La France a annoncé, mardi, le durcissement de sa politique d'immigration. Une annonce qui intervient à quelques mois de l'organisation de l'élection présidentielle pour remédier à la question migratoire ; talon d'Achille du président français, Emmanuel Macron. Le pays envisage de réduire de 30% le nombre de visas accordés aux Tunisiens, entre autres, par rapport à l'année 2020. Motif : un manque de coopération diplomatique sur les dossiers d'obligation de quitter le territoire français (OQTF). Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a expliqué que cette décision venait clôturer un dialogue stérile conduit avec les autorités tunisiennes. Celles-ci auraient fait preuve de nonchalance sur l'octroi de laissez-passer consulaire (LPC), un document permettant le rapatriement en Tunisie des ressortissants tunisiens en situation irrégulière sur le territoire français.
La nouvelle a suscité une grande polémique en Tunisie surtout que la décision française se base sur les chiffres de 2020, année marquée par l'éclatement de la pandémie Covid-19 et la mise en place de restrictions drastiques de déplacement au niveau du globe.
La déclaration de M. Attal vient, d'ailleurs, contredire les arguments avancés par le ministère français de l'Intérieur sur la baisse du nombre des éloignements d'étrangers exécutés en 2020.
Dans un communiqué publié le 15 juin 2021, le ministère français de l'Intérieur a indiqué : « La lutte contre l'immigration irrégulière se poursuit, mais en 2020 le total des éloignements d'étrangers en situation irrégulière est en baisse de 47,8 % notamment du fait des plus grandes difficultés à organiser des déplacements dans un contexte de crise sanitaire avec le resserrement des frontières des pays destinataires, la fermeture de nombreux consulats des pays étrangers freinant l'obtention de LPC, l'effondrement du trafic aérien, la difficulté à obtenir des test PCR. Ce sont les éloignements forcés et les départs volontaires aidés de ressortissants de pays tiers qui se replient le plus (resp. - 51,8 % et - 63,0 %). Les éloignements aidés et spontanés étant les moins affectés par cette baisse (resp. - 39,8 % et - 22,7 %). Au total près de 15 950 étrangers en situation irrégulière ont quitté le territoire national en 2020 (éloignements, départs volontaires aidés et départs spontanés), soit un niveau inférieur de moitié à celui de 2019 ».
Plus tôt en 2020, dans le rapport sur les chiffres clés de l'immigration de 2019, les autorités françaises ont salué l'amélioration de la coopération consulaire. « Dans le même temps, le taux de délivrance de LPC dans les délais utiles à l'éloignement ne cesse de s'améliorer passant de 35,2 % en 2013 à 67,1 % en 2019. Ceci traduit le bilan positif de la coopération consulaire, notamment pour les principaux pays à enjeu particulièrement fort en la matière. La majeure partie de ces Etats ont amélioré leur coopération. Cependant, en termes de délivrance des LPC dans les délais, les résultats enregistrés par les pays du Maghreb demeurent en deçà de la moyenne, même s'ils sont en hausse, eu égard aux enjeux qu'ils représentent en matière d'immigration irrégulière: 51,2 % des demandes de laissez-passer consulaires leur sont adressées ».
Selon le même rapport, sur les 7.271 mesures d'éloignement prononcées contre des ressortissants Tunisiens en situation d'irrégularité sur le territoire français, 1.276 ont été exécutées avec un taux de délivrance des LPC dans les relais de 52,8%.
Le ministre français de l'Intérieur a, pour sa part, signalé que cette politique migratoire n'était guère nouvelle. Dans une intervention sur le plateau de Jean-Jacques Bourdin, mercredi 29 septembre 2021, il a confirmé les chiffres avancés par Gabriel Attal sur le taux de réduction des visas et a souligné que les autorités françaises avaient mis en place ces mesures depuis des mois dans une logique de réciprocité par rapport aux pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants « indésirables » tant en France que dans leurs pays d'origine.
Le nombre de visas octroyés aux Tunisiens par la France a, notons-le, été largement réduit en 2020. Au total, 49.458 ont été accordés soit -66,1% par rapport à 2019, selon le rapport des chiffres clés sur l'immigration pour l'année 2020.
M. Darmanin a, cependant, précisé que les demandes de visas seraient traitées aux cas par cas et suivant l'évolution des relations avec les pays concernés par le durcissement des modalités d'octroi de visas.