Saadia Mosbah, Ghazi Chaouachi, Mondher Zenaidi… Les 5 infos de la journée    Tunisie – VIDEO : Fatma Mseddi : S'il le faut nous retirerons la confiance au gouvernement !    Bourse de Tunis : Le Tunindex en baisse    Les détails de l'arrestation de Saadia Mosbah    Tunisie – Thala : Arrestation d'un individu qui accueillait et hébergeait des subsahariens    Inflation tenace : Réflexions sur les limites institutionnelles et les solutions proposées    Tunisian Open Master (TOM) : 7e édition du tournoi international de natation à Radès et Hammamet    Gaza : Dernier palier avant la liquidation du Hamas validée par Washington, Quid de l'Iran et des Arabes?    Privé de football, quelle est la nouvelle carrière de Paul Pogba ?    L'OCTT : Appel à la conformité de la politique de santé aux normes internationales dans les prisons    Le PDL portera plainte contre le ministre de l'Intérieur et le premier délégué du gouvernorat de Tunis    La Rage : Protocole à suivre pour éviter la contamination    Amélioration de la production de phosphate commercial    Béja: Prix au marché Beb Zenaiez [Vidéo+Photos]    Le ministère de l'Education annonce une session exceptionnelle dédiée à la nomination des directeurs d'écoles    La Cinémathèque Tunisienne propose le cycle "Comédies populaires" du 7 au 15 mai (Programme)    Ariston Thermo ferme ses portes en Tunisie    Immigration clandestine : Priorité de l'assemblée dans une séance plénière    De San Diego à Oxford : les étudiants du monde entier unis contre la guerre à Gaza    Tunisie-Niger : Les deux pays appelés à renforcer leur coopération tournée vers l'avenir    Emigration irrégulière : La Tunisie à la croisée des chemins    Investiture de Vladimir Poutine : Le gouvernement russe démissionne    Caisses de Dépôt tunisienne, française, Italienne, marocaine : Quatre caisses de dépôt créent un cadre permanent de concertation    La Tunisie refuse d'être un point de transit ou un lieu d'installation des migrants    Quand on sème le vent...    Poulina Group Holding double son bénéfice net en un an    L'EST concède la défaite au Bardo : Il n'y a pas le feu quand même !    Le CSS triomphe à Rades face au CA : Le retour des heures de gloire    Les Clubistes s'écroulent devant le CSS à Radès : Quand le CA s'effondre...    Coupure d'eau dans certaines zones à Siliana    Crise migratoire: "La Tunisie ne sera pas un pays de transit", annonce Saïed [Vidéo]    Concert « Bissat Errih » par le Chœur et l'Orchestre du Carthage Symphony Orchestra au Théâtre de la ville de Tunis : Le goût de l'authentique    "Strata of Being" de Sana Chamakh au 32 Bis : La cicatrice...    Les Indiscrétions d'Elyssa    ATCT: Plus de 700 cadres recrutés à l'étranger depuis le début de l'année    Météo : Des nuages denses avec pluies éparses l'après-midi    Mohamed Ali : nous craignons que le projet de loi sur les associations entrave le travail associatif en Tunisie    Tunisie Telecom partenaire du festival Gabes Cinéma Fen s'associe à l'action «Cinematdour» (Vidéo)    France : Un monument de la Francophonie disparaît, Bernard Pivot est décédé    Tunisie Telecom partenaire du festival Gabes Cinéma Fen s'associe à l'action « Cinematdour »    La 3e édition du GATBIKE Challenge autour du site archéologique de Pupput Hammamet    La Kabylie est-elle devenue un nouvel Etat indépendant ? Non    Nouveau record : Voici la plus longue baguette du monde    classement WTA : Ons Jabeur conserve son 9e rang    La Tunisie abrite les championnats d'Afrique de qualification olympique en trampoline    De Descartes à Spinoza et la neuroscience moderne: Evolution des perspectives sur la dualité esprit-corps    Sommet de l'OCI à Banjul : La délégation tunisienne émet des réserves sur les documents de la conférence relatifs à la question palestinienne    La ligne d'or – Narrer l'entrepreneuriat : maîtriser l'art du récit pour inspirer et engager    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Citadelles en fil de soie
Vient de paraître- Mugelières de Moncef Ghachem
Publié dans Le Temps le 18 - 09 - 2010

C'est en 1975 que «Cent mille oiseaux» fut publié à Paris, suivi par « Car vivre est un pays » en 1978, et une petite décennie plus tard, par «Cap Africa», 1987, «Orphie», en 1997, «Matin près de Lorand Gaspar», (1998), «L'épervier» (1994) et tout dernièrement, «Mugelières» (2010)…
Un ensemble de cinq textes qui ont pour point commun, Mahdia et Salakta, les deux fiefs de la pêche au mulet au point jaune dit «Mujil», chez les Mahdois, «Mila», pour les habitants de Salakta et «Ktoubri» pour ceux de la capitale, en référence au mois d'octobre, période de transhumance et d'amour pour ce poisson emblématique pour les habitants de la capitale fatimide. Sa pêche est un véritable festival. Pratiquée à même les berges, elle draine un public qui n'aurait, pour rien au monde, manqué une seule séance de la mise à mort de ces milliers de poissons sauteurs pour lesquels il faut placer une grande muraille de filets commençant à même le premier rocher de la berge et s'étirant vers le petit large pour s'achever en spirale où les «mujils» vont finir par perdre espoir à force de tourner en rond sans trouver la moindre issue de secours. C'est cette spirale que Moncef Ghachem appelle «Mugelière» puisqu'elle est en réalité le piège où le poisson cède à la nécessité de la mort «Katèlla».
