Samedi dernier, en marge du démarrage des travaux de l'ARP, dédiés à l'examen du projet de loi de finances 2021, le député Al Karama, Seif Eddine Makhlouf a réussi à créer « l'évènement ». A pleins poumons, le député appelait le gouvernement à prendre en compte les « cerveaux » tunisiens, à encourager la recherche locale et à appuyer les génies qui sont souvent « ignorés ». Revenant sur la question du vaccin anti-Covid-19, qu'il a dit « inutile » puisque très dur à stocker et inefficace si le virus venait à muter, il a brandi une petite fiole noire affirmant qu'un Tunisien avait réussi à trouver un remède au Covid-19 dans une totale indifférence des autorités compétentes et ajoutant même que ce médicament allait être dérobé par les pays étrangers qui s'en accapareraient le mérite.
Si le speech enflammé du député Makhlouf a réussi à attirer l'attention et réveillé les quelques courageux qui ont décidé de suivre cette plénière, il a suscité un vrai tollé de réactions sur la toile. Bien évidemment les sceptiques n'ont pas manqué de tourner en dérision cette « révélation » mais une chose est sûre, elle a aussi attisé la curiosité. En temps de pandémie, tout espoir est bon à prendre. Seif Eddine Makhlouf, défendait donc un « petit laboratoire » comme il l'a décrit qui a réussi à breveter un médicament « à base bio », sans que « cette innovation » ne trouve une seule oreille attentive au ministère de la Santé.
Les propos du député ont, d'abord, rapidement été démentis par le directeur de l'Institut Pasteur, Hechmi Louzir qui a affirmé n'avoir aucune information sur le sujet. « On parle de produits bios et d'huiles essentielles, certains me l'ont dit, mais personne ne sait comment ils font. (…) Je ne veux pas être négatif, mais il n'y a pas de preuves probantes dans les publications scientifiques et dans les données établies et précises sur un nouveau remède commercialisé en Tunisie » a-t-il indiqué dans une déclaration à Mosaïque FM. A lire également Louzir : Je n'ai aucune information sur l'existence d'un remède naturel tunisien contre le Covid-19 !
Le sujet est tellement sensible et la curiosité des Tunisiens en devint si insoutenable, que c'est Mounir Bezerga – universitaire et inventeur du produit – que l'on s'arrachait hier, sur les plateaux, pour en dire plus sur son « médicament ».
Le concerné a expliqué que ce remède bio n'est en réalité qu'un simple complément alimentaire à base de plantes. Il a précisé que ce complément alimentaire – baptisé immunodefender – avait été breveté en novembre et qu'il est principalement constitué d'huiles essentielles. Un produit naturel donc qui ne nécessite pas de tests cliniques pour être commercialisé.
Mounir Bezerga a ensuite affirmé, que des parentes du député Seif Eddine Makhlouf, ont pu guérir du Covid-19 grâce à son produit et que c'est pour cela que le député en a parlé à la plénière.
Ce que ne dit pas le mathématicien entrepreneur en revanche, c'est que Seif Eddine Makhlouf est aussi, ou du moins l'a été à un moment, l'avocat de la société « Biodex » dont il est le PDG et qui est le « petit laboratoire » à l'origine du « médicament ».
En 2014, ce laboratoire avait été au centre d'un scandale douanier révélé sur la chaîne islamiste Zitouna TV. Ce n'est autre que l'acolyte de Seif Eddine Makhlouf, le député Al Karama Maher Zid, qui avait mené l'enquête sur des soupçons de fraude à la douane commis par Biodex.
La société, spécialisée dans la transformation d'huile usagée en biocarburant, a été soupçonnée d'exporter de grandes quantités d'huile végétale subventionnée et Maher Zid avait même été attaqué au jet de pierre quand il a tenté de se rendre sur place pour mener son investigation.
C'est donc Seif Eddine Makhlouf qui était alors l'avocat de Biodex et qui est intervenu dans l'émission dédiée au dossier pour défendre la société. Le député avait alors qualifié l'affaire d'un film de « science-fiction », un adjectif qui sied à merveille à sa récente intervention.