*Professeur d'économie à l'Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis (ESSEC) La problématique relative à l'endettement public se pose depuis des décennies et a resurgi depuis quelques années au cœur des débats économiques et politiques. Si la part de la dette par rapport au PIB est d'autant plus préoccupante aujourd'hui, sa structure n'est pas neutre et pose des questionnements. Le taux d'endettement tunisien représente actuellement 92% du PIB et dépasse les 100% si nous ajoutons la garantie de l'Etat pour les prêts accordés aux entreprises publiques. Contrairement à plusieurs autres pays où l'endettement dépasse les 100%, nous considérons ce chiffre comme énorme pour la Tunisie surtout que les perspectives économiques en termes de croissance et d'investissement ne sont pas bonnes. Le taux d'endettement dépend du contexte économique du pays et c'est la raison pour laquelle, plusieurs pays ont un taux d'endettement qui dépasse les 100% mais ne sont pas inquiets par rapport à cette situation parce qu'ils continuent à faire de la croissance et à créer de la richesse. Généralement, un endettement au-delà de 100% n'est pas considéré comme un problème dans les pays avancés puisque les perspectives de développement sont positives contrairement à la Tunisie qui ne pourra plus payer ses crédits que via l'endettement pour absence de croissance, de production dans des secteurs dynamiques et d'exportations de biens et services. En outre, le plus inquiétant c'est l'encours de la dette publique qui est composé à hauteur de 70% de la dette extérieure et à 30% de la dette intérieure et que le Gouvernement remplace les anciennes dettes par de nouvelles dettes. Ce mode de remboursement de la dette publique par de nouvelles dettes peut s'assimiler à ce que l'on peut appeler un jeu de Ponzi. Pire encore, on s'endette en devise pour dépenser en dinars dont principalement la rémunération des salaires des fonctionnaires. Les autorités ont sollicité le marché extérieur parce que le taux d'intérêt ne dépasse pas les 2 à 3%, contrairement au marché intérieur où on s'endette avec un taux d'intérêt supérieur à 8%. Cependant, le coût financier sur le marché national même s'il est élevé, est nécessairement moins risqué en termes d'indépendance vis-à-vis des politiques étrangères, des bailleurs de fonds et de défaut de paiement. En plus, il ne peut qu'améliorer la soutenabilité de notre dette. Dans ce contexte, il est important d'évaluer les relations d'arbitrage entre les coûts et les risques qui sont associés à différentes stratégies d'emprunt. Il est à signaler que le Maroc a choisi une structure de la dette tout à fait opposée à celle de la Tunisie c'est à dire 70% de la dette totale est intérieure et 30% de la dette totale est extérieure Les gestionnaires de la dette doivent répondre principalement à plusieurs questions comme par exemple, quelle sera la structure de nos emprunts ? Quels seront les coûts et les risques des emprunts ? Faut-il choisir des emprunts à court ou moyen long terme ?
Les coûts sont calculés par la moyenne annuelle des charges d'intérêt exprimée en pourcentage de l'encours total de la dette. Alors que les risques sont mesurés par l'encours qui arrivera à échéance et devra être remboursé au cours d'une période sans aucune difficulté c'est-à-dire la dette est soutenable. On peut aussi ajouter une autre mesure de risque comme le degré de volatilité des frais d'intérêt et/ou le degré de variabilité du solde budgétaire de l'Etat imputable à la corrélation entre les coûts d'emprunt et l'évolution des recettes et dépenses publiques et autres comme les questions liées à la souveraineté. Il est évident que la structure de notre dette a entrainé des risques élevés supérieurs aux coûts. Le risque augmente lorsque la monnaie nationale n'est pas une devise. On doit accumuler des devises pour rembourser la dette extérieure, alors que la dette intérieure est remboursée en dinars. Ainsi, la gestion de la dette publique devra être efficiente pour permettre de satisfaire les exigences d'endettement ou de remboursement sur la base d'une stratégie combinant de manière optimale les coûts et les risques.