La révolution tunisienne, l'événement phare qui a marqué le siècle, constitue un évènement historique non seulement car elle fut la première à avoir réussi dans le monde arabe, ni qu'elle engendra une série de révoltes et d'émeutes un peu partout dans le monde. C'est aussi parce que « c'est une révolution qui a fait chuter un régime basé sur la corruption et la dictature à la fois et que durant les 25 dernières années, rares furent celles qui ont visé les deux.» Assure Dr Ahmed Achour, expert des Nations Unies, spécialisé dans le domaine de la corruption « Ainsi, elle se doit de construire un régime basé sur la transparence et sur la lutte contre la corruption ». Il est bien évidemment plus facile de détruire que de reconstruire ensuite et les exemples historiques nous démontrent que beaucoup de révolution ont échoué dans la deuxième phase et abouti à un régime semblable à celui contre lequel la population s'est révoltée. Mais ce qui est déjà un grand pas chez nous est que le PNUD qui ne pouvait nullement débattre du problème de la corruption publiquement et objectivement en Tunisie, tient aujourd'hui un congrès régional sur « Les services publics dans les pays arabes, les dangers de la corruption et les mécanismes des luttes ». Le congrès se tient aujourd'hui, le 29 septembre et ses travaux se prolongeront jusqu'à demain. Il vise les secteurs de la vie quotidienne du citoyen ; santé, enseignement et l'eau car ces secteurs « sont des priorités dans le développement » souligne Maître Arkan El Seblani expert au sein de l'ONU, spécialisé dans la lutte contre la corruption. Une conférence a par ailleurs été organisée avant-hier pour discuter du phénomène de la corruption, de ses racines et des mécanismes de lutte. La corruption, un système dans le système Il est essentiel ici de noter que la Tunisie a commencé « sa lutte » contre la corruption aux débuts des années 90 avec l'expérience du citoyen/observateur. Elle ne fut néanmoins pas développée et les moyens ne furent pas donnés pour que l'expérience réussisse et pour que le citoyen puisse jouer un vrai rôle face aux administrations publiques. Ainsi, notre pays, selon Dr Ahmed Achour « a été parmi les pays arabes ayant pris l'initiative de la réforme administrative dans le secteur public, mais n'a pas mis la corruption sur la liste de ses priorités et n'a pas accordé assez d'importance à la transparence. » Mais pourquoi donc, la corruption se propage-t-elle plus dans nos pays arabes plutôt qu'ailleurs ? Mis à part le manque de transparence et de contrôle, la complication des procédures et la lenteur des exécutions administratives qui sont la responsabilité du système politique et favorise la propagation de la corruption, il est à noter également que la société en assume une partie de la responsabilité. La corruption, ce n'est pas uniquement l'affaire des politiciens. Les pots de vin et tout ce qui entre dans le système corrompu sont des pratiques sociales, économiques et sont également « une affaire de la culture et des mentalités ». Ainsi, certaines sociétés occidentales rejettent d'elles mêmes la corruption, ce qui limite le phénomène en arrivant jusqu'en haut de l'échelle. On est ici dans tout un mécanisme englobant plusieurs aspects humains, juridiques, économiques et politiques et dont les acteurs sont multiples. La lutte contre la corruption devrait-être fixée par les politiciens, les organismes, les institutions et les juristes, mais elle émane et se nourrit de la volonté de la société civile, de l'individu et des médias qui devraient se mobiliser pour instaurer et imposer parfois aux décideurs, la transparence et « l'honnêteté ». Stratégies Partant du principe que la lutte est une chaine englobant les stratégies, la politique et les mécanismes, « il est également essentiel pour la Tunisie de connaître les différentes expériences afin d'en faire une comparaison, de connaître leurs causes de la réussite ou de l'échec et d'opter pour les meilleurs pratiques les adaptant à la réalité tunisienne. » explique Dr Ahmed Achour. Maître Al Seblani soulève également un point très important « l'ONU a souvent essayé de faire pression sur le régime pour lutter contre la corruption, mais mis à part les conventions signées par la Tunisie, cette pression ne pouvait mener à des résultats concrets. Par contre, il faut saisir cette occasion et faire pression de l'intérieur. Le peuple et les médias tunisiens peuvent changer ainsi les choses. » La réussite de la lutte est alors évaluée à la capacité de limiter le phénomène et de punir ceux qui le commettent. Mais comment arriver à réussir ? Dr Achour déclare alors que « les expériences arabes présentent une matière à étudier car elles visent dans sa majorité à donner un semblant de lutte et la Tunisie ne devrait pas « retomber dans le panneau ». Il devrait aussi y avoir une vraie volonté politique de changer les choses et lutter contre la corruption. Cette volonté politique n'est pas celle du président, mais celle de la société, cela constitue une garantie. Néanmoins, il faut d'abord préciser quels sont les domaines les plus corrompus et fixer les priorités sans oublier également que la lutte nécessite les efforts d'un ensemble d'organismes et institutions. Ainsi, la formation d'un comité central ici est nécessaire, et même dans les autres pays arabes. Ce comité rassemblera tous les autres acteurs de la lutte contre la corruption et l'orientera. Mais tout cela ne peut se faire qu'en revenant au passé en révisant tous les efforts qui ont été fournis pour réformer l'administration, mais qui n'ont jamais visé la corruption. Il est de même important de réviser les rôles, les stratégies et la façon du contrôle par le passé. Tout cela permettra à la Tunisie d'élaborer un plan d'actions concret et basé sur des étapes. » Maître Arkan Al Seblani ajoute à cet effet « que ce qui s'est passé dans la région arabe est une preuve de l'absence du développement. Ce dernier est fortement lié à la lutte contre la corruption et c'est pour cela qu'il est essentiel de partir des domaines quotidiens, la santé, l'eau et l'enseignement. Il faut également rationaliser les actions et que la presse assume son rôle dans le renforcement de la lutte contre la corruption ». Hajer AJROUDI
Principaux points du congrès - Evaluer les services publics dans les pays arabes et présenter leur liaison avec la bonne gouvernance et le développement - La lutte contre la corruption dans les secteurs publics dans les pays arabes et le rôle des parties concernées. - Evaluation des secteurs concernés par la corruption et l'analyse des méthodologies et des pratiques - Etudes de cas - Les meilleures leçons à tirer de l'évaluation des secteurs concernés par la corruption - La lutte contre la corruption dans les secteurs de l'eau, de l'enseignement et de la santé - Elaboration d'actions concrètes visant à lutter contre la corruption dans les domaines de l'eau, santé et enseignement : Djibouti, le Maroc, la Tunisie, l'Egypte, la Jordanie, l'Irak, les territoires palestiniens occupés, le Yemen.