Il est devenu très ardu, pour un esprit normalement construit, de décrire par de simples mots ce à quoi on assiste aujourd'hui à Gaza. Génocide ou guerre d'extermination, déportation forcée ou massacre de masse, les mots et expressions ne suffisent plus pour décrire ces images macabres qui défilent au quotidien, ou ce nombre d'âmes perdues que certains médias additionnent mécaniquement, comme s'il s'agissait d'une simple opération comptable, dénuée de tout sentiment humain.
Un massacre planifié sous les yeux du monde Il ne se comptent plus, les exemples de l'Histoire, où un groupe d'humains (si on peut les décrire ainsi) fait subir à un autre groupe, pourtant censé appartenir à la même espèce, des atrocités et exactions plus brutales les unes que les autres. Guerres communautaires ou de religion, conflits idéologiques, guerres territoriales, désirs insatiables d'extension d'empires, occupations coloniales pour exploitation de richesses… le primum movens peut varier, mais le but ultime demeure le même : la DOMINATION de l'autre. Mais les historiens actuels et ceux du futur devront inventer une nouvelle nomenclature pour pouvoir traduire, par une succession de lettres, une succession d'actes dont l'ignominie n'a d'égal que la barbarie avec laquelle ils sont commis. Comment peut-on décrire, en effet, le bombardement quotidien, incessant, d'un territoire clos, d'à peine 360 km² de surface, où s'entassent deux millions d'êtres humains (plus forte concentration démographique au monde !), déplacés de force dans un périmètre où ils n'ont nulle part où aller, sans distinction aucune de cibles militaires, civiles, écoles, hôpitaux, camps de réfugiés, avec un blocus de l'aide humanitaire et alimentaire savamment orchestré ? Peut-être faudra-t-il aller chercher les mots dans la déclaration proférée au lendemain du 7 octobre 2023, par le ministre de la Défense israélien en personne, en toute lucidité et transparence : « Nous allons affamer Gaza » ! Assiéger un territoire dans le but d'affamer sa population afin qu'elle capitule, l'Histoire en regorge d'exemples. Sauf que là, non seulement on assiège, on coupe court à tout approvisionnement vital, mais on continue de faire parler les armes pour tuer ! Encore et encore ! Au point où, pendant ces dernières semaines, la majorité écrasante des victimes palestiniennes se compte parmi ceux qui font la queue pour récupérer les miettes d'aides alimentaires, ou ceux qui meurent faute de soins ou en conséquence de la malnutrition (1 000 morts depuis le mois de mai, selon les chiffres de l'ONU !). Devant l'horreur de cet objectif déclaré et exécuté manu militari, le narratif des responsables de l'Etat hébreu reste aussi arrogant et dénué de toute once de culpabilité : Israël a le droit de se défendre. L'objectif est d'éradiquer le Hamas, et tous les ennemis d'Israël dans la région. Au point d'étendre cette guerre à tous les pays voisins — Liban, Iran, Syrie — en commettant des opérations dites « préventives », même si elles font fi de toute règle du droit international. Notion qui n'a d'ailleurs jamais été respectée par Israël depuis sa naissance en 1948. C'est dire à quel point cette guerre est devenue une sorte d'assurance-vie pour le gouvernement de Netanyahou et ses sbires.
Devant ce spectacle affligeant, que fait la communauté internationale ? Les uns condamnent, les autres expriment leur indignation et leur soutien indéfectible à la cause palestinienne, d'autres encore se prosternent dans un silence, voire une indifférence complice. Mais le résultat est sans appel : le carnage continue au vu et au su de tous ! Les pays européens, loin d'avoir une position unanime sur le sujet, et portant pour la plupart dans leur actif la mémoire du massacre des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, ont vu leur position évoluer depuis le 7 octobre 2023, d'un soutien indéfectible à Israël pour se défendre contre l'agression du Hamas, vers la qualification du caractère disproportionné de la réponse israélienne (une fois n'est pas coutume !), pour enfin proposer de l'aide humanitaire à Gaza ou encore appeler à casser le blocus, ou, pour les positions jugées des plus courageuses (sic !), reconnaître l'Etat palestinien (comme l'ont déjà fait l'Espagne, l'Irlande ou encore la Norvège, et comme ont annoncé le faire bientôt la France et la Grande-Bretagne). Par contre, aucune qualification de type GENOCIDE, CRIME DE GUERRE ou MASSACRE DE MASSE, ni aucune proposition de cesser toute livraison d'armes à l'Etat hébreu, ou de lui infliger des sanctions. Pour les Etats-Unis d'Amérique, principal créancier et allié indéfectible d'Israël en toutes circonstances, la position a « évolué » : d'un soutien total avec de timides réserves pour « contenir » la riposte à son aspect strictement militaire sous l'administration Biden, à un soutien franchement assumé, contre un dédain complet pour le sort des Palestiniens sous l'administration Trump. Il a même été question de proposer un déplacement de masse des Palestiniens de Gaza vers les pays arabes voisins, pour en faire la Riviera de luxe du Moyen-Orient ! En face, le soutien à la cause palestinienne, du moins moral, est d'ampleur planétaire. La vague d'indignation et les manifestations populaires traversent les continents et les océans pour concerner tous les peuples, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse. Les positions des gouvernements soutenant la Palestine varient, quant à elles, de simples communiqués exprimant l'indignation, proposant un cessez-le-feu ou encore de lever le blocus (Ligue arabe, puissances anti-occidentales comme la Chine ou la Russie), à des condamnations plus belliqueuses (Iran, Turquie, Afrique du Sud), mais sans conséquence aucune sur le terrain. Il est par ailleurs important de citer les actions et positions salutaires de différentes ONG (ONU, UNICEF, Médecins sans frontières, Amnesty International, Croissant-Rouge…) qui essayent malgré tout de continuer leur travail de terrain pour apporter de l'aide aux Palestiniens, tout en décrivant, sans mâcher les mots, la situation sur place comme : « Catastrophe humanitaire épique », « Famine catastrophique », « Cimetière géant » ou « Violations sans précédent ». Condamnations et actions qui n'ont également pas pu atténuer, hélas, l'ampleur du désastre humanitaire sur place. Nous voilà donc, en résumé, devant un massacre de masse, volontaire et déshumanisant, qui, par son ampleur et son modus operandi, devient sans aucun doute un événement inédit dans l'Histoire, du moins contemporaine. Massacre qui se passe devant une communauté internationale hébétée et impuissante, malgré quelques bonnes volontés disparates. Massacre perpétré par un Etat voyou, Israël, agissant en toute impunité, et bénéficiant de la protection des USA, première puissance mondiale, dont l'actuelle administration n'a jamais autant dénigré les règles du droit international au profit de la loi du plus fort. Jusqu'où ? Et avec quel résultat final ? Nul ne le sait !
*Kais Nigrou - Chirurgien - Ancien conseiller municipal