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Qui est derrière ?
Reportage - Commerce parallèle, après la chute des Trabelsi
Publié dans Le Temps le 05 - 02 - 2012

Qu'il vente, qu'il pleuve, ils meublent les pavés des grandes artères du centre ville de la capitale. Ils font partie de notre quotidien au point de fondre parfois dans le décor du tumulte citadin. Leurs étals parfois captivants, rarement répugnants, attisent la curiosité ou la tentation. Ils proposent aux passants une kyrielle hétérogène de marchandises dont l'origine demeure toujours ambiguë et suspecte.
Si, de par le passé, le réseau mafieux des Trabelsi, démantelé après la chute de la dictature, monopolisait le secteur du commerce inégal, aujourd'hui, une question se pose : qui alimente ces marchands ambulants ? Quel rôle a la douane dans tout ça ? Pourquoi s'entête-t-on à faire payer les frais aux vendeurs informels quand les vrais fauteurs sont ailleurs ?
Par ailleurs, le commerce informel aurait occupé, durant les dernières années, 45% du Produit Intérieur Brut. Un taux alarmant qui avait été déclaré par l'ancien directeur de l'UTICA, Hédi Jilani, en 2008 lors du Conseil national de l'UTICA. Plus tard, et avant de donner les rênes à Mme Wided Bouchammaoui, avait assuré que les réglementations doivent être respectées. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Que sont devenus ces marginalisés du secteur du commerce depuis ?
La veille du Mouled, nous avons sillonné les artères de la capitale pour en avoir le cœur net.

Témoignages
Karim, 23 ans, vendeur de sucreries:
«J'ai choisi, bon gré mal gré, le métier de marchand ambulant parce que je veux gagner dignement ma vie et être autonome. A mon âge, j'estime que je me dois d'être indépendant et d'aider surtout ma famille. Fils d'un ouvrier retraité, d'une mère au foyer et frère de trois sœurs, je me sentais le nouveau responsable de la famille. Certes, les conditions sont très dures ! On est pourchassés par les agents municipaux, enquiquinés par les propriétaires des boutiques et surtout à la merci des intempéries. Mais, on n'a vraiment pas le choix. Néanmoins, je ne me vois pas passer toute ma vie à travailler dans la clandestinité. Là, c'est bon, je suis jeune, ça passe. Mais, une fois adulte ou la cinquantaine, je ne pourrais plus courir les rues pour sauver ma marchandise ou faire face aux intempéries ! Tout mon vœu est que l'Etat puisse nous trouver une solution à long terme. Je ne veux pas tomber dans la délinquance, je préfère continuer à gagner ma vie dans le hallal.»
Un peu plus loin, à l'Avenue de Paris, les marchands ambulants s'accaparèrent de nouveau les trottoirs, défiant, pour la énième fois les agents municipaux et les policiers.

Karim, 38 ans, vendeur de faux bijoux et de parapluies
«Tout ce que je veux c'est avoir l'autorisation de gagner dignement ma vie.»
«Ça fait, mine de rien, plus de dix ans que je suis dans le domaine du commerce parallèle. Avec la police municipale, c'était comme le jeu du chat et la souris. Maintes fois, j'ai vu mes articles confisqués puis répartis entre eux. Maintes fois aussi, j'ai été arrêté, frappé et insulté, du temps de l'ancien régime. Ces temps ne sont pas réellement révolus. Après une certaine aisance le lendemain de la révolution, on a été gentiment chassés durant le second gouvernement provisoire. Or, aujourd'hui, la violence à notre encontre est de nouveau à l'ordre du jour. Maltraités, insultés devant tout le monde, on nous saisit notre marchandise. Ce seul gain qui nous permet de nourrir nos familles et de gagner notre vie honnêtement. Mes clients sont essentiellement des femmes et elles adorent ce que je leur propose, attendant patiemment les nouveaux modèles que j'apporterai le lendemain. Elles assistent parfois, médusées, à des scènes d'insultes et à la confiscation même des faux bijoux qu'elles ont à la main au moment où les agents municipaux me prennent en assaut ! Je me demande sincèrement, quand ce cauchemar finira ! Je suis marié et j'ai 4 enfants à charge. Un loyer à payer et des bouches à nourrir. J'ai beau crier ma détresse avant et après la Révolution, rien n'y fait. Tout ce que je veux c'est avoir l'autorisation de gagner dignement ma vie ! Est-ce trop demander ?»
Une singulière rencontre attisa notre curiosité, quoique ce n'est plus du tout un phénomène tout à fait étonnant. Il pleuvait des cordes, on était la veille du Mouled (fête religieuse). Elle était assise, sous un vieux parasol, ultime abri de la pluie torrentielle et du froid de canards qu'il faisait. Tout le monde se pressait et se hâtait devant elle, personne ne se souciait de cette dame qui vendait des cigarettes. On prit le temps de s'arrêter pour papoter un petit peu avec elle.

