Ennahdha doit se réinventer, rompre avec l'islam politique et se réorganiser en commençant par écarter son chef, Rached Ghannouchi. C'est ce qu'a indiqué le dirigeant démissionnaire du mouvement islamiste, Imed Hammami dans une interview accordée au quotidien Al Chourouk et parue dans son édition papier du lundi 17 janvier 2022. « C'en est fini d'Ennahdha (…) Il doit changer de vitrine s'il veut se repositionner. Le premier pas à faire est de remplacer Rached Ghannouchi puis des réformes profondes. Une génération entière doit partir », a-t-il avancé.
Selon Imed Hammami, son ancien parti a été honni à cause de Rached Ghannouchi « qui a rejeté le 25-Juillet et insiste à retenir en otage Ennahdha et la Tunisie au profit de son agenda ». « (Zine El Abidine) Ben Ali était d'ailleurs meilleur que (Rached) Ghannouchi ; ce dernier sait qu'il est conspué, mais il tient encore à rester », a-t-il ajouté rappelant que Ben Ali est parti pour éviter aux Tunisiens un bain de sang. Le politicien a laissé entendre, par ailleurs, que Rached Ghannouchi était impliqué dans la même affaire que Noureddine Bhiri, celle de l'octroi illégal de passeports et de certificats de nationalité. Cette affaire à caractère terroriste – selon le ministère de l'Intérieur – a, rappelons-le, fait scandale en Tunisie fin décembre. Elle a été révélée au grand public après l'arrestation de l'ancien ministre de la Justice et dirigeant nahdhaoui, Noureddine Bhiri. M. Hammami a affirmé que Rached Ghannoouchi avait permis au beau-père de son fils – Mouadh Ghannouchi – d'obtenir un passeport et la nationalité tunisienne.
Revenant sur l'arrestation de Noureddine Bhiri – qualifiée de kidnapping et disparition forcée par les dirigeants d'Ennahdha, entre autres – il a estimé que les choses auraient pu se dérouler avec davantage de subtilité pour éviter les soupçons d'un éventuel règlement de comptes entre ennemis politiques. « Il est des prérogatives du ministre de l'Intérieur de placer quiconque en résidence surveillée, mais il y a des procédures à respecter », a-t-il noté. Commentant les récents évènements, notamment les manifestations du 14-Janvier qui ont basculé dans le chaos, le politicien a déclaré : « Nous devons respecter le pouvoir en place, ses prérogatives et ses décisions. S'il y a un commentaire à faire, il faut s'y prendre en usant de moyens démocratiques. Défier ainsi le pouvoir était une décision irresponsable ». Vendredi dernier, plusieurs partis politiques – Ennahda, le Parti des travailleurs, Al Jomhouri et Attayar, entre autres – ont organisé, chacun dans son coin, un rassemblement pour célébrer le 14-Janvier – fête de la Révolution annulée par décret présidentiel – , et dénoncer le « coup d'Etat », de Kaïs Saïed. Ces manifestations ont lieu alors que la présidence du gouvernement a décrété un couvre-feu et une interdiction de rassemblement pour deux semaines depuis le 13 janvier au vu de l'évolution de la situation épidémiologique.
Imed Hammami a, dans ce même contexte, exprimé son soutien au président de la République soulignant que le rejet du processus juilletiste par le mouvement Ennahdha émane de la volonté du parti de protéger Rached Ghannouchi et son entourage et non la Tunisie et sa démocratie. Certains ont souhaité tirer les bonnes leçons du 25-Juillet, mais Rached Ghannouchi les en a empêché les poussant ainsi à la porte, selon M. Hammami. « Au niveau des valeurs, Kaïs Saïed a su triompher de tous avec son honnêteté, sa loyauté et son amour pour la Tunisie loin des calculs étroits », a-t-il ajouté.