Qu'est ce qu'ils sont heureux ! Qu'est ce qu'ils sont satisfaits ! Qu'est ce qu'ils sont soulagés... les tunisiens. Eux qui voulaient tout savoir, tout comprendre, connaitre la situation sans fard, savoir ce qui allait être entrepris pour y remédier... Eh bien ils ont été servis ! La déclaration, pourtant annoncée en grande pompe, de Mehdi Jomâa ce lundi a eu sur les quelque quatre millions de spectateurs, selon les sites spécialisés en audimat, l'effet d'une douche froide. En deux mots, Mehdi Jomâa a réussi l'exploit de parler de tout, de tout dire et tout révéler, sans pour autant rien apporter de nouveau que le tunisien ne sache déjà. Il a abordé plusieurs questions, avec un discours pesé, étudié, soigné... qu'il a achevé en queue de poisson. Il a trouvé en lui les ressources pour parler d'une catastrophe tout en gardant le sourire. Il a pris tout son temps pour évaluer une situation qu'il ne connaissait que trop, puisque faisant partie du gouvernement sortant. Puis il a soigné au maximum la mise en scène de son intervention, il faut avouer qu'il avait sous la main les meilleurs coachs de l'hémisphère. Mais malgré cela, son attitude trop vissée sur le fauteuil, et ses multiples regards évasifs ainsi que ses nombreux balbutiements ont vite fait de trahir une gêne considérable de ce qu'il pouvait offrir à une audience assoiffée accrochée aux écrans de télé dans l'espoir de quelque annonce libératrice ou apaisante. Et même le stylo (de marque, du reste) qu'on a bien pris le soin de lui glisser entre les mains pour l'aider à se donner un air d'assurance n'y a rien fait, bien au contraire, çà l'a plus incommodé que soulagé. Et tout çà pour dire quoi ? Pour annoncer que le pays est en faillite, pour dire qu'il ne sait plus s'il va pouvoir trouver des fonds pour payer les gens ou pour payer les dettes du pays, pour demander aux citoyens vivant déjà en pleine misère qu'il va falloir se resserrer la ceinture et mettre la main à la poche pour avancer de l'argent à l'Etat... Non, monsieur Jomâa, vous avez eu tout faux ! Vous le technocrate, vous le sauveur de la nation, vous l'homme qui a bénéficié de la bénédiction de l'occident et de l'orient... Vous n'aviez pas le droit de dire cela aux tunisiens ! Ce n'était absolument pas ce qu'ils attendaient de vous ! Vous ne deviez pas leur dire que le pays est en faillite par leur faute, parce qu'ils n'ont pas travaillé pendant trois ans. Il ne fallait pas les rendre coupables de la fuite des richesses, que tout le monde sait qui les a prises. Il ne fallait surtout pas tomber dans le piège de la facilité en copiant sur vos prédécesseurs et aller chercher l'argent facile de chez le contribuable. On ne crée pas de la richesse en empruntant aux citoyens. Les tunisiens savaient, et sentaient dans leur chair, que la situation était aussi désespérée. Ils attendaient des solutions. Ils attendaient que le nouveau premier ministre pointe du doigt les vrais responsables. Ils attendaient qu'il prenne ses responsabilités conformément à la confiance qu'ils ont mises en sa personne et en sa valeureuse équipe, pour trouver les remèdes et pour démasquer les coupables. Les tunisiens s'attendaient à ce que dès le lendemain matin, il allait y avoir foule devant le pôle judiciaire du côté de l'avenue Mohamed V, pour demander des comptes aux responsables... Mais il semblerait que les appréhensions qui ont précédé la nomination soient quelque peu fondées, et beaucoup de tunisiens flairent en ce moment des relents de deals qui auraient été conclus entre pas mal de belligérants dans un sens de garanties d'impunité données en contre partie de leur départ. D'ailleurs, cette impunité, il parait que ce ne sont pas seulement les responsables qui en bénéficient mais aussi leur progéniture. Sinon, comment expliqueriez-vous l'arrogance avec laquelle le fils à Ali Laârayedh se promène de faculté en faculté en semant le désordre et le chaos ? Quel gâchis, un mois à peine après une nomination pourtant tellement applaudie. Il faudra redouter les résultats des futurs sondages qui dépeindront l'effet de cette allocution sur le mental des tunisiens et sur l'image qu'ils se font de leur gouvernement!