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«Il y a urgence de montrer que le ministère est en rupture avec le passé»
Mme Lilia Labidi, ministre des Affaires de la Femme
Publié dans Le Temps le 08 - 02 - 2011

Nommée ministre des Affaires de la Femme dans le gouvernement d'Union nationale, Mme Lilia Labidi est titulaire d'un doctorat en psychologie et d'un doctorat d'Etat en anthropologie à l'université de Paris VII.
Anthropologue et maître de conférence en psychologie clinique à la faculté des sciences humaines de Tunis, elle a effectué plusieurs recherches sur la femme en Tunisie, au Maghreb et dans le monde arabe. Elle est auteure de nombreux livres et essais sur la sexualité, la violence à l'encontre des femmes, l'histoire orale des pionnières du mouvement féministe tunisien et le développement des droits de la femme dans le monde arabe.
Parmi ses ouvrages, citons : “l'histoire d'une parole féminine” (1982), “Les origines des mouvements féministes en Tunisie” (1987), “Qabla, médecin des femmes” (1987), “Sabra, Hachma” (1989), “Romancières sénégalaises à la recherche de leur temps” (2003), “Militantes Tunisiennes 1881-1961” (2009).
La ministre des Affaires de la Femme a par ailleurs organisé plusieurs séminaires nationaux et internationaux sur les pratiques médicales et la santé de la femme, les droits de la femme, femme et science, et la participation de la femme à la résolution des conflits.
Elle a dirigé aussi un programme de recherche national sur la moralité publique dans le monde et en Afrique. Après le Caire où elle a animé des cours dans ses universités, Lilia Labidi est conférencière à l'Institut des études avancées de l'Université de Princeton NJ et au Woodrow Wilson International Center de l'université de Washington DC (Etats-Unis d'Amérique).
Toujours à l'écoute de la femme et très proche d'elle, Lilia Labidi nous parle dans cet entretien de son programme à la tête du ministère pour la préservation des acquis de la femme tunisienne.
Le Temps : vous avez consacré votre vie et vos écrits au service de la femme tunisienne et son rôle historique dans le mouvement de libération nationale tout en restant à l'écart de la vie politique ; vous y entrez de plain pied à la tête du ministère de la femme !
Comment expliquer cet intérêt soudain pour la politique ?
Lilia Labidi : c'est un moment de prise de responsabilité et les circonstances sont particulières. A côté de ce que les martyrs ont payé, ceci n'est rien en comparaison, et pour ne pas oublier cela, le souvenir de Mohamed Bouazizi doit demeurer présent dans la mémoire et dans les actes. Autrement dit, la révolution est l'œuvre des jeunes et elle est partie des régions déshéritées avec la contribution des femmes, le plus souvent des anonymes. Cette révolution portée par ces groupes a apporté plusieurs révélations sur le vide politique créé par l'ancien Régime à des fins très intéressées. Les actions du ministère aujourd'hui sont le témoin de cette expérience du gouvernement de transition.
*La révolution tunisienne, comme vous le savez, était populaire avant tout et sans aucune stratégie idéologique ; certaines tendances extrémistes, de droite ou de gauche, veulent se l'approprier. Qu'en pensez-vous ?
-Je pense qu'il ne faut pas être naïf car tous les partis politiques confondus ou organisations, cherchent à s'approprier la révolution, à en tirer les dividendes. C'est ce que font d'ailleurs, les partis politiques dans le monde en général. Mais on espère que ce mouvement qui a apporté la liberté et dont la seule revendication était la dignité, avec les organisations qui ont le sens de la responsabilité, sauront protéger ces acquis. En tous les cas, l'œuvre du gouvernement de transitions opère sous le regard et sous le contrôle du peuple, et depuis mon arrivée au ministère des Affaires de la Femme, le nombre de personnes que je reçois quotidiennement de toutes les régions du pays, est impressionnant. Cette révolution a révélé, et contrairement à tout ce qui se disait, que la jeunesse est porteuse d'une vision et a un discours politique original et nouveau. Ces jeunes que j'appelle citoyens reporters, en ont témoigné avec un simple téléphone portable. Ils ont permis la diffusion des images sur les événements de Kasserine et Sidi Bouzid à travers le monde, et ont donné une leçon politique à l'échelle globale alors que partout ailleurs, on se demandait où était la rue arabe ?
*Selon vous, quelles seraient les initiatives à prendre au niveau de la transparence au sein du gouvernement pour avoir plus de crédibilité et de légitimité vis à vis du peuple ?
-Il me semble et je peux en témoigner, que les décisions qui sortent du Conseil des ministres sont débattues au cours de ses sessions et ce qui est lu et vu, atteste réellement de ce qui se dit au cours des réunions et cela constitue à mon avis, une preuve de transparence. On assiste à des opinions diverses et des positions contraires, et cette expérience reflète à la fois, l'importance des attentes politiques et des contraintes économiques.
*Ne pensez- vous pas qu'en cas de montée au pouvoir d'un parti d'obédience islamiste extrémiste, la femme risquerait de perdre ses droits et acquis pour redevenir une citoyenne de seconde zone ? Sommes- nous, les femmes, assez armées pour faire face à un tel fléau ?
