Kaïs Saïed exhorte à redoubler d'efforts pour libérer les Tunisiens détenus par Israël    Flottille Al Soumoud, Ahmed Abdelkefi, ordre des ingénieurs…Les 5 infos de la journée    Al Soumoud : le MAE regarde ailleurs… et limite les commentaires    Ooredoo AI Summit : accélérer l'économie numérique de la Tunisie    Renforcer la sécurité hydrique et alimentaire : lancement du projet TANIT KT à Zaghouan    Gaz toxiques et colère locale : un plan pour réduire les émanations du GCT à Mdhila    Tunisie : signature d'un accord entre la STEG et la BEI pour l'interconnexion électrique avec l'Italie    Loi de finances Budget économique : pourquoi tant d'ostracisme face aux grands défis ?    L'UBCI réaffirme son leadership en matière de RSE    Tunis - Mobilisation devant l'ambassade US après l'attaque de la flottille    Global Sumud Flottilla : 16 tunisiens sur 28 arrêtés, le navire Mikeno entre dans les eaux territoriales palestiniennes    Tunisie Telecom: un acteur de confiance au service de la cybersécurité et de la souveraineté numérique du pays    Bizerte : démantèlement d'un réseau de drogue et saisie de milliers de comprimés et d'injections    L'Ostéoporose touche 25 pc des femmes de plus de 45 ans en Tunisie    Dream City 2025 : le festival d'art urbain engagé de retour pour animer la médina de Tunis et ses environs    Eliminatoires de la Coupe du Monde 2026 : la liste des joueurs de l'équipe nationale pour les matchs contre Sao Tomé et la Namibiedévoilée    Festival arabe de la radio et de la télévision: les recettes de la dernière édition reversées aux villages SOS    PMO MASTERY 2025 le premier événement international en Tunisie pour les leaders des PMOs    En vidéo : accident spectaculaire sur l'autoroute A1    Décès de l'ancien Mufti de la République Hamda Saïed    Décès de l'ancien mufti de la Tunisie, Hamda Saïed    Transport scolaire : Mouez Echrif accuse le ministre du Transport de négliger le Sahel    Haltérophilie : Ghofrane Belkhir quitte la délégation tunisienne en Norvège    Tunisie : Incarcération de l'ancienne DG de la CDC pour suspicion de corruption    20 octobre prochain : dernier délai pour la déclaration d'impôts pour les personnes morales    Ben Arous: séance de travail sur la situation environnementale et la pollution    ASM-EST (0-3) : Le métier des "Sang et Or"    Ligue 1 – 8e journée : Le ST revient de loin    42 milles séparent la flottille Soumoud de Gaza    Flottille Sumud : un navire franchit les eaux territoriales gazaouies    Service militaire des binationaux tunisiens en France, Algérie et Turquie : les détails    Pluies, orages et baisse des températures attendus en Tunisie    Perturbations prévues sur les traversées Sfax – Kerkennah    Tension Madrid–Tel-Aviv : l'Espagne proteste contre l'interception de navires humanitaires    Paris : braquage fracassant chez Chanel en pleine Fashion Week    Procès de Rached Ghannouchi : report à novembre et rejet d'une demande de libération    Ibraaz, nouveau lieu d'art et de pensée critique, ouvre ses portes à Londres (Album photos)    Le Club Africain lance un Appel à Manifestation d'Intérêt International pour un partenariat Equipementier & Merchandising    La défense d'Ahmed Souab porte plainte contre Mohamed Bouzidi    Quand sécurité rime avec équité : La stratégie de Kaïs Saïed    "Chakchouka" et "zaatar" font leur entrée dans le dictionnaire français    Le palais Ahmed Bey abrite l'exposition Italianisances, présence italienne dans l'architecture tunisienne    Yassine Guenichi brille : l'argent et un nouveau record d'Afrique pour la Tunisie    l'avocate de Halima Ben Ali dévoile les détails de son arrestation à Paris    Yassine Gharbi remporte la médaille d'or sur 400 m fauteuil (T54) aux Championnats du monde 2025 de para-athlétisme en Inde    Le drapeau One Piece, symbole contestataire de la Génération Z dans plusieurs pays, pourquoi?    Hassen Doss enchante la Chine pour la Fête de la Lune    L'UNESCO inaugure le premier Musée virtuel mondial des biens culturels volés    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Location estivale, ce business qui échappe au fisc
Publié dans Business News le 23 - 06 - 2025

Chaque été, des milliers de logements changent de mains pour quelques jours ou semaines, dans un marché locatif en pleine effervescence. Mais derrière le boom se cache un phénomène révélateur : l'explosion d'une économie parallèle où le fisc est le grand absent.

Le soleil, la mer, les plages bondées… et les locations non déclarées. Chaque été en Tunisie, des milliers de logements sont mis en location sur les plateformes numériques ou par simple bouche-à-oreille. Le marché de la location estivale a pris une ampleur spectaculaire ces dernières années, porté par une forte demande locale et par la diaspora tunisienne.
Selon l'étude réalisée par le portail spécialisé Mubawab en juin 2025, les appartements représentent 67 % des recherches nationales sur le marché estival, et les villas avec piscine crèvent le plafond des prix. Le Cap Bon concentre à lui seul 67 % de la demande balnéaire, avec Hammamet Nord en tête, tandis qu'à El Kantaoui, les villas s'arrachent jusqu'à 1.750 dinars la nuitée. Djerba, Bizerte et Mahdia viennent compléter le classement des régions les plus prisées.
Cette flambée saisonnière reflète une double dynamique : d'une part, un engouement touristique mal encadré, et de l'autre, un secteur locatif entièrement déconnecté des règles fiscales. Car si les annonces affluent et que les prix grimpent, les recettes fiscales, elles, ne suivent pas.