Mme Khadija, vendeuse de tabac et de plusieurs autres choses (mouchoirs, chewing-gum, stylos, briquets, etc.)
« Ce petit boulot aussi ingrat soit-il, me permet de nourrir mes gosses et de leur préparer la «Aassida» ce soir !»
«J'ai 54 ans. Certains s'étonnent de me voir ici à la Place Barcelone, en train de vendre dans la rue. L'austérité de la vie et les circonstances m'ont poussé à le faire. Je n'en ai pas honte. J'en suis même fière. Parfois, après le lycée, mes deux enfants me rejoignent pour m'apporter leur aide. C'est en quelque sort notre «entreprise familiale». Je suis veuve, j'ai, d'ailleurs hérité ça de mon défunt mari. Il a passé sa vie dans les grandes artères de Tunis vendant à tout va sa maigre marchandise. Là, j'ai pris le relais pour pouvoir subvenir aux besoins de mes deux enfants. Je préfère ça à mendier. Je me plierais en quatre pour que mes progénitures n'aient pas à subir un sort pareil. Je tiens à ce qu'ils finissent leurs études et aient un travail décent, avec sécurité sociale et retraite pour leurs vieux jours ! Heureusement que mon âge un peu avancé, disons, me protège des regards masculins indiscrets. Une femme qui vend dans la rue des cigarettes ne pourrait se vanter d'être à l'abri de certains comportements indécents. N'empêche, ce petit boulot aussi ingrat soit-il, me permet de nourrir mes gosses et de leur préparer la «Aassida» ce soir ! »
Retour des anciennes méthodes de répression
En arpentant la Place Barcelone, là où les marchands ambulants ont squatté presque tous les trottoirs, étalant une palette de marchandise sur les pavés. Ils exposaient aux passants une palette riche en marchandise, entre alimentaire (confiserie, kaki, madeleines, sandwichs aux œufs et à la merguez, etc.), textiles (chaussettes, pantalons, vêtements pour femme), et d'autres variétés comme les produits de beauté, le tabac, briquets, stylos, mouchoirs, jouets, etc.). Il ne passa pas trois minutes et une voiture de police roulant à vive allure s'arrêta d'un coup devant des vendeurs ambulants, juste en face de la gare des Trains de Tunis. Tout se passa vite, les plus prudents ont pris la poudre d'escampette avec marchandise et cartons (qui leur servaient de support). Les moins réactifs ont été pris au dépourvu. Toute leur marchandise (Kaki, tabac, confiserie, etc.) ont été saisis. La scène ne manquait pas de son lot de violence verbale et d'agressivité de la part des agents de l'ordre. Ce qui nous a intrigués, c'est de voir, que parmi la marchandise saisie, il y avait bien des bouteilles de vins ! En posant la question aux autres marchands ambulants, qui entre-temps ont caché leur marchandise et regardait la scène, on nous confia que la police a entendu par certains que deux vendeurs ambulants étaient en train de boire de l'alcool et cachaient leurs bouteilles dans leurs cartons.
Résultats des courses : tous ceux qui étalaient leur maigre gagne pain ont été pris d'assaut et ont payé pour eux. Tout leur a été confisqué. On suivit la voiture des policiers qui s'est dirigée vers le poste, avec de la marchandise confisquée et les deux énergumènes. Une fois sur place, les policiers font tout descendre. Une dizaine de marchands ambulants attendaient dehors dans l'espoir de récupérer leurs articles. Certains ont été chanceux, sauf qu'ils ne pouvaient avoir leur marchandise qu'en échange de quelques paquets de cigarettes. D'autres attendaient vainement. L'un des marchands, désespéré, nous confia que les pratiques d'antan étaient de retour et que l'on ne pouvait récupérer son bien que moyennant un petit cadeau (de l'argent, des paquets de cigarettes, quelques chaussettes ou autre).
Du cosmétique au religieux, il y en a pour tous les gouts !
Nous quittâmes les lieux vers la Place de la République, où depuis trois semaines, les vendeurs «informels» ont de nouveau squatté les trottoirs. La station du métro était, désormais, parsemée de couvertures, de châles, grandes et petites serviettes de bain. Par terre, les produits cosmétiques étaient étalés, attisant le regard des passantes. Du côté de la mosquée El Fateh, on proposait tout à fait une autre sorte de marchandise répondant aux besoins des prieurs, tapis pour prier, burquas, «jelbabs», parfums traditionnels, livres théologiques, ect.
A Beb El khadra, juste à côté de la station du métro, c'est tout à fait un autre spectacle. La friperie a gagné du terrain. Les lieux sont, désormais, à la merci d'étalage anarchique qui engendre la saleté, l'anarchie et occupent tout le trottoir de sorte que le piéton est parfois piégé.
C'est pour vous dire, que cette nouvelle Tunisie ressemble réellement au tiraillement d'un être aux abois, d'un être qui se cherche une voie pour s'en sortir. Chacun essaye d'y vivre avec les moyens du bord. Tous les moyens sont bons.
Des vents contrèrent soufflent sur c petit pays où les citoyens tentent bien que mal de vivre normalement, parfois pacifiquement, parfois en jouant au chat et à la souris
Il est vrai que le secteur du commerce informel gangrène l'économie déjà flanchante et enquiquine les commerçants «légaux». Or, ces gens présentent des centaines de milliers. Doit-on les éradiquer pour que tout rentre dans l'ordre. Aa reviendrait aux agissements du régime défunt. Le meilleur reste, sans conteste, de trouver pour ces citoyens, déjà à la merci de la cruauté de la misère, des solutions radicales et à long terme. Il est à rappeler qu'ils ont représenté durant les dernières années, le tiers de notre PIB. Il s'agit bien d'un commerce, aussi illégal soit-il, qui fait nourrir des centaines de familles.
Quel sort leur serait réservé si on les prive de leur maigre gagne pain ! Il est du ressort de l'Etat, de l'UTICA et du ministère du commerce de trouver une solution au long terme pour réglementer la situation des marchands ambulants. Car, qu'on le veuille ou pas, ils sont bien là !
Melek LAKDAR


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