Démystification des idées reçues Depuis le lancement du vaccin contre le cancer du col de l'utérus en Tunisie, les débats publics ont été alimentés par une vague de désinformation sur les réseaux sociaux. Plusieurs publications ont présenté ce vaccin comme un « complot » ou un outil inadapté à « nos sociétés ». L'une des déclarations ayant suscité une vive controverse est celle de la médecin Amel Soua, qui a affirmé : « le vaccin contre le cancer du col de l'utérus est fait pour les sociétés occidentales, où les filles ont des relations sexuelles précoces avec plusieurs partenaires. Ce cancer est causé par un virus sexuellement transmissible, mais une femme chaste et vertueuse, avec la volonté de Dieu, ne tombera pas malade. »
Ces propos, largement partagés, soulèvent des questions courantes, mais propagent également des idées fausses. Voici ce que dit la science.
Les faits scientifiques derrière le cancer du col de l'utérus En effet, le cancer du col de l'utérus est causé dans plus de 95% des cas par une infection persistante au virus du papillome humain (VPH), selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le VPH est extrêmement répandu : on estime que 80% des femmes sexuellement actives seront infectées par le virus au cours de leur vie, souvent sans le savoir. L'infection peut survenir dès le premier rapport sexuel, et il n'est pas nécessaire d'avoir plusieurs partenaires pour être exposée au virus. En d'autres termes, aucune femme n'est à l'abri, quel que soit son comportement ou son mode de vie. Le vaccin contre le VPH protège contre les types de virus les plus susceptibles de provoquer un cancer, notamment les types 16 et 18, responsables de 70% des cas de cancer du col. Il est recommandé par l'OMS, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), et de nombreuses autorités de santé à travers le monde. L'objectif du vaccin est de prévenir l'apparition de lésions précancéreuses, avant même que l'infection ne survienne. C'est pourquoi il est recommandé avant le début de la vie sexuelle, en général entre neuf et quatorze ans.
Les autres facteurs de risque et les idées reçues sur la sexualité Réduire le cancer du col de l'utérus à la seule sexualité est une vision simpliste et scientifiquement erronée. Il existe quelques facteurs de risque reconnus, comme le tabagisme qui affaiblit les défenses immunitaires et rend plus difficile l'élimination du VPH. La multiparité aussi augmente le risque de transformation des cellules du col. Les infections sexuellement transmissibles concomitantes, comme le VIH ou la chlamydia, ou encore l'utilisation prolongée de contraception orale pendant plus de cinq ans, sont également des facteurs de risque. Ces facteurs montrent que le risque de développer un cancer du col de l'utérus ne dépend pas uniquement de la moralité ou du comportement sexuel, mais bien de facteurs biologiques, environnementaux et médicaux.
Le vaccin, une avancée en santé publique mondiale L'affirmation selon laquelle seules les femmes sexuellement très actives peuvent développer un cancer du col de l'utérus est infondée et dangereuse. Elle véhicule une stigmatisation injustifiée et peut détourner des milliers de jeunes filles d'un outil de prévention sûr, efficace et salvateur. Le vaccin contre le VPH n'est ni un complot, ni réservé à l'Occident. C'est une avancée majeure en santé publique, capable de sauver des vies partout dans le monde, y compris en Tunisie. Comme pour tout vaccin, ou même pour tout médicament, des effets indésirables peuvent exister : il est donc préférable de s'informer auprès de son médecin traitant plutôt que de se fier aux publications en ligne.