Il y a quelques jours, le journal israélien de gauche, Haaretz, publiait, assez courageusement, une interview de Monseigneur Desmond Tutu, l'archevêque anglican noir qui fut le compagnon de lutte de Nelson Mandela. Nous disons « courageusement » parce que l'article en question comportait un appel assez explicite à prendre part à une campagne de boycott des compagnies qui, par leurs activités, perpétuaient à la fois l'occupation israélienne et les conditions de la guerre en Palestine. Autrement dit, les compagnies dont les intérêts sont liés, d'une façon plus ou moins directe, à la politique du gouvernement israélien. Dans cet article, l'homme de religion donnait le ton en ces termes : « Les semaines passées ont donné lieu à une action sans précédent de la part des membres de la société civile, à travers le monde, contre l'injustice de la réponse disproportionnellement brutale à l'envoi de roquettes à partir de la Palestine... ». Il ajoutait plus loin qu'un tel niveau de mobilisation de l'opinion internationale ne s'était pas vu depuis celle qui avait pris pour cible le régime de l'Apartheid dans son pays. Au-delà de cet épisode éditorial, très significatif, il faut noter qu'Israël est en train de perdre une bataille décisive. Son réseau de soutiens en Occident est mis à rude épreuve et l'on a l'impression même que l'on en est réduit à des actions de désespoir pour garder la sympathie des masses. Comme cette réquisition de certaines stars hollywoodiennes, prenant la parole pour venir au secours de Netanyahou. J'ai nommé Arnold Schwarzenegger et Sylvester Stallone : deux figures du cinéma qui ont plus brillé par la force de leurs biceps que par celle de leurs neurones... Il faut dire que les intellectuels amis d'Israël sont plutôt passés en mode « veilleuse » ces derniers temps et que les rares qui se sont aventurés sur la scène médiatique, ou qu'ils se sont pris une bonne raclée, ou qu'ils ont desservi la cause qu'ils étaient censés défendre ou, plus souvent encore, les deux à la fois ! Mais se réjouir d'une telle victoire est risqué et peut passer pour une action cynique. On ne marchande pas avec le sang des victimes qui tombent sous les bombes pour faire avancer ses pions. Et si le Hamas, comme les Israéliens le lui reprochent d'ailleurs, cédait à pareille tentation, s'il adoptait cette tactique macabre, alors on n'aurait d'autre choix que de s'en démarquer et même de dénoncer... Rien, jamais, ne justifie que l'on fasse couler le sang des innocents. Aujourd'hui, et au bout de plus de 50 jours de conflit, il semblerait bien qu'on soit arrivé à un cessez-le-feu entre Palestiniens et Israéliens. Et contrairement à ce que souhaitait le gouvernement juif, malgré les souffrances et les destructions, malgré les blessés et les morts, les Palestiniens ne sont pas à genou. Ils ont même arraché à Netanyahou une levée du blocus sur Gaza : rien de moins ! Mais le Hamas devrait se garder de s'accaparer les lauriers de cette issue et la gloire de la « résistance ». Pas seulement d'ailleurs parce que le sang qui a coulé est encore frais, mais aussi parce que cette victoire, qui est essentiellement diplomatique, beaucoup de monde y a contribué : le Fatah et, plus largement, les Palestiniens dans leur ensemble, toutes tendances confondues... Ainsi que «les membres de la société civile, à travers le monde », comme le souligne Desmond Tutu.