36 organisations nationales et associations ainsi que 17 personnalités publiques ont exprimé leur préoccupation concernant les violations graves et systématiques des droits humains dont sont victimes les personnes migrantes, ainsi que les campagnes systématiques d'appel à la haine et à la violence. Elles demandent l'ouverture d'enquêtes pour révéler la vérité et poursuivre les auteurs de ces violations. Dans un communiqué conjoint, les signataires soulignent que « plus d'un an après le communiqué de la présidence de la République tunisienne à l'issue de la réunion du Conseil national de sécurité, qui liait la présence de personnes migrants "à un complot visant à modifier la composition démographique de la Tunisie", les violations systématiques et les campagnes racistes et xénophobes visant les migrants subsahariens en Tunisie se poursuivent, et restent à ce jour impunies ».
Le même document indique que « les politiques des gouvernements successifs ont continué à se plier aux diktats de l'Union Européenne pour externaliser ses frontières, déléguant ainsi toute la gestion sécuritaire et la surveillance des frontières aux pays du sud de la Méditerranée. Cette externalisation s'accompagne d'une conditionnalité par laquelle les aides financières, les subventions et les prêts sont versés aux pays du Sud s'ils acceptent de jouer le rôle de gardien des frontières. Ces mesures ont été entérinées dans le cadre d'accords avec certains pays du voisinage-Sud de l'Union Européenne, bafouant encore une fois les bases fondamentales de tout partenariat, qui ne peut être fondé que sur une relation équilibrée et de respect mutuel entre les pays du Nord et du Sud ». Et d'ajouter : « Outre l'interception des migrants dans les eaux territoriales nationales, la Garde nationale maritime tunisienne s'efforce également de les poursuivre à l'intérieur du territoire, notamment en les déplaçant arbitrairement, ne tenant aucun compte de leur situation humanitaire ni des accords internationaux signés et ratifiés par la Tunisie. Tel était le cas dans plusieurs régions du pays où les forces de sécurité ont choisi de pousser des migrants vers certaines zones péri-urbaines, notamment à El Aamra, El Jédériya, à Kasserine, où la situation est de plus en plus inquiétante et alarmante. Il est également important de rappeler les conséquences désastreuses des opérations de déplacement forcé de migrants perpétrées par les autorités tunisiennes vers une zone tampon désertique, le long de la frontière tuniso-libyenne et sous un soleil de plomb, interdisant ainsi l'accès aux associations et aux citoyens qui ont tenté de leur venir en aide ». Face à ce drame, et notamment la situation préoccupante des personnes en mobilité qui étaient présentes dans la ville de Sfax, les autorités tunisiennes se sont limités à un traitement exclusivement sécuritaire sans prendre en considération la dimension humaine et humanitaire.
Les signataires soulignent aussi « l'acharnement exercé par l'appareil sécuritaire depuis le 19 mars et dont est victime l'ancien président de l'Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT), Christian Kwongang, citoyen camerounais, y compris sa détention arbitraire au centre d'El Ouardia ». Ils expriment ainsi leur solidarité totale avec l'AESAT, condamnent l'acharnement dont est victime Christian Kwongang et exigent des garanties immédiates quant au respect de ses droits. Et de noter que « plusieurs témoignages indiquent l'implication directe des autorités tunisiennes dans les violences perpétrées à l'encontre des personnes migrantes, tant lors des opérations d'interception en mer que lors d'interventions terrestres ».
Les organisations nationales, associations et personnalités publiques exigent la clarification de la base et du cadre légal de la détention des personnes migrantes, y compris au Centre El Ouardia qui opère sans aucun cadre ni supervision judiciaire, et ce en violation flagrante des lois tunisiennes et des conventions internationales ratifiées par la Tunisie, tel que confirmé par la décision du Tribunal administratif en 2020. Ils condamnent les politiques sécuritaires et d'externalisation des frontières de l'Union européenne, qui portent atteinte aux droits humains et appellent l'Etat tunisien à respecter le droit national et international en ce qui concerne les personnes en mobilité, et de rejeter toute politique d'externalisation européenne.
La liste des signataires : 1. Coalition Tunisienne Contre la Peine de mort - CTCPM - 2. Ligue tunisienne des droits de l'homme - LTDH 3. Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux - FTDES 4. Association Lina Ben Mhenni 5. Calam 6. Legal Agenda 7. Association Intersection pour les Droits et les Libertés 8. Avocats Sans Frontières – ASF 9. Association Mada 10. Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie 11. International Service For Human Rights - ISHR 12. L'association Sentiers-Massarib جمعية مسارب 13. Beity 14. WeYouth Organization 15. Association TaQallam pour la liberté d'expression et de créativité (جمعية تكلّم من أجل حرية التعبير والابداع) 16. Association Ifriqiya 17. Al Khatt 18. Inkyfada 19. African Business Leaders 20. Aswat Nissa 21. Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles – ADLI 22. No Peace Without Justice 23. Association Nachaz-Dissonances 24. Organisation Contre la Torture en Tunisie - OCTT - المنظمة التونسية لمناهضة التعذيب 25. Association pour la Promotion du Droit à la Différence – ADD 26. Comité pour le Respect des Libertés et des droits de l'Homme en Tunisie - CRLDHT 27. Fédération des Tunisiens pour Une citoyenneté des deux rives - FTCR 28. Union des Travailleurs immigrés Tunisiens – UTIT 29. Minority Rights Group - مجموعة حقوق الأقليات 30. EuroMed Rights 31. Migreurop 32. A Buon Diritto 33. CCFD-Terre Solidaire 34. ARCI 35. Watch The Med - Alarm Phone 36. Associazione per gli Studi Giuridici sull'Immigrazione – ASGI Sami Bargaoui, universitaire Monia Ben Hamadi, journaliste Hechmi Ben Frej militant Insaf Machta, universitaire Walid Mejri, journaliste et activiste Marta Luceño Moreno Chokri Latif, Ecrivain Fayçal Ben Abdallah, président de la FTCR Mouhieddine Cherbib, président du CRLDHT Fathi Tlili, président de l'UTIT Mohamed Ben Saïd, FTCR/ CRLDHT Mourad Allal, CRLDHT Mohsen Dridi, FTCR Kamel Jendoubi, CRLDHT Patrizia Mancini Hamadi Zribi Zaineb Mhemdi