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Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?
Publié dans Business News le 20 - 06 - 2025

Le monde contemporain ne se contente plus de défier nos certitudes : il les pulvérise. Il se présente comme une imbrication de crises, un entrelacs de bouleversements, un enchaînement de ruptures qui dépassent les cadres classiques de la pensée. Guerres ouvertes et conflits gelés, effondrement climatique et exaspération identitaire, emprise technologique et désertification du sens : il ne s'agit plus de réagir à des événements isolés, mais de comprendre un processus global, qui ronge les structures, fragilise les sociétés et désoriente les consciences.
En effet ce monde ne s'écroule pas d'un bloc ; il se décompose par fragments. Et dans cette désintégration silencieuse, dans cette désarticulation des récits collectifs, se pose avec acuité la question du rôle de celles et ceux qui pensent. Non pas pour surplomber le tumulte, mais pour y inscrire une parole qui relie. Non pour administrer des vérités, mais pour réhabiliter l'art de questionner.
Pour comprendre cette fragmentation du monde, il convient d'abord de saisir sa nature profonde.

Une époque d'interférences
Ce que nous vivons n'est pas une simple addition de crises, mais une « crisification » des crises : une convergence de tensions systémiques qui interagissent les unes avec les autres. L'économique n'est plus dissociable de l'écologique, le géopolitique s'entrelace avec le symbolique, le cyberespace bouleverse les structures sociales autant que les représentations mentales.
Dans ce contexte, la pensée compartimentée devient aveugle. Toute vision qui isole, qui découpe, qui oppose en silos perd sa capacité de compréhension. Ce n'est pas seulement le monde qui devient illisible ; ce sont nos outils cognitifs qui s'avèrent insuffisants. Ce qui manque, ce n'est pas l'information, mais l'intelligibilité.
Face à cela, l'intellectuel n'est pas un détenteur de savoir, mais un tisseur de liens. Il ne doit pas séparer, mais relier. Il doit mettre en résonance des champs disjoints, explorer les interfaces, habiter les interstices. Il doit porter une pensée capable de relier le local au global, le rationnel au sensible, la mémoire à l'avenir.
Cette mission de tissage des liens suppose une nouvelle façon d'exercer la parole intellectuelle.

Une parole pour relier
La mission de l'intellectuel, aujourd'hui, n'est ni héroïque ni solitaire. Elle est modeste mais essentielle : maintenir vivante la capacité de relier ce que la logique technocratique dissocie. Ramener du sens là où ne subsistent que des procédures. Raviver la pensée là où triomphe la gestion.
Cela suppose de résister à la simplification, cette tendance si puissante qui transforme la complexité du monde en polarités creuses : eux/nous, progrès/déclin, occident/orient. La simplification est confortable, car elle dispense de penser. Mais elle est aussi destructrice, car elle anesthésie la conscience.
En réalité, penser, aujourd'hui, c'est accepter l'ambivalence, l'incertitude, la tension permanente entre des contraires qui ne se résolvent pas dans la synthèse mais dans le dialogue. L'intellectuel n'est pas là pour trancher entre deux options, mais pour déployer le champ des possibles, même lorsqu'ils paraissent contradictoires. Il ne prêche pas l'unanimité : il cultive la pluralité.
Or cette pratique de la complexité engage bien plus qu'une simple méthode intellectuelle : elle implique un positionnement moral.

Une éthique de la complexité
Force est de constater qu'ici, il ne s'agit pas seulement d'élaborer des idées, mais d'assumer une posture éthique. Une posture faite de vigilance, d'inquiétude, de fidélité au réel. Car dans un monde où tout pousse à l'oubli, où le présent s'impose comme tyrannie, l'intellectuel doit être celui qui entretient la mémoire et interroge les devenirs.
C'est ainsi que penser devient un acte de résistance. Non pas résistance dogmatique, mais résistance au formatage, à l'uniformisation, à l'oubli de ce qui fait l'humain. Car l'humain est paradoxal, contradictoire, inachevé — et c'est précisément pour cela qu'il est pensable.
L'intellectuel n'est pas un oracle. Il n'a pas de solution toute faite. Mais il peut poser les bonnes questions, celles qui empêchent la fermeture du sens, celles qui rouvrent l'imaginaire. Dans cette époque saturée de certitudes toxiques, de vérités criées, poser une question juste vaut parfois plus qu'une réponse facile.
Cette éthique de la complexité trouve sa pleine expression dans notre rapport au temps, particulièrement troublé en cette époque.

Habiter l'incertitude
Nous vivons une époque où le temps semble disloqué : l'avenir inquiète, le passé se brouille, le présent s'accélère. L'intellectuel doit habiter cette faille temporelle, non pour la combler d'illusions, mais pour y creuser un lieu de pensée. Il doit être présent à la catastrophe, sans céder ni au cynisme ni à l'impuissance.
Il ne s'agit pas de produire un savoir clos, mais un savoir ouvert, qui se remet en question, qui apprend, qui écoute, qui doute. Une pensée fragile, oui — mais justement parce qu'elle est humaine.
Il lui revient aussi d'être passeur : passeur entre disciplines, entre générations, entre continents. Il n'est pas là pour imposer, mais pour inviter à penser. Pour relier des langages, pour construire des ponts entre le vécu et le pensé, entre le proche et le lointain.
Au terme de cette réflexion, il apparaît que l'enjeu véritable n'est pas tant de produire des théories que d'insuffler une certaine qualité de présence au réel.

Un souffle dans la tourmente
Le monde n'a pas tant besoin de discours savants que de souffles de lucidité. Dans cette époque saturée de bruit, où l'image l'emporte sur l'idée, une parole claire, nuancée, enracinée peut être une forme de soin. Non un soin thérapeutique, mais un soin politique — au sens noble du terme.
Cette parole ne sauvera pas le monde. Mais elle peut empêcher qu'il ne se perde totalement. Elle peut rappeler qu'au cœur du chaos, une autre voie reste pensable. Elle peut faire apparaître les lignes de fuite, les interstices, les lueurs. Elle peut, simplement, garder vivante l'idée que l'humain n'est pas réductible à ses dérives.
Ainsi, penser devient une forme de veille. Une veille non pour juger, mais pour préparer, alerter, accompagner. Une veille qui ne s'endort pas dans le confort des idées mortes. Une veille qui accepte de douter pour mieux éclairer.

*Avocat et ancien diplomate


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