Très attendue depuis que ses quinze membres avaient prêté serment à Carthage, en juin dernier, l'Instance vérité et dignité (IVD) prendra effectivement ses fonctions d'ici le 1er décembre prochain, a déclaré sa présidente, Mme Sihem Ben Sedrine, en marge d'une cérémonie de signature du nouveau projet de « soutien à l'opérationnalisation du processus de justice transitionnelle en Tunisie», qui a eu lieu, hier matin, au siège du ministère de tutelle au Bardo. Ses signataires sont partenaires à part entière, à savoir le Pnud, le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme ( Hcdh), l'IVD, l'Instance provisoire de supervision de la justice judiciaire et le ministère concerné. Avec, en particulier, l'appui financier de l'Allemagne et de l'Union européenne, respectivement à hauteur de 2,3 millions de dinars et de 1,8 MD, alors que l'enveloppe globale du projet totalise 9 millions de dinars. Débat controversé et polémiques Ce projet, qui fait suite à celui signé en mai 2012, arrivé à son terme à la fin du mois écoulé, vise également à donner au secteur de la justice, dans toutes ses dimensions, un véritable coup d'accélérateur. Sa mise en branle nécessite une autre vision de réforme stratégique touchant en même temps son infrastructure institutionnelle et pénitentiaire ainsi que sa phase transitionnelle. Une mission multifonctionnelle. « Ce qui est de nature à consolider la confiance des bailleurs de fonds en une telle démarche ayant besoin de leur assistance financière...», souligne le ministre, Hafedh Ben Salah, dans son allocution d'ouverture. Il a indiqué que la mise en œuvre, par le Pnud et le Hcdh, du projet en question intervient au moment où son département déploie tout son potentiel pour relever le défi de la justice transitionnelle. Un mécanisme de découverte de la vérité, de dédommagement des victimes de la torture et de rétablissement de la réconciliation nationale, dont on devrait accorder tout l'intérêt requis. D'où l'importance de la mise en place de l'IVD, conformément aux dispositions de la loi l'organisant promulguée en décembre 2013. Soit une année déjà passée, sans rien voir venir, jusque-là. Sauf qu'un long débat controversé sur ce sujet qui n'a pas fini de susciter de vives polémiques de part et d'autre, dont en première ligne des représentants de la société civile. Ces derniers contestent la composition de ladite instance, sa présidente actuelle, Mme Ben Sedrine, qui a pu résister contre vents et marées. Et pourtant, sa direction a été, ainsi, frappée de plein fouet, notamment par les démissions successives de trois de ses membres dont la plus récente celle de Mme Noura Boursali, survenue lundi dernier. Bien après celles de MM. Khemaies Chammari et Azouz Chaoueli. Sans en dévoiler les raisons, Mme Ben Sedrine s'est contentée de dire que c'est le conseil de l'instance qui décidera de la suite à donner à cette démission. «De toute façon, cela n'affecte nullement le travail de l'instance, compte tenu du quorum requis, soit 13 membres au total », estime-t-elle. Travail de longue haleine Mais, ce démarrage, aussi trébuchant soit-il, aurait-t-il des retombées sur le fonctionnement du processus de la vérité, dans son intégralité? D'autant que cette instance est tenue de revenir au passé lointain, depuis 1955, afin de pouvoir dévoiler toutes les violations graves des droits de l'Homme et les infractions capitales liées à la corruption. C'est là un travail de longue haleine qui mérite d'être accompagné d'action et de réaction de la société civile. C'est pourquoi ledit projet, comme l'a affirmé M. Ben Salah, vient de lui consacrer une partie de la subvention pour le soutenir dans son rôle d'accompagnement de ce processus. L'IVD bénéficie, elle aussi, d'un appui constant, afin de mener sa mission jusqu'au bout. Parallèlement, ajoute le ministre, le secteur de la justice aura son aura, et les tribunaux feront, eux aussi, l'objet de réforme structurelle. Voilà, d'après lui, les trois axes majeurs sur lesquels repose ce projet de soutien à l'opérationnalisation du processus de la justice transitionnelle. L'apport des organismes onusiens consiste à renforcer les capacités matérielles et financières de l'appareil judiciaire pour faciliter la transition démocratique de la Tunisie, dans le sens de donner forme à la justice transitionnelle, s'exprime Mounir Thabet, représentant du Pnud à Tunis. Une chose est sûre : toutes les parties prenantes ont déclaré avoir confiance en l'avenir de ce processus, comme l'indique M. Dimiter Chalev, responsable du Hcdh, bureau de Tunis. En fait, Ben Sedrine a exprimé sa volonté de s'inspirer des expériences passées en la matière, dont notamment celle l'Allemagne qui est partenaire actif dans la mise en œuvre dudit projet.