Le président de la République, Kaïs Saïed, a officialisé, vendredi 20 mai 2022, la création de la commission nationale consultative pour une nouvelle République. Le décret présidentiel publié à l'occasion n'a pas manqué de faire réagir la scène politique. Plusieurs personnalités ont critiqué les noms assignés, notamment la désignation du bâtonnier des avocats, Brahim Bouderbala, à la tête comité consultatif des affaires économiques et sociales. Selon le décret présidentiel paru dans le Jort de vendredi, la commission est répartie en trois structures : un comité consultatif des affaires économiques et sociales composé de représentants de l'UGTT, de l'Utica, de l'Utap, de l'UNFT et de la LTDH, un comité consultatif des affaires juridiques composé des doyens des facultés de droit, des sciences juridiques et politiques et présidé par le membre le plus âgé et un comité du dialogue national composé des membres des deux comités précédents et présidé par le président coordinateur de la commission nationale consultative, le doyen Sadok Belaïd. Elle aura pour mission de présenter – à la demande du président de la République – un projet de constitution pour une nouvelle République dans le respect des principes et objectifs de l'article 22 du décret 117, et des résultats de la consultation nationale, initiée par le locataire de Carthage. Un des premiers à réagir à cette annonce a été le député d'Attayar, Hichem Ajbouni. Dans un long statut sur sa page Facebook, il a, entre autres, dénoncé l'exclusion des partis politiques de la composition de ladite commission, d'un représentant du gouvernement en charge des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et d'un représentant de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Hichem Ajbouni n'a pas hésité à relever – sur un ton ironique – l'absurdité de certaines nominations, celles de Brahim Bouderbala et Sadok Belaïd. Le député s'est appuyé sur la déclaration médiatique du bâtonnier des avocats pour attaquer ce dernier sur son manque de compétences économiques. Me Bouderbala a, rappelons-le, estimé que la gestion des affaires économiques du pays était tâche facile et qu'il était tout à fait capable de s'acquitter de cette mission puisqu'il sait le faire pour ses dépenses personnelles. Pour ce qui est de Sadok Belaïd, Hichem Ajbouni a raillé le savoir-faire du doyen, un spécialiste, selon ses dires, dès qu'il s'agit « de broder une constitution sur mesure ». L'ancien dirigeant nahdhaoui et avocat islamiste, Samir Dilou, a, lui, qualifié le décret présidentiel de « chef d'œuvre ». Sur un ton sarcastique, il a relevé l'absence d'un comité spécialement conçu pour le gouverneur de Tunis, Kamel Fekih, un des fidèles proches du chef de l'Etat, laissant ainsi entendre que le président de la République a confectionné une commission nationale consultative sur mesure en guise de récompense pour ses plus grands aficionados. Abdellatif Mekki, également, ancien dirigeant nahdhaoui et ancien ministre de la Santé converti en « militant politique », s'est laissé emporter par un élan de patriotisme mettant en garde Kaïs Saïed, Brahim Bouderbala, et Sadok Belaïd sur les répercussions de leurs actes. « La Tunisie n'est pas votre propriété privée pour en faire ce que vous entendez », a-t-il écrit sur sa page Facebook. Réagissant au même sujet, l'ancien ministre des Domaines de l'Etat et avocat, Mabrouk Korchid, a estimé que par son décret le président de la République a définitivement enterré le dialogue national. Selon une publication sur sa page Facebook, le décret 30 n'est qu'un « bouche-prétexte ». Le dirigeant du Collectif « Citoyens contre le coup d'Etat », Jaouhar Ben M'Barek, n'a pas hésité, pour sa part, à rabaisser au plus bas le bâtonnier des avocats et le doyen Sadok Belaïd. En référence au manque d'expérience de Brahim Bouderbala en termes de gestion économique, il a affirmé que la seule expertise dont ce dernier jouissait était son « avarice ». Il a, également, critiqué le doyen Belaïd sur son âge notant : « Le monsieur qui va rédiger la constitution de la génération de la 5G est né avant la découverte de la télé et dans sa jeunesse, le transistor était la plus grande technologie ». L'ancien ministre de l'Education, Salem Labiadh, a, de son côté, critiqué la désignation de Sadok Belaïd en tant que président coordinateur de la commission nationale consultative rappelant que celui-ci – âgé de plus de 90 ans – n'avait pas réussi en 2011 à gagner la confiance du peuple tunisien et n'avait collecté lors des élections que quelques 4.391 voix. Indigné de l'exclusion des partis politiques, il a appelé ceux-ci à manifester clairement leur opposition au projet de Kaïs Saïed ou fermer définitivement leurs locaux. « Il n'y a plus de juste-milieu pour les partis politiques ; ou l'opposition ou la mort (…) même la fourmi défend son nid ! », a-t-il écrit. Le député nahdhaoui, Noureddine Bhiri, a, lui – semble-t-il – oublié l'adage « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Commentant l'annonce de Kaïs Saïed, il a critiqué la nomination de Brahim Bouderbala et Sadok Belaïd à la commission consultative non en remettant en doute leurs compétences, mais à cause de leur âge. « Dans le royaume du putsch, il n'y a pas d'huile de cuisson et il n'y pas de place pour les jeunes et les compétences », a lancé Noureddine Bhiri. Les partis ayant appuyé la démarche du président de la République depuis le 25 juillet – le mouvement Echâab, entre autres – n'ont, notons-le, toujours pas réagi à la décision de Kaïs Saïed.