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Abdelaziz Kacem: "Les Arabes ne méritent pas leur langue"
Publié dans Leaders le 18 - 12 - 2025

En préface à mon recueil Quatrains en déshérence (Editions Leaders, 2021), j'écrivais : «Poète bilingue, j'ai une langue-mère et une langue nourrice, deux noms pour chaque chose et deux horizons pour un imaginaire.» Or les gens de ma condition se raréfient, et je persiste, contre vents et marées, à défendre ce double champ lexical. Je me sens littéralement assiégé par des identités criminogènes et des nationalismes infantiles. J'en ai assez d'entendre, ici dans les pays du Maghreb comme là-bas en France et en Navarre, des influenceurs malfaisants et phobogènes vitupérer contre mes deux grandes dames: celle qui m'a proféré et celle qui m'a allaité de ses lais.
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Au pays de François Ier, l'arabe est enseigné au Collège de France depuis la création même de cette institution. Il connaît, dès 1795 et la fondation de l'Ecole des langues orientales, un essor considérable. Grâce à cet établissement, l'orientalisme français acquiert une notoriété telle que Goethe dédie son Divan occidental-oriental à Antoine-Isaac Silvestre de Sacy, titulaire de la chaire d'arabe. À Paris, Silvestre de Sacy et l'anatomiste Georges Cuvier comptaient parmi les personnalités que les visiteurs européens de marque s'empressaient de rencontrer. «C'était la France!», s'exclamait André Miquel. Pendant près de deux siècles, l'enseignement de l'arabe en France fut à la fois valorisé et valorisant. L'agrégation d'arabe, à la Sorbonne, constituait alors un titre de haute distinction.
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Depuis la disparition des Louis Massignon, Régis Blachère, Charles Pellat, Roger Arnaldez ou Henri Laoust, l'arabe a perdu ses grands connaisseurs et ses ardents défenseurs. Ces orientalistes insignes sont aujourd'hui mal remplacés, et l'aire arabisante se rétrécit comme peau de chagrin. Tel est l'état de l'université. Dans les collèges et les lycées, l'option «arabe, langue étrangère» s'efface, presque clandestinement. D'une cinquantaine de milliers il y a quelques décennies, le nombre d'élèves la choisissant est tombé à quatorze mille. Où vont donc les autres demandeurs ? Dans les mosquées, où l'on apprend à peine à lire et à écrire, juste assez pour se croire en règle avec le Ciel. Ils seraient près de quatre-vingt mille enfants, alors que leur place naturelle est à l'école républicaine.
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Sous l'influence de Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l'Education nationale et ardent défenseur de l'enseignement de l'arabe, Emmanuel Macron se saisit du dossier et prononce, le 2 octobre 2020 aux Muraux, un discours majeur. Il y dénonce le séparatisme, dont l'une des sources serait l'enseignement dispensé dans certaines mosquées. Parmi les mesures destinées à endiguer l'islamisme radical, il propose de renforcer l'enseignement de «la langue arabe à l'école ou dans un périscolaire maîtrisé.» Blanquer s'y engage aussitôt. Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, défend à son tour cette «proposition républicaine et courageuse» dans Le Journal du Dimanche (4 octobre). Anticipant l'ire de l'extrême droite, il ajoute : «L'enseigner à l'école, c'est aussi un moyen de réduire le pouvoir des religieux. Ceux qui dénoncent cette mesure feraient bien de réfléchir… ou alors ont-ils un surmoi raciste ?».
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En face, dès qu'il est question d'arabe, la droite dégaine son réflexe pavlovien : un islamiste, le couteau entre les dents. Les dénigreurs ont toutefois l'excuse de l'ignorance. Ils ignorent que l'arabe est l'une des six langues officielles de l'ONU, qu'il est antérieur à l'islam, que tous ses locuteurs ne sont pas musulmans, qu'il porte une immense bibliothèque scientifique et littéraire, qu'il a irrigué les langues romanes de milliers de mots— près de 4 000 en espagnol et en portugais, 2 000 en italien et à peine moins en français.