-La question est très pertinente, pourquoi ? Parce que nous avons connu avec le premier régime (celui de Bourguiba), un féminisme au masculin et avec le second (celui de Ben Ali), un féminisme d'Etat. Aujourd'hui, dans un contexte de pluralisme politique et de liberté d'expression, les candidats aux élections vont être évalués sur leur programme. J'espère que dans ces circonstances, les femmes seront outillées pour faire face à l'exercice de la citoyenneté, de la démocratie, de la liberté et de la défense de leurs propres droits contre tout mouvement qui peut ou qui veut les remettre en question. Les circonstances sont difficiles, le moment est historique et toutes les femmes sont appelées à jouer ce rôle.
*Quelles sont les mesures à prendre pour une restructuration totale des organisations comme l'Union des Femmes Tunisiennes (UNFT) ou l'organisation des Mères Tunisiennes (OMT), pour redorer une image ternie de la femme. D'autant plus qu'elles ont été détournées de leur axe essentiel et pour lequel elles ont été créées ?
-Au cours des dernières années, certaines organisations féminines ont été privilégiées et utilisées à des fins de propagande qui servaient le pouvoir. Depuis la révolution, tout cela a été passé en revue et il y a une rupture sans retour entre le gouvernement et l'ancien parti au pouvoir. Donc, cette décision du gouvernement est également notre orientation. Le ministère des Affaires de la Femme est par conséquent, à l'écoute de toutes les voix . Mais bien sûr, il ne gère pas les ONG féminines. Ni l'UNFT, ni aucune autre organisation féminine ne relèvent du ministère . Autrefois, il y a eu un amalgame qui a porté préjudice à l'image de la femme. Aujourd'hui ,le ministère se penche sur des dossiers en toute liberté où seules l'intelligence et la compétence priment.
*Quel est votre programme au sein du ministère surtout que certains droits de la femme ne dépassent pas le cap de simples décrets sur du papier ?
-Ce gouvernement est un gouvernement de transition. Ce qui est important, c'est de ne pas entraver les activités du ministère parce que ça serait bloquer la société. C'est aussi de permettre aux différentes Institutions qui relèvent de ce ministère de faire l'apprentissage de la démocratie, du pluralisme et des droits humains et de préparer l'échéance de transition future.
*Le nouveau ministre de l'Intérieur, lors de l'une de ses dernières apparitions à la télé, a brisé cette relation de crainte et de méfiance entre ledit ministère et les citoyens ; il est actuellement la coqueluche de tous les Tunisiens pour les avoir rassurés quant à leur sécurité. Qu'allez-vous faire pour réunir autour de vous le plus grand nombre de femmes tunisiennes ?
-Il était très important que le ministre de l'Intérieur aujourd'hui incarne une autre image, celle de la confiance.
La population en général et certains groupes en particulier ont été terrorisés. Le nombre de policiers qui existait proportionnellement à la population en général, est effrayant. Il aurait été préférable de former des ingénieurs, des chirurgiens, des chercheurs… qui auraient assuré la protection de leur société. Quant à moi, du lieu où je suis, j'ai moi -même présenté lors de la première conférence organisée après le 14 janvier 2011 au CREDIF, sur les femmes journalistes et le journalisme, mes excuses et demandé pardon à ce corps de métier et particulièrement les femmes journalistes, pour avoir été marginalisées, bloquées dans leur carrière, souvent poursuivies pour leur dénonciation. Je sentais qu'il était de mon devoir de le faire parce qu'il y a, urgence de montrer que le ministère des Affaires de la Femme, est en rupture avec le passé, que nous avons besoin de toutes les forces féminines pour sauver cette révolution et que le travail est collectif si on veut sauver notre société et nos acquis tout en sachant que pardonner oui, oublier non !
*Le même scénario se répète ces jours-ci en Egypte, à savoir, le combat contre la dictature. Vous qui avez résidé dans ce pays et enseigné dans ses universités, comment appréhendez-vous vous cela ?
-L'an dernier, j'ai publié une recherche sur les jeunes en Tunisie avec une comparaison avec le Maroc et l'Egypte. J'avais montré que nous étions en présence de mouvements sociaux d'un nouveau genre et pour le cas de la Tunisie, les jeunes de ce groupe sont à la fois, la synthèse de la culture de la période de post indépendance et tirant avantage de la globalisation de la technologie; ce qui est quelque chose de très frappant. La révolution en Tunisie et en Egypte, et on ne sait pas où cela va s'arrêter et que peut être, cela va changer la donne dans la région, était prévisible depuis deux ans au moins. Mais comme toute révolution, il fallait un déclic, une « étincelle », pour une nouvelle conscience sociale et c'est ce que la Tunisie a connu avec l'affaire de Gafsa en 2008 puis celle de Sidi Bouzid. Les arrestations arbitraires des différentes voix politiques de journalistes et avocats, en étaient les signes précurseurs. La situation en Egypte est légèrement différente et le rôle de l'armée va être déterminant. En Tunisie, le rôle de l'armée et la position du général Rachid Ammar ont été déterminants et ont remis en évidence, une morale jusque là pervertie.
Comment avoir une morale quand au même moment, il y a un disfonctionnement au sommet de la hiérarchie et qui a touché toutes les structures du pays. ?
Propos recueillis par : Sayda BEN ZINEB


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