L'Organisation arabe des technologies de l'information et de la communication (Aicto) a donné, lundi 9 mai 2022, le coup d'envoi du tout premier sommet interrégional sur l'IPv6. Cet évènement organisé – sous l'égide du ministère tunisien des Technologies de la communication en partenariat avec l'Union africaine des télécommunications et les opérateurs téléphoniques Tunisie Telecom et Ooredoo Tunisie – vise à fédérer les acteurs du secteur des télécommunications pour engager, incessamment, la migration vers la version 6 du protocole internet à la veille du lancement commercial de la 5e génération des réseaux mobiles et le boom de l'internet des objets qui s'en suivra. « L'internet associé à l'intelligence stimule et soutient la croissance accélérée de l'économie dans son ensemble et conduit à l'économie numérique. Cependant, l'utilisation accrue d'internet dans tous les domaines a commencé dans les années 90 et se poursuit encore aujourd'hui atteignant plus que cinq milliards d'utilisateurs dans le monde et la prolifération des terminaux intelligents exerce une énorme pression sur les réseaux existants et accélère la chute dans le nombre d'adresses disponibles. Ce qui signifie que nous sommes au bord de l'épuisement imminent des adresses IP dans leur version IPv4 et qu'il est urgent, vraiment urgent, de passer au réseau de nouvelle génération IPv6 », a déclaré le secrétaire général de l'Aicto, Mohamed Ben Amor, dans son mot d'ouverture.
La fin du stock IPv4 étant imminente, il est aujourd'hui impératif de puiser dans la suite de 128 bits qu'offre l'IPv6. Mais au-delà de corriger les défaillances de l'IPv4 et pallier la pénurie d'adresses, ce passage obligatoire garantit la possibilité, pour les entreprises entre autres, de connecter un nombre infini d'objets intelligents – avec ou sans fil –, de doubler ses moyens de communication, de créer de nouveaux produits et services innovants à la hauteur des attentes des utilisateurs, de s'assurer de nouveaux revenus et par conséquent de devenir un véritable moteur de croissance dans un tissu économique agonisant. Il s'agit là de garantir la pérennité d'un internet ouvert et mondial dans un contexte où l'économie numérique est considérée comme un levier de croissance non seulement pour les pays développés mais surtout pour ceux en développement.
Notant les limites de l'IPv4, le Vice-président exécutif de Huawei Northern Africa, Philippe Wang, a, de son côté, réaffirmé l'indispensabilité de l'IPv6 pour toutes les applications intelligentes, la télémédecine à titre d'exemple. Il a fait savoir, dans ce sens, que l'équipementier chinois proposait tout un concept : l'IPv6 Enhanced, un système technologique innovant et sécurisé, garantie d'une meilleure performance et d'une meilleure expérience utilisateur. Car « le futur internet a besoin de plus que des adresses », selon ses dires.
Autre argument en faveur de l'IPv6 : l'augmentation du prix des adresses IPv4 encore disponibles. Selon Dr. Xipeng Xiao (Datacom Standard & Industry Development Huawei Europe) le prix d'une adresse IPv4 a doublé en 2021 pour atteindre 50 dollars. Ce qui représente un coût considérable en comparaison avec celui de l'acquisition d'un stock d'adresses IPv6. Le Registre internet régional pour l'Afrique (Afrinic) a, rappelons-le, décidé d'octroyer ces ressources gratuitement. Un atout majeur qui ne peut que favoriser l'accélération de la migration vers la nouvelle version du protocole internet en dépit des challenges. Ceux-ci sont répartis sur quatre catégories : la motivation, le savoir, l'écosystème et la technologie. Se référant à une enquête réalisée par l'Afrinic en 2017, le responsable chinois a expliqué que le management, le savoir et les compétences venaient en haut de l'échelle des défis à surmonter pour réussir la transition vers l'IPv6 en Afrique.
Outre ces défis, la migration vers l'IPv6 nécessite des efforts conjoints de tous les acteurs. Qu'il s'agisse de gouvernements, d'entreprises ou acteurs du secteur des technologies de la communication. Fédérer cet écosystème semble une priorité. C'est ce qu'a laissé entendre le secrétaire général de l'Union africaine des télécommunications, John Omo. « L'Afrique a encore de longs pas à parcourir à ce niveau », a-t-il affirmé appelant à s'interroger sur les raisons des retards accusés dans le déploiement de l'IPv6 par les pays africains. Les disparités enregistrées à ce niveau sont, en effet, grandes. Selon l'Afrinic, seuls 51 pays du continent disposent d'adresses IPv6. Les cinq premiers pays ayant des ressources importantes sont, selon les chiffres de l'Afrinic, l'Afrique du Sud (314 préfixes), le Nigéria (78), le Kénya (58), Tanzanie (50), le Ghana (35). Le stock de la Tunisie est, lui, à zéro.
Cet évènement a, notons-le, été marqué par la publication d'un livre blanc axé autour des moyens susceptibles de préparer convenablement la migration vers l'IPv6. Dans l'ensemble, il recommande de mettre en place de construire des campagnes de sensibilisation et d'inclure la formation à l'IPv6 dans les cursus universitaires, la création d'une stratégie nationale de haut niveau et la définition des conformités pour les fournisseurs de services et les réseaux gouvernementaux.