Le marché estival : un eldorado pour les particuliers
Le marché est dominé par les particuliers qui mettent leur logement en location pour quelques jours ou semaines, souvent sans intermédiaire et sans aucune déclaration au fisc. C'est un business simple, sans contraintes administratives, qui rapporte gros : une villa avec piscine bien située peut générer jusqu'à 50.000 dinars en un seul été.
Les appartements de type S+1 ou S+2, plus abordables, permettent aux petits propriétaires de remplir leur logement toute la saison, avec des prix tournant autour de 135 à 450 dinars la nuit selon la localité. Hammamet, Kélibia, El Kantaoui, Midoun ou Rafraf affichent un taux de rotation élevé. La location saisonnière est ainsi devenue une activité à part entière pour des milliers de Tunisiens, souvent plus rentable que la location annuelle classique.
Mais cette rentabilité a un coût pour l'Etat. Les recettes ne sont pas déclarées, les revenus non imposés, et aucune réglementation ne vient encadrer ces flux. L'administration fiscale regarde ailleurs, concentrée sur les contribuables patentés qui, eux, sont tenus de justifier chaque millime.

Une manne qui échappe au fisc
Le décalage est flagrant. Alors que les contribuables dûment déclarés font l'objet de redressements, de contrôles et d'obligations de paiement, voire même de prison comme on l'a vu la semaine dernière avec Mehdi Ben Gharbia, une économie locative florissante se déploie en toute impunité. On paie en espèces, on signe rarement des contrats, et l'absence de trace facilite l'invisibilité fiscale.
Cette situation n'est pas marginale. Selon l'expert fiscal Mohamed Salah Ayari, membre du Conseil national de la fiscalité, le taux de fraude fiscale en Tunisie oscille autour de 50 %, ce qui représente un manque à gagner estimé à 23 milliards de dinars. Le secteur de la location estivale en constitue un segment emblématique : très rentable, mais complètement hors radar.
Dans sa récente intervention sur Diwan FM, M. Ayari a pointé l'iniquité du système : les salariés payent la majeure partie des impôts via la retenue à la source, pendant que d'autres, notamment ceux qui tirent profit d'activités parallèles comme la location touristique, passent entre les mailles du filet. Une distorsion qui creuse le déficit et alimente le sentiment d'injustice fiscale.

Un Etat impuissant ou complice ?
La tolérance des pouvoirs publics face à cette évasion fiscale soulève de nombreuses questions. Comment expliquer que l'administration fiscale n'ait mis en place aucun mécanisme de recensement ou de déclaration obligatoire des locations saisonnières, alors même que les sites et les groupes Facebook spécialisés regorgent d'offres visibles publiquement ?
La passivité est d'autant plus flagrante que l'encadrement de ce marché permettrait à l'Etat de diversifier ses recettes fiscales, de réguler les prix, et de protéger les locataires contre les abus. Mais rien n'est fait. Pendant ce temps, des propriétaires encaissent sans facture, sans impôts, parfois sans même déclarer l'existence du bien immobilier.

Un marché à deux vitesses, des prix hors sol
L'étude de Mubawab met en lumière une autre réalité : la polarisation croissante du marché locatif. Entre les appartements modestes de Mahdia ou Hammamet Sud à 135-170 DT/nuit, et les villas premium d'El Kantaoui ou Djerba Zone Touristique à 1250 voire 1750 dinars/nuit, l'écart se creuse. Le littoral tunisien devient un marché à deux vitesses, où seuls les plus aisés peuvent se permettre un confort optimal.
Cette inflation des prix ne semble rencontrer aucun frein. Pis, elle est encouragée par la rareté des biens, la forte demande des Tunisiens résidant à l'étranger, et l'absence de plafonnement. Le segment des villas avec piscine est devenu un véritable produit de luxe, prisé non seulement pour les vacances, mais aussi pour les locations d'événements privés (mariages, anniversaires, etc.).

Une dynamique hors sol, un encadrement absent
Le caractère informel du marché empêche toute tentative de planification territoriale ou d'intervention publique. Aucune norme ne régule les prix, la qualité des biens, ni la sécurité des locataires. Les abus sont légion : promesses non tenues, logements défraîchis, arnaques, dépôts de garantie non restitués. Les victimes n'ont souvent aucun recours, faute de cadre légal.
Le développement du tourisme interne et l'essor des réseaux sociaux ont rendu ce marché encore plus chaotique, et paradoxalement, encore plus toléré. Le fisc, pourtant omniprésent quand il s'agit d'entrepreneurs dûment enregistrés, semble soudain aveugle face à cette économie de l'été.

Une fuite de recettes, un défi pour demain
Dans un pays où l'Etat peine à réduire son déficit et où les recettes fiscales stagnent, laisser un pan entier de l'activité économique se développer sans aucune captation fiscale relève au mieux de la négligence, au pire de la complaisance.

L'encadrement du marché locatif saisonnier ne relève pas d'une utopie technocratique. Il est non seulement possible, mais nécessaire. Il suppose une volonté politique, un minimum de contrôles, et une réforme de l'assiette fiscale qui ne repose plus uniquement sur les revenus salariaux et l'imposition désarmante des PME.
Car à défaut de gouverner, faut-il encore observer, réguler, et surtout, prélever.

Maya Bouallégui

Cliquer ici pour lire l'intégralité de l'étude de Mubawab


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.