« Conflit », le film tant attendu est enfin sorti. Interdit de projection avant les élections pour des raisons de sécurité nationales et non sélectionné aux JCC, Moncef Barbouch, son réalisateur a dénoncé à travers les médias la politisation de son œuvre et l'injustice dont il a été victime. Projeté en avant-première ce Mercredi à la salle le Colisée, il m'a semblé opportun d'aller voir ce film décrivant les années sombres de la répression sous Ben Ali pour m'enquérir du traitement et de la lecture de ces années de plomb par un ancien activiste islamiste. Quelle déception ! Nonobstant l'excellentissimes jeu et direction d'acteur et les gros moyens alloués, le film se révèle hélas une vaine tentative de s'approprier l'histoire et de la réécrire de façon partisane qui glorifie et amplifie la foi des uns et marginalise et réduit l'engagement d'autres. Le film dépeint la répression, l'horreur et les dérives sécuritaires du régime de Ben Ali. Il s'est voulu une fiction –documentarisée racontant la souffrance, la torture, le déchirement, l'exil forcé et la sauvagerie exercée sur les activistes politiques des années 90 mais s'est révélée hélas une déformation flagrante du militantisme tunisien et une vision sélective de la souffrance des combattants pour la liberté. Compatissant avec la douleur des islamistes, respectant leur foi et leurs engagements et répugnant cette barbarie dont ils ont été victimes, j'ai pleuré en regardant certaines scènes émouvantes et d'une extrême sensibilité. Mais j'ai pleuré aussi pour l'injustice de ce film et la tentative du réalisateur de réécrire l'histoire à sa façon. J'ai pleuré pour ce holdup de la souffrance. J'ai pleuré pour le traitement partisan de la lutte pour la LIBERTE. N'en déplaise à monsieur Moncef Barbouch, le film a manqué d'honnêteté intellectuelle car les islamistes, avec tout le respect qu'on doit à leur combat, n'ont pas le monopole du militantisme et de la souffrance. Et contrairement au réalisateur qui a été sélectif dans son traitement, le régime de Ben Ali ne l'a jamais été jamais été en bâillonnant tous les esprits libres. Les syndicalistes, les Watad, les Communistes, les Progressistes, les Socialistes…Tous ont autant souffert que les islamistes. Tous ont connu la même déchirure. Tous ont vécu dans la clandestinité. Tous ont connu les geôles, l'exil, l'humiliation et l'isolement mais personne n'a vendu son âme et n'a monnayé son combat. On peut compatir avec la souffrance réelle du réalisateur et s'émouvoir du triste sort réserver aux militants islamistes mais dénigrer et marginaliser ainsi une catégorie de militants d'un autre bord n'est qu'une déformation de l'histoire et un holdup inachevé d'une douleur largement partagée.