Le comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, a tenu ce mercredi 30 juin 2021, une conférence de presse pour divulguer aux médias et au public le contenu du rapport de l'enquête menée par l'inspection générale relevant du ministère de la Justice sur l'affaire Béchir Akremi. On rappellera que ce rapport, entouré du plus grand secret, a été soumis au Conseil de l'ordre judiciaire qui a décidé de le traduire devant le conseil de discipline. A la suite de cette décision, le ministère a demandé la récupération du rapport d'inspection afin d'y « apporter des rectifications sur le plan de la forme ».
Selon le comité de défense, l'inspection générale a procédé à un inventaire physique des registres et dossiers en cours du pôle antiterroriste qui a montré que :
6268 procès-verbaux au pénal, concernant des crimes terroristes, n'ont pas été achevés 1361 PV abandonnés en raison d'un caractère terroriste, non inclus dans le registre Les PV en question ne sont pas consignés et certains datent de 2016
Béchir Akremi, précise le comité de défense a ignoré et laissé trainer dans les tiroirs des dizaines de dossiers concernant notamment : L'embrigadement des jeunes et leur transfert vers les zones de tensions Un rapport qui a été envoyé à l'unité de sécurité, qui l'a renvoyé car aucune instruction de Béchir Akremi n'y est mentionnée
Le juge n'a pas tranché sur des dossiers déférés par les tribunaux de droit public dont : Des procès-verbaux reçus du Tribunal de première instance de Kasserine et relatifs à : 46 PV liés aux groupes terroristes 9 PV concernant des intrusions de groupes terroristes aux domiciles de citoyens, des vols et des menaces de mort Un rapport relatif à une tentative d'assassinat sur un agent de sécurité par un groupe terroriste qui a tiré sur sa voiture a été transmis au pôle antiterroriste le 18 avril 2019 pour le caractère terroriste des actions, et aucune mesure n'a été prise à cet égard depuis cette date.
Le comité de défense poursuit en soulignant qu'après avoir effectué un inventaire au bureau du premier assistant, Anis Gharbi, l'inspection a pu relever que des dossiers comportent des décisions non datées et certains ne sont même pas signés et n'ont pas été remis au secrétariat pour compléter les procédures ou les distribuer aux bureaux d'enquête.
Le rapport évoque les dossiers suivants : 56 PV dans lesquels a été prise la décision d'ouvrir une enquête, non datés et non signés 43 PV pour lesquels des décisions de garde à vue ont été rendues 54 PV dans lesquels les décisions ont été prises pour poursuivre certaines recherches mais n'ont pas été dirigées vers les unités de sécurité pour achèvement (Ces dossiers remontent à 2017 et 2018) 29 PV dans lesquels aucune décision n'a été prise, datées de 2016, 2017, 2018 et 2019. 9 PV pour lesquels des décisions ont été prises, datés et signés, qui n'ont pas été transmis au secrétariat pour compléter les procédures
Le rapport parle même d'affaires transférées par le Tribunal militaire pour caractère terroriste et ignorées depuis. Il évoque des rapports techniques, médicaux et scientifiques qui ont été fournis par le Tribunal militaire et n'ont pas été versés aux dossiers, des rapports sur les armes, les munitions ou les explosifs, et les tests d'autopsie, les corps de certains terroristes, autant d'éléments qui ne figurent sur aucun dossier, qui n'ont pas été consignés dans les registres à leur réception et qui concernant des affaires qui remontent pour certaines à 2015.
« Ce qu'a fait Béchir Akrémi ce sont des crimes, il s'est rendu complice et cela dépasse de loin le simple cadre disciplinaire. Aujourd'hui on veut le blanchir car il menace certains juges mais nous ne laisserons pas faire. Ce rapport est l'arbre qui cache la forêt et nous allons le rendre public advienne que pourra. Béchir Akrémi est le procureur des terroristes, c'est un terroriste infiltré dans la justice et ses actes ne doivent pas rester impunis. Ceux qui disent que son dossier est vide dans des tentatives désespérées de le couvrir, nous leur disons que c'est leur tête qui est vide s'ils croient qu'ils pourront y arriver, que c'est leur cœur qui est vide de toute humanité et de tout patriotisme. Ce rapport nous le publierons et nous mènerons toutes les actions qu'il faudra pour empêcher qu'il soit blanchi quitte à prendre tous les risques » ont martelé les avocats de la défense de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Ils ont enfin précisé qu'ils allaient traduire le rapport d'inspection en anglais et en français et le transmettre aux organismes internationaux concernés pour leur donner une idée sur la justice tunisienne et sur ses pratiques.