Technique poétique japonaise, le haiku a de plus en plus d'adeptes en Tunisie. Depuis les pionniers, ce mode d'expression a conquis de jeunes auteurs et constitue un exercice spirituel autant que la saisie poétique d'un instant privilégié... Le haiku est un style poétique japonais qui consiste à écrire des textes brefs en trois lignes et qui se caractérise par une grande capacité à saisir le monde, l'instant et les éléments les plus fugaces. Ces poèmes en trois vers de quelques syllabes ont des origines presque aussi anciennes que la littérature japonaise traditionnelle. Quatre grandes plumes ont donné toute sa notoriété au haiku. Ce sont celles de Bashô, Buson, Issa et Shiki. Ces poètes ont vécu du dix-septième siècle pour le premier d'entre eux au vingtième pour Shiki, l'un des maîtres du genre. Le haiku est défini comme un poème sur un instant privilégié, l'expérience d'une illumination. Un genre nouveau dans les lettres tunisiennes A ce titre, ce genre poétique a une forte teneur mystique et une esthétique des plus dépouillées. Exercice spirituel autant que quête poétique, le haiku a ses adeptes au Japon et aussi dans le monde entier. En Tunisie, ce genre poétique a été introduit dès les années 1970 dans des revues comme "Alif" de Lorand Gaspar ou "La Parenthèse" qui paraissait au lycée Carnot. Plus tard, plusieurs auteurs se sont emparés du haiku qu'ils ont décliné aussi bien en langue française qu'en arabe. Citons en ce sens, Béchir Kahwagi, Salem Labbene et Amel Hamdi Smaoui. Par ailleurs, plusieurs ateliers d'écriture ont pris le haiku comme prétexte pour des initiations à la poésie. Dans son oeuvre, Béchir Kahwagi a publié quatre ouvrages de haikus. Chacun de ces ouvrages couvrait une saison à l'image des auteurs classiques du genre. Du printemps à l'automne, le poète rend ses impressions et essaie de saisir instants fragiles et fulgurances célestes. Dans le même esprit, Salem Labbène a accompli le travail le plus accompli réalisé en Tunisie dans le domaine du haiku. En effet, cet écrivain a publié un haiku par jour durant une année sur les réseaux sociaux et, dans la foulée, recueilli ces textes dans plusieurs ouvrages de grande qualité. Pour sa part, Amel Hamdi Smaoui est la seule à avoir publié des haikus en langue française. Elle l'a fait dans un recueil intitulé "Levant" paru il y a une dizaine d'années aux éditions La Nef. Plusieurs autres auteurs ont travaillé sur le haiku ou bien sur des formes brèves de littérature. Citons à ce titre Khaled Dérouiche dont les poèmes sont quasiment furtifs et prennent leur essor à partir de la pratique du haiku. De nouveaux ouvrages devraient paraître lors de cette rentrée littéraire, mettant en oeuvre les sensibilités tunisiennes face à cette technique initialement japonaise. Un nouvel espace d'interculturalité vivante Il est intéressant de constater cette ouverture grandissante vers une tradition orientale dans notre vie littéraire. En effet, le haiku semble inspirer nos écrivains, tout comme beaucoup d'expressions culturelles japonaises qui vont de l'arrangement floral au théâtre nô en passant par le cinéma nippon et la vogue des mangas. A nous de lire, comprendre et déchiffrer cet attrait pour la culture japonaise dans ses composantes classique et contemporaine. Il s'agit en effet d'un nouveau fait culturel dont l'adoption du haiku et le cinéma de Kurosawa ont été les dignes précurseurs. Avec de nombreux adeptes en Tunisie, le haiku fait ainsi figure de nouveau genre poétique qui offre un espace inédit à l'interculturalité des oeuvres.