La Galerie Kanvas fête son anniversaire. Yosr Ben Ammar, la propriétaire, l'avait inaugurée, il y a tout juste cinq ans avec une exposition personnelle d'Ahmed Hajeri. Auparavant, il avait exposé chez Alia Beschaouch à la Galerie Médina et explique : « J'ai beaucoup d'estime pour Alia Beschaouch , mais j'avais envie de soutenir une jeune galerie… » L'art imaginaire a depuis toujours inspiré les peintres. Le Surréalisme est probablement le style pictural, qui aujourd'hui encore, laisse le moins indifférent. C'est dans un surréalisme poétique que Sophie El Goulli, professeur, écrivain et poète, avait classé la peinture d'Ahmed Hajeri. Le monde que l'artiste porte en lui et qu'il projette sur la toile constitue un moment privilégié où, justement, il traduit plastiquement ce qu'il y a de plus secret en lui, de plus personnel, de plus poussé, de plus fin même. Une œuvre comme celle de Hajeri s'élabore dans un espace-temps que le peintre, volontairement, étire. Aucune toile ne naît du hasard, il procède d'un long cheminement intérieur qui, à l'instar de sa pensée, prend appui sur une réflexion, une impression… Les formes et leur mobilité font partie de cette lente décantation, « je prends toujours mon temps pour peindre, je peux mettre des mois à peindre une toile » Le peintre s'attelle à imaginer les décors et n'a pas besoin de grand chose. Il sait orchestrer ses couleurs avec une énergie poétique en perpétuelle évolution. Il se plaît à exprimer les tribulations spirituelles ou géographiques des hommes en quête d'un avenir où règne l'harmonie. Comme souvent les peintres, Hajeri s'émancipe des conventions en mettant ses personnages en lévitation, en privilégiant les sensations immédiates. Animal, végétal, personnage, tout est alors brouillé, plus rien n'est à sa place. Surgit donc dans les œuvres, une primitivité où s'expriment des forces révolutionnaires, propres à tout recréer, promesses de nouveaux potentiels. Au cours de notre récente rencontre, Ahmed Hajeri, toujours aussi humble tenait le même langage, mais dans une forme d'expression encore plus dépouillée : à l'image de ce qu'il ne cesse de traquer : l'authenticité vraie. « J'ai eu beaucoup de problèmes de santé, mais je travaille malgré tout pour honorer les galeries qui me demandent. Ma dernière exposition au Maroc a connu un réel succès. Puis, j'ai eu la chance de travailler avec de très grandes galeries françaises. L'abstrait, c'est un spectacle de tout et en même temps un spectacle de rien. Quelqu'un qui n'a pas une grande éducation dans l'art, ne peut pas comprendre l'abstraction, alors que ma peinture est d'une lecture facile, elle inspire le rêve et raconte toujours une histoire. On m'a souvent dit qu'elle rappelait Matisse ou Chagall. Ma peinture « Hommage aux grands » rappelle plutôt Picasso. J'estime que l'art ne demande pas d'école particulière, il est inné. On naît artiste ou on ne l'est pas. J'ai un simple CAP d'électricien et je suis un artiste autodidacte. Les critiques d'art pensent que j'ai pris des cours à l'académie italienne ou autre, or il n'en est rien. J'ai eu la chance d'avoir été découvert par Dubuffet, j'ai appris la couleur et j'ai toujours refusé d'aller m'initier à l'école. Les critiques bluffés par mon œuvre disent : « Comment est-il possible de sortir de l'ombre et d'avoir une lumière comme celle-là ? » J'ai exposé en Syrie l'année dernière, puis au Liban, en ce moment, j'expose à Genève et je ne peux pas faire face à toutes les demandes car je prends mon temps pour peindre. J'ai travaillé sur le thème de la Révolution à partir de Paris, là où je la ressentais davantage, du fait d'avoir été loin de la Tunisie à ce moment là. Puis, j'ai fait faire pour la toute première fois, un découpage sur bois d'après une esquisse sur papier. C'est « Leila Harba » qui m'a inspirée. Elle est représentée par une poule qui se sauve en Arabie Saoudite avec un poisson dans le bec qui représente les richesses du pays. » Ahmed Hajeri agit ainsi pour nous entraîner dans son propre univers, lequel sera à notre disposition jusqu'au 25 juin 2011.