Le secrétaire d'Etat américain à la Défense, Pete Hegseth, a accusé samedi 31 mai 2025, la Chine de se préparer « à utiliser potentiellement la force militaire » en Asie-Pacifique, une région dont Washington fait son « théâtre prioritaire » dans un contexte de montée des tensions. « La menace qui représente la Chine est réelle et pourrait être imminente », a-t-il déclaré au Shangri-La Dialogue de Singapour, plus grand forum sur la sécurité et la défense en Asie, dans un contexte de tensions commerciales et géopolitiques accumulées entre Washington et Pékin depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. M. Hegseth a assuré que Pékin « souhaite dominer et contrôler » la région et « s'entraîne tous les jours » en vue d'une invasion de Taïwan, avec une multiplication des manœuvres chinoises autour de l'île. Pékin se prépare ainsi « clairement et de manière crédible à utiliser la force militaire pour modifier l'équilibre des forces » en Asie-Pacifique, affirme le dirigeant américain. Le secrétaire d'Etat a également dénoncé la multiplication des incidents impliquant des navires chinois en mer de Chine méridionale, accusant Pékin « de s'emparer et de militariser illégalement » des îles et îlots revendiqués notamment par les Philippines. Le forum Shangri-La Dialogue rassemble chaque année des responsables issus de l'ensemble de l'Asie ainsi que du reste du monde dans la cité-Etat de Singapour. Pour la première fois depuis 2019 cependant, la Chine a annoncé qu'elle n'y enverrait pas de responsable de haut niveau.
Pour Washington, l'Asie-Pacifique est le « théâtre prioritaire » et les Etats-Unis « réorientent (leur stratégie) en vue de dissuader toute agression de la Chine communiste ». Le pays a ainsi accentué sa coopération avec le Japon et les Philippines, ses alliés traditionnels dans la région, et entrepris de renforcer ses relations avec l'Inde, a-t-il rappelé. « L'Amérique est fière d'être de retour en Indo-Pacifique, et nous sommes ici pour y rester », a martelé M. Hegseth. Mais « les alliés des Etats-Unis dans l'Indo-Pacifique peuvent et doivent augmenter rapidement leurs propres moyens de défense », a-t-il souligné, citant l'Europe en exemple. « Grâce au président Trump nos alliés et partenaires asiatiques devraient s'inspirer des pays européens, un tout nouvel exemple » en la matière, a-t-il déclaré. « La dissuasion n'est pas bon marché », a-t-il rappelé. Plusieurs pays européens, à commencer par l'Allemagne, ont annoncé une hausse drastique de leurs budgets militaires afin de les porter à 5% de leur PIB face à la menace du président américain de se désengager de la défense de l'Europe via l'Otan. Présente également au forum, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a souligné que « l'Union européenne a changé de braquet et repensé son paradigme pour en faire un projet de paix soutenu par une défense solide ».
Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine ont été avivées par le retour au pouvoir de M. Trump, qui a notamment infligé à Pékin des droits de douane record. Vendredi, le président américain a une nouvelle fois accusé Pékin de ne pas respecter les termes d'un accord négocié il y a deux semaines entre les deux pays à Genève en vue d'amorcer une détente sur cette question. Premier représentant européen à tenir le discours d'ouverture du Shangri-La Dialogue, le président français Emmanuel Macron avait appelé vendredi à « bâtir de nouvelles alliances » avec ses partenaires asiatiques pour ne pas être « les victimes collatérales » des « décisions prises par les superpuissances ». Il a par ailleurs rappelé les autorités chinoises à ce qu'il considère être leur rôle dans la sécurité internationale. « Si la Chine ne veut pas que l'Otan soit impliquée en Asie du Sud-Est ou en Asie, elle doit empêcher clairement la Corée du Nord d'être impliquée sur le sol européen », où elle a déployé des soldats contre l'Ukraine aux côtés de la Russie, a affirmé le dirigeant français. Répondant à M. Macron, qui avait également établi vendredi un parallèle entre la situation de l'Ukraine et celle de Taïwan, la Chine a jugé ces derniers propos « inacceptables ». « Les deux sont de natures différentes, et en aucun cas comparables », a réagi l'ambassade de Chine à Singapour, soulignant que pour Pékin « Taïwan est une partie inaliénable du territoire chinois ». « Si nous considérons que la Russie peut être autorisée à s'emparer d'une partie du territoire de l'Ukraine sans restriction, sans contrainte, sans réaction de l'ordre mondial, que dira-t-on au sujet de ce qui pourrait se passer à Taïwan ? », a été intervenu M. Macron à la tribune du forum, dont la 22e édition s'achève dimanche.