Pour la deuxième année consécutive, Ons Jabeur est finaliste de Wimbledon. Un exploit qu'aucune autre Tunisienne, Africaine ou Arabe n'a réalisé auparavant. Ons nous a procuré un plaisir inégalé durant la quinzaine londonienne. Merci pour tout ce bonheur Ons, tu es une fierté. Notre fierté. Dimanche 16 juillet 2023, un mémorandum d'entente a été signé au palais de Carthage en présence du président Kaïs Saïed, de la présidente du conseil italien Giorgia Meloni, de la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen et du Premier ministre néerlandais démissionnaire Mark Rutte. Les grandes clauses du mémorandum n'ont été révélées que dimanche tard dans la soirée grâce aux Européens. Ni la présidence, ni le gouvernement tunisien n'ont jugé utile de nous donner des détails sur les négociations. Le ministère des Affaires étrangères s'est contenté de publier le contenu du mémorandum final, sans plus. La visite même du trio européen n'a pas été révélée. Nous l'avons apprise dans la presse italienne vendredi. Sur le fond, l'accord est une honte. La Tunisie jouera quelque part la police des frontières européennes, en contrepartie de quelques bakchichs. Les Tunisiens résidant en Europe, en attente de légalisation de leur situation, seront refoulés immédiatement, sans ménagement et sans respect de leurs droits de recours. Ceux qui ont un avocat pour faire valoir leur droit pourront rester. Ceux qui n'ont rien seront expulsés. A lire également Les détails de l'accord entre la Tunisie et l'Union européenne Sans surprise, le mémorandum contient de vagues intentions pour faciliter l'octroi de visa à ceux qui travaillent avec l'Europe ou veulent y passer des vacances. Les Européens pourront venir écouler leurs marchandises comme bon leur semble en Tunisie. Mais quand nos exportateurs veulent écouler les leurs, ils se trouvent face à des barrières administratives humiliantes, chronophages et énergivores. Le mémorandum n'est pas signé par deux parties qui se traitent d'égal à égal, il est signé par une partie néocoloniale et une partie néo-colonisée. Le mémorandum d'entente du 16 juillet 2023 ressemble au traité du 12 mai 1881 signé entre le bey de Tunis et le gouvernement français. À l'époque, les Tunisiens étaient des sujets et n'avaient pas leur mot à dire sur ce que signait le bey. Aujourd'hui, de nouveau, les Tunisiens sont des sujets et n'ont pas leur mot à dire sur ce que signe Kaïs Saïed. Leurs droits fondamentaux de citoyens sont bafoués. A lire également Ben Amor : la Tunisie a signé un mémorandum de soumission au chantage européen Petit rappel, Kaïs Saïed a été élu en 2019 pour des prérogatives bien déterminées par la Constitution de 2014. Ces prérogatives ne lui donnaient aucunement le droit de geler et dissoudre l'assemblée directement élue par le peuple. Ces prérogatives ne lui donnaient pas le droit de rédiger tout seul une constitution et de l'imposer après un simulacre de référendum avec un taux de participation contesté et ridicule. Et ces prérogatives ne lui donnaient pas le droit de signer des mémorandums d'entente avec quiconque.
Car la forme compte plus que le fond dans les pays développés, le mémorandum d'entente du 16 juillet 2023 est nul et non avenu, puisque signé par une personne non habilitée pour ce faire. Kaïs Saïed a beau pavaner et dire qu'il est le président élu au suffrage universel, je me dois (pour l'Histoire) de lui rappeler qu'il n'a pas été élu pour ces prérogatives et que le peuple ne l'a pas mandaté pour ce qu'il est en train de faire. Lui, qui adore parler de complot contre la sûreté de l'Etat, ce qu'il a signé hier est un vrai complot contre la sûreté des Tunisiens, notamment les sans-papier à l'étranger. Que ses aficionados continuent à l'applaudir et à l'acclamer, ils sont libres d'être des sujets méprisés par le chef de l'Etat. Tous les Tunisiens ne sont pas pareils et heureusement. Il existe une partie des Tunisiens, soit-elle infime qui a ce qu'on appelle de la dignité et de l'honneur. Meloni, Von der Leyen et Rutte ont beau pavaner et dire qu'ils ont signé un accord avec la Tunisie, je me dois (pour l'Histoire) d'attirer leur attention qu'ils ont signé un accord avec un putschiste et non un pays. Quand ce putschiste ne sera plus en fonction, l'accord sera jeté à la poubelle. Une démocratie qui se respecte, qui respecte les droits et qui traite les individus comme des citoyens ne peut pas accepter un accord méconnu par la population et non approuvé par une assemblée élue par la majorité du peuple. Le mépris de Kaïs Saïed à ses concitoyens, ça passe, c'est provisoire. Le mépris du trio dirigeant européen aux Tunisiens ne passera jamais. JAMAIS.
Le dernier sujet phare de la semaine est, sans conteste, la libération des militants Chaïma Issa et Lazhar Akremi. Ils ont été arrêtés en février dernier et croupissaient, depuis, en prison, accusés de complot contre la sûreté de l'Etat. Leur libération est conditionnelle et pas encore définitive, mais la chambre des mises en accusation a estimé que rien ne justifiait désormais leur détention. A lire également Chaima Issa : on m'a arraché de la gueule du monstre La justice (aux ordres) nous interdit de traiter le sujet de l'affaire de complot contre l'Etat. Je ne peux donc rien dire sur le fond. Mais il y a néanmoins une interrogation. Soit, Mme Issa et M. Akremi n'ont rien comploté et, auquel cas, leur détention de février est abusive. Soit, ils ont comploté et, dans ce cas, leur libération de juillet est arbitraire. Dans un cas comme dans l'autre, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette affaire et on sait laquelle. À défaut de pouvoir évoquer le fond, rappelons que le parquet n'a toujours pas communiqué de preuves de l'implication des différents protagonistes de l'affaire (tous des citoyens férus de politique) et rappelons ce principe fondamental de la justice, « l'accusé est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire ». Partant de ce principe de justice et constatant l'absence de preuves fournies par le parquet, j'estime que les personnalités politiques détenues depuis février subissent un complot de l'Etat contre leurs personnes. Leurs droits fondamentaux de citoyens sont bafoués et leur détention est abusive. Cela dit, ils ont beau être en prison, ils ont beau être salis par le régime, ces personnalités ont plus d'honneur et de dignité que les béni-oui-oui qui acceptent d'être considérés comme de simples sujets méprisés de sa majesté. Félicitations à Chaïma Issa et mon ami Lazhar Akremi, grâce à votre militantisme et la légitimité carcérale offerte par le putschiste, votre nom est désormais inscrit en lettres d'or de l'Histoire de la Tunisie.