Les citoyens sont tous égaux devant la loi, et dans les cas où ils sont tenus de comparaître devant le tribunal, tant en demandant qu'en défendant, ils doivent bénéficier d'un procès équitable. Ce qui veut dire qu'ils sont tous tenus par une même procédure, et des mêmes garanties de défense et de représentation. Or devant les tribunaux d'exception, le justiciable est astreint à une procédure particulière en vertu de laquelle il est souvent privé de ces garanties. Juridiquement, le tribunal d'exception a une compétence spécifique définie par la loi. C'est le cas concernant le tribunal de commerce ou le conseil des prud'hommes. Toutefois certains tribunaux ont été érigés pour réprimer des infractions à caractères particuliers, et qui sortent du droit commun. C'est le cas en matière de procès politiques où les tribunaux d'exception ont été constitués pour réprimer les mis en cause, sans leur offrir la possibilité de se défendre ni les garanties en vue d'un procès équitable. C'est la raison pour laquelle la dénomination de tribunal d'exception a pris au fil du temps une connotation péjorative, et à laquelle on a substitué celle de tribunaux spécialisés, qui traitent d'un domaine particulier, avec les mêmes garanties de défense et d'égalité devant la loi. Le tribunal d'exception, c'est par exemple la cour de sûreté de l'Etat créé en Tunisie, à l'aube de l'indépendance, pour juger tous ceux qui sont impliqués dans des affaires de complot contre la sûreté de l'Etat, et devant lequel ont comparu plusieurs parmi les opposants au régime, à commencer par les yousséfistes, ou encore ceux qui ont fomenté le complot de 1962, et qui ont été condamné par cette cour à la peine capitale. Cette cour a été abolie sous Ben Ali, qui au cours de son premier mandat se montrait enthousiaste à entreprendre des réformes en faveur des droits de l'Homme. Toutefois une seule cour d'exception a subsisté jusqu'à nos jours : le tribunal militaire. Le tribunal militaire permanent, car c'est ainsi qu'on le dénomme depuis sa création bien avant l'indépendance. C'est donc un héritage du colonialisme que les gouvernants de la première République ont maintenu, en entreprenant toutefois certaines modifications concernant l'organisation des tribunaux militaires et la création d'un code de la justice militaire dès janvier 1957 soit avant la proclamation de la République. Ce même code a été d'ailleurs été modifié en juillet 2011 avec la création d'un troisième tribunal militaire au Kef en 1993, (modifié en 2001) le deuxième étant celui créé à Sfax en 1982, (code modifié en 2001 également). La justice militaire répond à une procédure particulière,selon laquelle, en cas d'un litige entre un civil et un militaire, l'affaire est automatiquement portée devant le tribunal militaire. Un militaire ne comparait jamais devant une juridiction civile, dans le cas où il commet des infractions de droit commun. Cela est de nature à créer des inégalités de chances, alors que tous les citoyens sont égaux devant la Justice. En outre les peines prévues selon le code militaire sont beaucoup plus sévères que celles prévues par le code pénal. L'exécution de la peine capitale, est selon le code de droit commun, par pendaison alors que selon le code militaire c'est le peloton d'exécution qui en est chargé. Cela rappelle les méthodes cruelles et inhumaines des pelotons d'exécution en temps de guerre, ou durant la période coloniale. L'exécution est prévue par le code où il est stipulé que le condamné à mort doit être placé face aux tireurs à une certaine distance et selon la volonté du gradé qui donne l'ordre de tirer. Ce fut de cette façon qu'ont été exécuté les condamnés à mort à l'issue du procès des Yousséfistes, ou des accusés de complot contre le chef d'Etat en 1962 dont Lazhar Chraiti..... Interdiction des tribunaux d'exception En vertu de l'article 105 de l'avant projet de la prochaine Constitution, il est prévu que les « catégories de tribunaux sont créées par la loi , et il est interdit de crér des tribunaux d'exception ». Cela va tout à fait dans le sens de la préservation du principe d'égalité. Il est ensuite stipulé que : « les tribunaux militaires sont une catégorie spécifique régie par une loi organique ». Ce qui veut dire que le terme de juridiction militaire ne doit pas être consacré par la Constitution au même titre que la justice civile administrative ou constitutionnelle. Le tribunal militaire est une justice spécifique qui ne doit pas régir d'autres personnes que les militaires. Ces derniers sont susceptibles de comparaître devant le tribunal militaire, seulement en cas d'infractions à caractère militaire. Il n'y a pas de raison qu'un militaire qui commet une infraction de droit commun, ne comparaisse pas devant une justice civile. Les civils ne doivent pas comparaître devant le tribunal militaire en cas de litige de droit commun, les opposant à un militaire. C'est un non sens, car les citoyens doivent être égaux devant la loi et il ne doit y avoir aucune exception à ce principe. Fadhel Moussa, président de la commission des juridictions à l'ANC, est de cet avis, et il l'a exprimé à maintes reprises devant la Constituante. Peut-il y avoir une divergence entre les constituants, concernant la substitution d'une juridiction militaire spécialisée, au tribunal militaire dans sa procédure actuelle ? Il est en tous cas presque unanimement admis, que toute juridiction d'exception est contraire au principe de l'égalité de tous les citoyens devant la Justice. La Justice militaire doit constituer pour cette raison une juridiction spécifique et non une juridiction d'exception dans son sens péjoratif.