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Soit pour les petites gens et pour une extrême droite inculte. Mais qu'un ancien ministre de l'Education nationale tel que Luc Ferry juge l'idée «ridicule» et y voie «le meilleur moyen de booster la prolifération d'écoles coraniques» (CNews, 7 octobre 2020), alors même que l'objectif est précisément de les supplanter, laisse pantois. On croirait que ce philosophe éminent n'a jamais entendu parler d'Averroès ni d'al-Râzî, le Rhazès des Latins. Et l'on demeure stupéfait de voir cette langue passer de la fascination à l'indifférence, puis de l'indifférence à la répulsion. La soupçonner d'être un vecteur d'islamisme relève du contresens.
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Toujours est-il que le beau discours des Muraux, redoutant les rétorsions électorales, fut rangé au dossier des promesses sans suite. Telle est la situation en France. Je demeure convaincu que l'Hexagone, une fois remis de ses divers traumatismes — et sous certaines conditions— renouerait avec sa vocation d'antan, et que l'arabe retrouverait la place privilégiée qui fut la sienne aux temps fastes des grandes splendeurs culturelles françaises.
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Mais qu'en est-il sur nos propres terres ? La langue française s'y meurt doucement, victime de la défaillance de ses enseignants et de l'incurie de programmes scolaires à la dérive. Accusée d'être un vestige colonial, une cinquième colonne qu'il faudrait extirper, la francophonie — dont Bourguiba fut pourtant l'un des fondateurs — est malmenée au moindre grincement dans nos relations avec Paris.
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Allez dire à ces identitaristes obtus que nous n'avons aucun contentieux avec Voltaire; allez leur expliquer que le romantisme a toujours regardé l'islam avec respect et sympathie, qu'il a remis dans la grande circulation la splendide civilisation arabo-andalouse: ils vous rétorqueraient aussitôt : «Pourquoi, alors, ne se sont-ils pas convertis?»
Bêtise, bêtise… quand tu nous tiens.
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Comble du paradoxe : s'agissant des déboires de la langue arabe, certains contempteurs bien de chez nous, au Grand Maghreb, se trouvent être des alliés objectifs de la droite française. Le mouvement amazigh, héritier du Dahir berbère imposé au Maroc en 1930 par la France coloniale selon le sempiternel principe «diviser pour régner», s'est propagé jusqu'en Tunisie, voire en Libye. Il en vient à considérer l'arabe — contre toute logique historique — comme la séquelle d'une «expansion tout aussi coloniale» : la langue arabe aurait trop longtemps étouffé le «beau patois identitaire» indigène. D'autres, sans se réclamer de cette mouvance, préconisent le remplacement du littéral par le parler.
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On a beau leur dire : «Allez donc à votre jargon vernaculaire, si tel est votre choix.» Mais qu'ils laissent en paix cette grande dame qui, pour des raisons historiques inéluctables, a phagocyté le chaldéen, l'araméen, le syriaque, le copte ou le berbère, sans jamais altérer la fibre propre de ses locuteurs, sous toutes les latitudes.
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Des cuistres et autres demi-instruits maghrébins imputent leur propre inaptitude à la langue de Jahidh, de Mutanabbi, d'Ibn al-Haytham et d'Avicenne. L'arabe, crient-ils sur tous les toits, n'est pas fait pour les sciences. Or l'historien irlandais Peter Brown affirme qu'il était au Moyen Age «la seule langue proche-orientale où l'on croyait que toute pensée humaine et tout sentiment humain de l'amour, de la guerre et des chasses du désert, aux plus hautes abstractions métaphysiques, pouvaient s'exprimer»
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Décidément, notre maître, à la Sorbonne, l'éminent arabisant Régis Blachère avait bel et bien raison d'affirmer: «Les Arabes ne méritent pas leur langue».
Abdelaziz Kacem


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