur même du cabinet du ministre de l'Intérieur sont connus pour leur loyauté à un parti politique. Ceux-là doivent partir. Maintenant, il faut une restructuration totale à la tête de l'appareil sécuritaire, et surtout la remise sur pied de la direction centrale des renseignements généraux ou de la sûreté de l'Etat, on peut l'appeler comme on veut. Mais on ne peut continuer de naviguer à vue. C'est une erreur que de l'avoir supprimée. Cette direction est la seule en mesure de prévenir le crime organisé et les groupes armés qui sévissent dans le pays maintenant. Il faut savoir que prévenir dans ce domaine, c'est mieux que guérir. Colonel à la retraite Boubaker Benkraiem, ancien sous-chef d'état-major de l'armée :« Jamais un véhicule ne sort seul. Ils sont toujours deux à se suivre de loin. Si l'un tombe en embuscade, l'autre est en mesure d'intervenir » Il est difficile d'accepter ce qui est arrivé à nos soldats. Est-il concevable de garder une armée pendant trente mois en état d'urgence. L'état d'urgence est une situation exceptionnelle qui ne peut durer que quelques jours, ou quelques semaines. Est-il normal qu'une armée en état d'urgence s'occupe en même temps de l'accueil de 700 à 800 mille réfugiés libyens, de surveiller les frontières du Sud-Est, de faire son travail habituel de défense du territoire, et de garder les magasins et les banques ? Par ailleurs, la sécurité de l'Etat qui a été dissoute après la révolution est une erreur stratégique. Il y a quelques semaines, le chef du gouvernement a annoncé devant l'assemblée son rétablissement. Est-ce que c'est fait sur le papier seulement ? On ne peut pas recruter de nouveaux agents pour faire ce travail. Il faudrait qu'il rappelle ceux qui ont été mis à la retraite après la révolution. Parmi les officiers et les sous-officiers, il y a des gens sérieux, honnêtes et compétents qui aiment leur pays, qui sont jeunes et qui peuvent encore donner. On ne forme pas un spécialiste des renseignements en un jour ni en une année. Par ailleurs, l'armée n'a pas assez d'effectifs, et n'est pas suffisamment équipée. Je dois dire que la Tunisie a toujours obtenu satisfaction dans ses demandes à l'Occident en appareils sophistiqués et armements. Peut-on demander à l'Amérique maintenant de nous vendre un ou deux drones pour surveiller nos frontières et le mont Chambi, après ce qui s'est passé à l'ambassade ? Par ailleurs, il faudra se mettre dans l'ambiance, mais normalement jamais un véhicule ne sort seul. Ils sont toujours deux à se suivre de loin. Si l'un tombe en embuscade, l'autre est en mesure d'intervenir et le défendre. Mais je ne sais pas comment les choses se passent maintenant. Je dois enfin ajouter que la population est un élément clé de lutte contre le terrorisme. Les terroristes qui sont revenus sur le terrain ont certainement bénéficié de soutien logistique. Il faudra impliquer les citoyens, c'est capital.