A l'époque où l'auteur était encore jeune adolescent, quelques marins pêcheurs émérites quittaient Mahdia où les vents étaient très puissants et où il n'y avait pas de criques ou de baies où les bancs de poissons pouvaient passer la nuit en paix, pour Salakta, connue pour son «Jône», petit golfe ou crique. Les habitants de Salakta ne pratiquaient pas encore la pêche et se contentaient de travailler la terre. C'est avec la venue des Raïes mahdois qu'ils vont toucher à la pratique de la pêche. Au début, en se mêlant à eux, ensuite, ils réclamèrent une journée de pêche pour eux et une pour les Mahdois. Plus tard, ils chassèrent ces derniers et seul Raïes L'Bey, père de l'auteur, eut le privilège de pêcher à Salakta, parce que son père, avant lui et lui-même ensuite, étaient reconnus comme les maîtres incontestables de la pêche au Mujil, pratiquée au mois d'octobre, suivie de celle à la dorade, novembre, le loup, au mois de décembre et, enfin, le mulet classique (Bouri) mois de janvier qui clôt l'année de la pêche jusqu'au mois d'avril, où les sparès reviennent pour ouvrir le bal, suivi par les Zmimra, généralement utilisés comme appât pour les dentés (mois de mai) et des mérous (mois de juin), juillet ramènera ses tribus de poissons bleus, août fanfaronnera avec ses pagres et amusera les enfants avec ses billes (Lumbouka). Septembre se vêtira d'un léger voile de romantisme avec la pêche à la femelle du mulet à tête plate (Karchou) et nous voilà de nouveau pris par l'effervescence du Mujil du mois d'octobre.
Ce petit constat chronologique (voir page 54) peut nous rapprocher du monde féerique où Moncef Ghachem a grandi.
Ajoutons à cela, la dure réalité d'une vie qu'on a tendance à cristallier et l'on se retrouvera au commencement du monde.
Car, l'enfance des poètes est souvent la naissance d'un monde, d'un univers unique qui n'a jamais existé auparavant et qui n'aurait été que néant si le poète ne l'avait pas couvé, choyé, dorloté, sauvé de tout danger et brandi vers les cimes comme seule arme contre l'apocalypse.
Les maisons étaient bâties en pierre va-nu-pieds.
Les jouets des enfants étaient de fer récupéré ou de vieux chiffons.
Leurs pieds étaient plutôt faits pour marcher sur l'eau que pour fouler la terre.
Quand le mois de mars, le long, s'éternisait et qu'il n'y avait plus ni sardine salée pour leur pain rassis, ni la moindre petite rascasse grise pour leur « marka », leurs yeux devenaient aussi creux que des coquillages désertés par leur habitant. Ils passaient le temps à se bagarrer et quand arrivaient les divins mulets à point jaune, les voilà qui irradient de lumière de nouveau.
Ces poissons sauteurs étaient leur fierté, leur chant de combat et leur royaume et nulle couronne d'empereur n'était sertie de diamants aussi magnifiques.
Les cinq textes qui composent « Mugelières », le dernier livre de Moncef Ghachem s'ouvrent par « Café Blayatt, Café-Guignard », une espèce de « confessionnal où l'on venait vider sa bile et exposer ses conflits avec d'autres marins, tout en souhaitant se faire conseiller par l'époustouflant tenancier…».
«Mugelières» nous plonge dans l'univers des pêcheurs de Mahdia, famille par famille avec changements d'atmosphère et anecdotes personnalisées.
«Santo et loup», est une histoire d'amitié agrémentée par deux espèces emblématiques de poissons (Sardine et Mujil) entre un enfant issu d'une famille de pêcheurs siciliens et l'auteur.
Il est évident que même si on ne tarit pas d'éloges sur telle ou telle famille de poisson, la saupe (Chilba ou poisson fou puisqu'il se nourrit de certaines herbes psychédéliques), malgré les ravages, généralement, corniques qu'elle cause, est très appréciée pour sa chair grillée et pour ses qualités thérapeutiques, l'auteur de «l'épervier» lui consacra une pêche miraculeuse : « Si on a l'habitude de voir quelques bateaux à lamparos rentrer (…) avec de bonnes prises de petits thons ou de germons, on ne les a pratiquement jamais vus remplis à ras bord de saupes plus grosses qu'une main ouverte, aussi jaune que le métal précieux, sauf qu'elles ont l'écaille ponctuée de bleu et de noir…».
Ce sont les «lecteurs de Sclalési» qui ferment le livre.
Ce poète gagne beaucoup à être connu. «Scalési a écrit des poèmes harmonieux, d'une esthétique éloquente puissamment rythmée et fabuleusement imagée…».
Entre l'école qui fut sa mer et la mer qui fut son école, Moncef Ghachem demeure cet enfant, errant au milieu de ces citadelles en fil soie dansant, ces «Mugelières» d'où il n'a jamais cherché à s'échapper parce que la mise à mort y ressemble à un diamant céleste.
Hechmi GHACHEM

- «Mugelières »
- Editions Apogée
- 108 pages
Biographie
Moncef Ghachem est né à Mahdia (Tunisie) en 1946, dans une famille de pêcheurs. Son œuvre est intimement liée à la mer. Il a publié plusieurs recueils de poèmes ou de nouvelles, notamment Orphie (MEET,1997), Nouba (L'Or du temps, 1997), Marin près de Lorand Gaspar (L'or du temps, 1998) et L'Epervier, nouvelles de Mahdia (L'Arganier, 2009) pour lequel il a reçu le prix Albert-Camus en 1994.
Il a également reçu le Prix international Mirabilia de poésie francophonie en 1991 et le prix international de poésie de langue française Léopold Sédar Senghor en 2006, pour l'ensemble de son œuvre.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.